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04/07/2005 | LUXEMBOURG | N°19524

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 juillet 2005, 19524


Tribunal administratif N° 19524 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 mars 2005 Audience publique du 4 juillet 2005 Recours formé par les époux … et … et consort, Rédange-sur-Attert contre une décision des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière d’autorisation de séjour

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19524 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 mars 2005 par Maître Aurore GIGOT, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à

Kopernice (Kosovo/Etat de Serbie-et-Monténégro) et de son épouse, Madame …, née le … à Zarbinc...

Tribunal administratif N° 19524 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 mars 2005 Audience publique du 4 juillet 2005 Recours formé par les époux … et … et consort, Rédange-sur-Attert contre une décision des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière d’autorisation de séjour

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19524 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 mars 2005 par Maître Aurore GIGOT, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Kopernice (Kosovo/Etat de Serbie-et-Monténégro) et de son épouse, Madame …, née le … à Zarbinca (Kosovo), agissant tant en leur nom personnel qu’en celui de leur fils commun …, né le … à Kamenice (Kosovo), tous de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision sur recours gracieux prise par le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration le 21 février 2005, confirmant dans son intégralité sa décision du 30 décembre 2004, par laquelle leur demande tendant à l’obtention d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires a été rejetée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 mai 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Aurore GIGOT et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline GUILLOU-JACQUES en leurs plaidoiries respectives.

Après s’être vu refuser définitivement l’octroi du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 au Grand-Duché de Luxembourg suivant arrêt de la Cour administrative du 5 octobre 2004, les époux …, agissant tant en leur nom personnel qu’en celui de leur enfant mineur …, sollicitèrent, par courrier de leur mandataire du 25 novembre 2004, auprès du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration une « autorisation de séjour pour raisons humanitaires », basée sur l’état de santé de Madame SOPI, tel qu’attesté par un certificat médical du docteur G.S. du 22 novembre 2004, ainsi que par un certificat médical du même docteur du 23 mars 2004.

Par courrier du 3 décembre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration transmit au médecin-conseil de l’administration du Contrôle médical de la Sécurité sociale, ci-après dénommé « le médecin de contrôle », lesdits certificats médicaux pour avis.

Il ressort de l’avis du 7 décembre 2004 du médecin de contrôle que Madame …… « ne présente pas de pathologie médicale empêchant le rapatriement dans son pays d’origine ».

Par décision du 30 décembre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa le mandataire des époux …… de ce qui suit :

« J’ai l’honneur de me référer à votre courrier du 25 novembre 2004 concernant la demande d’une autorisation de séjour provisoire pour M. et Mme …….

Toutefois je suis au regret de vous informer que je ne suis pas en mesure de faire droit à votre demande.

En effet, selon l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1° l’entrée et le séjour des étrangers ; 2° le contrôle médical des étrangers, 3° l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, la délivrance d’une autorisation de séjour est subordonnée à la possession de moyens d’existence personnels suffisants légalement acquis permettant à l’étranger de supporter ses frais de séjour au Luxembourg, indépendamment de l’aide ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient s’engager à lui faire parvenir.

Vos mandants ne font pas état de raisons humanitaires justifiant une autorisation de séjour au Luxembourg (…) ».

Le 26 janvier 2005, les époux …… par l’intermédiaire de leur mandataire, introduisirent un recours gracieux à l’encontre de la décision précitée du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration.

Par décision du 21 février 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration confirma sa décision initiale de refus du 30 décembre 2004.

Par requête déposée le 21 mars 2005, les époux ……, agissant tant en leur nom personnel qu’en celui de leur enfant mineur …, ont fait introduire un recours contentieux tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 21 février 2005, confirmative sur recours gracieux de celle du 30 décembre 2004.

Une décision prise sur recours gracieux, purement confirmative d'une décision initiale tire son existence de cette dernière, et, dès lors, les deux doivent être considérées comme formant un seul tout. Il s’ensuit qu’un recours introduit en temps utile contre la seule décision confirmative est valable (cf. trib. adm. 21 avril 1997, n° 9459 du rôle, Pas.

adm. 2004, V° Procédure contentieuse, n° 112 et autres références y citées).

En ce qui concerne tout d’abord le recours en réformation, introduit en ordre principal, il échet de constater que le recours vise en substance le refus ministériel d’octroi d’un permis de séjour au Grand-Duché de Luxembourg et que le tribunal est incompétent pour en connaître dans la mesure où il n’existe aucune disposition légale prévoyant un recours de pleine juridiction en cette matière. Partant, seul un recours en annulation a pu être dirigé contre la décision incriminée.

Le recours subsidiaire en annulation est recevable pour avoir par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs reprochent en substance au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration de ne pas avoir retenu l’existence de raisons humanitaires de nature à justifier la délivrance d’une autorisation de séjour et d’avoir mal apprécié la gravité de l’état de santé de Madame …, laquelle souffrirait d’« une grave maladie des reins et d’un grave problème de la colonne vertébrale ». Ils soutiennent dans ce contexte qu’elle aurait besoin d’un traitement permanent, alors que son rein ne fonctionnerait plus du tout et qu’elle ne pourrait pas bénéficier au Kosovo, pays d’origine, du suivi médical dont elle aurait besoin, d’autant plus que son état s’aggraverait et risquerait de nécessiter des soins de plus en plus sophistiqués. Ils ajoutent qu’en raison des origines serbes de Madame …, celle-ci ne bénéficierait pas d’un accès équitable aux soins médicaux au Kosovo.

Le délégué du gouvernement rétorque que, contrairement aux affirmations des demandeurs, l’état de santé déficient de Madame … ne serait pas de nature à empêcher son rapatriement au Kosovo. Dans ce contexte, il se prévaut du certificat médical du 22 novembre 2004 du Dr. G. S., spécialiste en urologie, selon lequel le traitement médical de la maladie rénale de Madame … serait possible au Kosovo et que sa maladie ne risquerait pas de s’aggraver au point de nécessiter le recours à la dialyse.

Dans la mesure où la demande des consorts …… tend à l’obtention d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires, basée sur l’état de santé déficient de Madame …, il convient de se prononcer sur l’existence de raisons humanitaires, telles que prévues par l’article 14, alinéa 3 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, de nature à justifier la délivrance d’une autorisation de séjour.

Il appartient au demandeur qui se prévaut d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires de prouver qu’il ne peut effectivement pas bénéficier d’un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. Si le demandeur reste en défaut d’établir qu’un suivi médical de son état de santé ne peut pas être assuré ou lui est refusé dans son pays d’origine ou qu’il n’établit pas la nécessité de soins médicaux spécialisés pour une durée plus longue dans le pays d’accueil, son état de santé ne justifie pas l’octroi d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires (cf. trib. adm. 5 février 2003, n° 15125 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Etrangers, n° 207).

Il ressort d’un certificat médical du docteur G.M. du 23 mars 2004 que Madame … « présente un petit rein atrophique droit avec rein gauche en hypertrophie compensatrice. La fonction rénale est actuellement normale. Il semble cependant exister un problème d’hypertension artérielle en voie d’exploration. La patiente nécessite un contrôle annuel, clinique biologique et échographique, en milieu spécialisé ».

Suivant certificat du 22 novembre 2004, le même médecin a certifié « une fonction rénale globale excellente assurée pratiquement uniquement par le rein gauche, le rein droit étant pratiquement non fonctionnel » et arrive à la conclusion que Madame … souffre « d’une hypotrophie rénale droite avec hypertrophie rénale gauche compensatrice et bonne fonction rénale. Infections urinaires. Suspicion d’une hypertension artérielle gravidique. Indication d’une surveillance rapprochée en cas de grossesse ».

Quant à l’avis du médecin de contrôle dressé en date du 7 décembre 2004, après examen des certificats médicaux établis, il estime que Madame … « ne présente pas de pathologie médicale empêchant le rapatriement dans son pays d’origine ».

S’il est vrai qu’il ressort des certificats médicaux versés que Madame … souffre d’un dysfonctionnement du rein droit lequel est compensé par une hypertrophie rénale gauche nécessitant un contrôle médical annuel et une surveillance rapprochée en cas de grossesse, les demandeurs restent toutefois en défaut d’établir à suffisance de droit qu’un tel suivi médical ne pourrait être assuré ou lui serait refusé dans son pays d’origine.

Les demandeurs ont encore soutenu que Madame … souffrirait d’un problème de la colonne vertébrale. Or, force est de constater qu’ils restent en défaut d’établir l’existence d’un tel problème de santé.

Concernant les certificats médicaux établis en date des 22 avril et 27 mai 2005 – donc postérieurement à la prise de la décision déférée - par le Dr. L. J., médecin spécialiste en gynécologie-obstétrique, et versés par les demandeurs, abstraction faite de ce qu’il ne ressort pas de ces certificats que l’état de santé actuel de Madame … empêcherait son rapatriement dans son pays d’origine, le tribunal ne saurait les prendre en considération dans la mesure où, dans le cadre d’un recours en annulation, la légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait au jour où elle a été prise.

A défaut par les demandeurs d’avoir exposé d’autres motifs qui justifieraient, le cas échéant, la délivrance d’une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires dans leur chef, le recours sous analyse doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;

reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;

au fond, le dit non justifié, partant en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 4 juillet 2005 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19524
Date de la décision : 04/07/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-07-04;19524 ?

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