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04/07/2005 | LUXEMBOURG | N°19677

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 juillet 2005, 19677


Tribunal administratif N° 19677 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 avril 2005 Audience publique du 4 juillet 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19677 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 avril 2005 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre d

es avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo, Etat de Serbie et Monténégro)...

Tribunal administratif N° 19677 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 avril 2005 Audience publique du 4 juillet 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19677 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 avril 2005 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo, Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 26 janvier 2005, notifiée le 3 mars 2005, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 15 mars 2005, notifiée le 18 mars 2005, suite à un recours gracieux du 3 mars 2005 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 mai 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 27 juin 2005, en présence de Maître Louis TINTI, ainsi que de Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH, qui se sont rapportés aux écrits respectifs de leurs parties.

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Le 29 octobre 2004, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Monsieur … fut entendu le 12 novembre 2004 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 26 janvier 2005, expédiée par courrier recommandé le 1er février 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa Monsieur … de ce que sa demande avait été rejetée au motif qu’il n’alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays d’origine, de sorte qu’aucune crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un certain groupe social ne serait établie dans son chef.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre du 3 mars 2005 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prit une décision de refus confirmative de sa décision initiale le 15 mars 2005.

Le 18 avril 2005, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation contre les décisions ministérielles précitées.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le recours en réformation, introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Quant au fond, le demandeur critique les décisions ministérielles déférées en ce qu’elles reposeraient sur une appréciation erronée des faits d’espèce. Il fait exposer à ce sujet qu’il serait de nationalité serbo-monténégrine, originaire du Kosovo et de confession musulmane, mais que du fait de la collaboration de son frère avec les Serbes de 1995 à 1999, il aurait été lui-même persécuté par l’UCK et par l’AKSH, sans que les autorités en place aient été en mesure de le protéger.

En substance, il reproche au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration d’avoir fait une mauvaise application de la Convention de Genève et d’avoir méconnu la réalité et la gravité des motifs de crainte de persécution qu’il a mis en avant pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié.

Le délégué du Gouvernement estime pour sa part que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte que celui-ci serait à débouter de son recours.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Le tribunal, statuant en tant que juge du fond en matière de demande d'asile, doit en effet procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur d'asile, tout en prenant en considération la situation générale existant dans son pays d’origine. Cet examen ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur (trib. adm. 13 novembre 1997, n° 9407 et 9806, Pas. adm. 2004, V° Etrangers, C. Convention de Genève, n° 43, p.201, et les autres références y citées).

Il appartient dans ce cadre au demandeur de présenter un récit crédible et cohérent. En l’espèce cependant, lors de son audition en date du 12 novembre 2004, telle que celle-ci a été relatée dans le compte rendu figurant au dossier, Monsieur … affirme avoir été enlevé « après la guerre » par l’UCK qui l’aurait maltraité pendant une semaine à cause d’atrocités que son frère, qui apparemment a fui le Kosovo en 1999, aurait commises pendant la guerre aux côtés des Serbes. Néanmoins, l’UCK aurait fini par reconnaître que Monsieur … était étranger aux actes prétendument commis par son frère et l’aurait relâché.

Un groupe armé dénommé « AKSH » lui aurait ensuite adressé fin 2002 une lettre le menaçant de mort, de sorte qu’il aurait été contraint de se cacher, pour ensuite fuir le Kosovo.

Le tribunal relève à ce sujet que le demandeur affirme ne pas avoir vu la lettre de menace, étant donné qu’il se cachait déjà chez un ami, pour ensuite prétendre avoir reçu la lettre « fin 2002 », et s’être caché auprès de son ami en 2003. Le tribunal a à ce sujet du mal à suivre la chronologie des évènements tels que relatés par le demandeur et à saisir pourquoi le demandeur se cachait déjà avant l’obtention de ladite lettre de menace.

Force est encore de constater que si le demandeur affirme dans un premier temps ne s’être vu adresser qu’une seule lettre de menace, il affirme plus tard avoir reçu deux lettres de menace.

Il ressort encore du récit du demandeur que si celui-ci se cachait depuis 2003 pour échapper à l’organisation AKSH, changeant régulièrement de lieu de séjour et ne circulant que de nuit, il n’a cependant quitté le Kosovo que le 23 octobre 2004, au motif qu’il devait d’abord terminer sa scolarité (« école moyenne en mathématiques » ) avant de quitter le pays.

Le tribunal estime que la poursuite par le demandeur de sa scolarité pendant plus d’un an n’est guère conciliable avec la vie clandestine menée prétendument en même temps et prétendument lui imposée par les menaces de mort émanant de l’AKSH.

Le demandeur explique encore que les membres de l’AKSH, « en rage » contre lui à cause des atrocités commises par son frère, ne regarderaient pas la personne, étant donné qu’elles chercheraient « tout simplement » à se venger, mais affirme néanmoins que sa mère, sa sœur et son frère restés au pays ne risqueraient rien, parce que « chez nous il n’y a personne qui va s’en prendre à une femme et mon frère est encore trop petit ».

Il résulte de ce qui précède que le récit du demandeur est à qualifier à tout le moins d’incohérent et n’emporte pas la conviction du tribunal.

Par ailleurs, à supposer les persécutions établies, il convient de relever en outre que le demandeur reste en défaut d’établir des raisons suffisantes pour lesquelles il n’aurait pas été en mesure le cas échéant de s’installer dans une autre partie du pays, où il pourrait profiter ainsi d’une possibilité de fuite, d’autant plus que tant son appartenance ethnique que sa religion et sa langue maternelle sont celles de la majorité albanaise.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef.

Il s’ensuit que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en la forme, au fond, déclare le recours non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 4 juillet 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Lamesch, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19677
Date de la décision : 04/07/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-07-04;19677 ?

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