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04/07/2005 | LUXEMBOURG | N°19684

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 juillet 2005, 19684


Tribunal administratif N° 19684 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 avril 2005 Audience publique du 4 juillet 2005 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19684 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 avril 2005 par Maître Daniel BAULISCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l

’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, né le … (Sierra Leone), de nationali...

Tribunal administratif N° 19684 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 avril 2005 Audience publique du 4 juillet 2005 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19684 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 avril 2005 par Maître Daniel BAULISCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, né le … (Sierra Leone), de nationalité sierra-léonaise, actuellement détenu au Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration intervenue le 8 février 2005, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative de refus du même ministre du 21 mars 2005, prise suite à un recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 mai 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 27 juin 2005, Maître Maria Manuela DIAS MARQUES, en remplacement de Maître Daniel BAULISCH, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH s’étant rapportés aux écrits de leurs parties respectives.

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Le 10 juillet 2004, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-

après dénommé « la Convention de Genève ».

Le 1er février 2005, il fut entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 8 février 2005, notifiée en mains propres le 21 février 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration l’informa de ce que sa demande avait été rejetée, au motif qu’il n’alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays, de sorte qu’aucune crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un certain groupe social ne serait établie dans son chef et que partant sa demande serait manifestement infondée, et, a fortiori, non fondée pour les mêmes motifs.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre du 7 mars 2005 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prit une décision confirmative le 21 mars 2005 Le 18 avril 2005, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation contre les décisions ministérielles de refus précitées.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître en tant que juge du fond de la demande introduite contre les décisions ministérielles entreprises. Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond, le demandeur conteste les motifs invoqués pour lui refuser le statut de réfugié. Tout en affirmant avoir quitté son pays « pour des raisons économiques », il prétend que sa situation subjective spécifique, non autrement précisée, laisserait supposer un danger sérieux pour sa personne au cas où il serait contraint de retourner dans son pays.

Il estime encore que le motif de refus avancé par le ministre, tiré du fait que ses déclarations entacheraient sérieusement la crédibilité de son identité et de son récit, « commanderait que ce soit l’objectif de la demande qui soit frauduleux et qu’il soit établi qu’[il], tout en ne méritant pas le statut de réfugié, voudrait néanmoins, par des moyens et des fins frauduleux, se le faire reconnaître, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ».

Le délégué du Gouvernement estime pour sa part que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte que celui-ci serait à débouter de son recours.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, force est de constater que le demandeur, lors de son audition du 1er février 2005, telle que relatée par le rapport versé aux débats, déclare expressément avoir quitté le Nigeria, où il vivait avant de venir en Europe, par ce qu’il avait dû mal à y vivre. Sur question spécifique de l’agent du ministère quant à d’éventuelles persécutions ayant justifié sa fuite, le demandeur affirme ne jamais avoir personnellement subi de persécutions, mais précise, sur question de l’agent ayant procédé à son audition, avoir quitté le Nigeria pour des raisons d’argent et de nourriture.

Il se dégage partant du rapport d’audition que l’objectif réel du demandeur est de trouver de meilleures conditions de vie à l’étranger, et en particulier au Luxembourg.

Le tribunal tient à ce sujet à souligner que contrairement à ce qu’affirme péremptoirement la requête introductive d’instance, aucun élément du dossier lui soumis, et en particulier des recours gracieux et contentieux, ne permet de conclure que la situation subjective spécifique du demandeur laisserait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Or, des considérations d’ordre matériel et économique ne constituent pas un motif d’obtention du statut de réfugié.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

C’est partant à juste titre que le ministre a considéré la demande d’asile sous analyse comme étant manifestement infondée pour ne pas tomber sous le champ d’application de la Convention de Genève.

Toute demande d’asile remplissant les conditions fixées par l’article 9 de la loi du 3 avril 1996, de sorte à pouvoir être rejetée comme étant manifestement infondée, peut également, et a fortiori, être considérée comme simplement non fondée au sens de l’article 11 de la même loi, la seule différence entre les deux dispositions légales consistant dans le fait que les procédures administrative et contentieuse à respecter en application de l’article 9 en question sont réglementées de manière plus stricte par rapport à celles applicables en application de l’article 11 précité, dans la mesure où non seulement seuls les recours en annulation sont susceptibles d’être introduits à l’encontre des décisions déclarant une demande d’asile manifestement infondée mais qu’en outre les délais d’instruction sont beaucoup plus courts par rapport à ceux applicables pour les décisions prises au sujet des demandes d’asile déclarées simplement non fondées.

Or, le fait de faire application des dispositions des articles 11 et 12 de la loi précitée du 3 avril 1996 au lieu de celles contenues aux articles 9 et 10 de la même loi ne saurait en aucune manière préjudicier au demandeur d’asile qui, au contraire, bénéficie ainsi de garanties de procédure plus étendues, dans la mesure où il pourra introduire un recours en réformation devant les juridictions administratives et où les délais d’instruction au niveau administratif et au niveau juridictionnel ne comportent pas la même limitation dans le temps que ceux prévus au sujet des demandes d’asile déclarées manifestement infondées (Cour adm. 19 février 2004, n° 17263C ;

Cour adm. 19 février 2004, n° 17264C, non encore publiés).

A partir de ces considérations, le tribunal est amené à constater que les décisions litigieuses sont a fortiori justifiées dans leur résultat en ce qu’elles ont rejeté comme non fondée sur base de l’article 11 de la loi modifiée du 3 avril 1996 précitée la demande du demandeur en obtention du statut de réfugié, sans qu’il y ait lieu d’examiner plus en avant les autres motifs de refus invoqués à leur appui, ainsi que les moyens y afférents.

.

Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, déclare le recours non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 4 juillet 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Lamesch, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19684
Date de la décision : 04/07/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-07-04;19684 ?

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