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04/07/2005 | LUXEMBOURG | N°18045

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 juillet 2005, 18045


Numéro 18045 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 mai 2004 Audience publique du 4 juillet 2005 Recours formé par la société anonyme de droit belge A., … (B) contre une délibération du conseil communal de la commune de Sandweiler et une décision du ministre de l’Intérieur en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire

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JUGEMENT

Revu la requête, inscrite sous le numéro 18045 du rôle, déposée

le 11 mai 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Alex KRIEPS, avocat à la Cour, ...

Numéro 18045 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 mai 2004 Audience publique du 4 juillet 2005 Recours formé par la société anonyme de droit belge A., … (B) contre une délibération du conseil communal de la commune de Sandweiler et une décision du ministre de l’Intérieur en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire

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JUGEMENT

Revu la requête, inscrite sous le numéro 18045 du rôle, déposée le 11 mai 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Alex KRIEPS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme de droit belge A., établie et ayant son siège social à B-…, tendant à l’annulation 1. d’une délibération du conseil communal de la commune de Sandweiler du 23 janvier 2002 portant adoption définitive du reclassement d’une « partie de la zone d’activités B située au sud de la rue de Luxembourg à Sandweiler, notamment la partie dénommée « am ënneschte Schrëndel » en zone mixte », tout en classant les parcelles appartenant à la société A. en « zone d’aménagement différée », 2. d’une décision du ministre de l’Intérieur du 7 octobre 2003 portant notamment approbation de cette délibération du conseil communal de Sandweiler du 23 janvier 2002;

Revu le jugement du 24 mars 2005;

Vu les pièces déposées par le délégué du gouvernement au greffe du tribunal administratif le 15 avril 2005;

Vu le mémoire complémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 13 mai 2005 par Maître Ales KRIEPS pour compte de la société anonyme A.;

Vu le mémoire complémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 15 juin 2005 par Maître Jean KAUFFMAN pour compte de l’administration communale de Sandweiler;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Alex KRIEPS et Jean KAUFFMAN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 20 juin 2005.

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En date du 20 septembre 2001, le conseil communal de la commune de Sandweiler adopta provisoirement une modification de la partie écrite du plan d’aménagement général (PAG) de cette commune portant création d’une « zone mixte » définie par un nouvel article 11.2.A du PAG.

Par une autre délibération du même jour, le dit conseil communal décida « de reclasser une partie de la zone d’activités B située au sud de la rue de Luxembourg à Sandweiler, notamment la partie dénommée « am ënneschte Schrëndel » en zone mixte ». Ce reclassement visa notamment les parcelles n° … longeant la rue de Luxembourg à Sandweiler et appartenant à la société anonyme A., préqualifiée.

En sa séance publique du 23 janvier 2002, le conseil communal de la commune de Sandweiler adopta définitivement la modification de la partie écrite du plan d’aménagement général portant création d’une « zone mixte » , en y apportant quelques amendements, et le reclassement d’une « partie de la zone d’activités B située au sud de la rue de Luxembourg à Sandweiler, notamment la partie dénommée « am ënneschte Schrëndel » en zone mixte », mais en maintenant dans la zone mixte seulement la parcelle n° …, tandis que notamment les parcelles n° … appartenant à la société A. furent reclassées « comme « zone d’aménagement différée » suivant l’article 9 du PAG de la Commune de Sandweiler ».

Par délibération du 12 mars 2002, le conseil communal de Sandweiler adopta définitivement le plan directeur « am ënneschte Schrëndel » visant également les parcelles n° … appartenant à la société A..

La société A. introduisit, par lettre de son mandataire du 15 janvier 2003, une réclamation devant le ministre de l’Intérieur, ci-après désigné par le « ministre », à l’encontre de la seconde délibération portant reclassement du terrain lui appartenant en zone d’aménagement différé.

Suite aux avis du conseil communal de la commune de Sandweiler du 5 juin 2002 et du 9 avril 2003, ce dernier ayant pris position spécifiquement par rapport à la réclamation de la société A., et de la commission d’aménagement du 15 septembre 2003, le ministre décida le 7 octobre 2003 d’approuver ces deux délibérations portant adoption définitive de la modification de la partie écrite du plan d’aménagement général et du reclassement susvisé de certains terrains en zone mixte, respectivement secteur d’aménagement différé, tout en rejetant les réclamations lui soumises à l’encontre de ces délibérations aux motifs énoncés comme suit :

« Les réclamants reprochent encore au collège échevinal de ne pas avoir entrepris une quelconque tentative de conciliation lors de leur audition, dénaturant ainsi le texte de l’article 9 de la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes.

L’alinéa 3 de l’article 9 de la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes prévoit que les opposants sont entendus par le collège des bourgmestre et échevins « en vue de l’aplanissement des difficultés ». Or, cela a bien été le cas en l’espèce, les requérants ayant été entendus par la commune et un procès-

verbal de ces réunions ayant été dressé.

Enfin, la jurisprudence a décidé qu’ « aucune obligation de résultat ne repose sur le collège échevinal concernant l’aplanissement des difficultés en vue duquel il est tenu d’entendre les opposants » (TA 21-2-2000, n° 11434 Feitler, confirmé sur ce point par arrêt du 17-10-2000, n° 11904C).

Par ailleurs, la procédure telle que prévue par l’article 9 de la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes ne fait aucunement le lien avec la délivrance d’une permission de voirie, il s’agit en l’espèce de deux procédures différentes et indépendantes.

En ce qui concerne le reclassement des terrains sous rubrique en zone mixte, il est d’une pratique courante que la procédure de modification du Projet d’Aménagement Général soit entamée parallèlement à celle ayant trait au projet d’aménagement particulier, sans que cette démarche ne soit tenue en échec par une quelconque disposition légale.

Le reclassement d’une partie des terrains concernés en zone d’aménagement différé a été effectué par le conseil communal lors du vote définitif afin de tenir compte des réclamations introduites après la délibération provisoire. Cette manière de procéder est conforme aux dispositions de l’article 9 de la loi du 12 juin 1937.

Finalement j’estime que les propriétaires des fonds concernés par le présent projet ne sont pas lésés par leur reclassement de la zone d’activité B en zone mixte respectivement en zone d’aménagement différé alors que les terrains restent constructibles à terme. Cette mesure constitue plutôt une initiative louable des autorités communales pour des arguments relevant de l’urbanisme alors qu’elle permet de régler et d’accompagner efficacement le développement urbain futur des terrains concernés tout en garantissant que des activités compatibles avec l’habitat puissent et doivent être exercées sur le site en question ».

Cette décision fut notifiée à la société A. par courrier ministériel du 10 février 2004.

Encore en date du 7 octobre 2003, le ministre de l’Intérieur informa le commissaire de district à Luxembourg de ce qu’il n’est pas compétent pour approuver la délibération du conseil communal de la commune de Sandweiler du 12 mars 2002 portant adoption définitive du plan directeur « am ënneschte Schrëndel » au motif que ce dernier constitue « un simple document politique de travail et d’orientation destiné à servir de base pour l’élaboration des futurs projets d’aménagement particulier et ne saurait avoir le caractère d’un acte réglementaire alors qu’il ne trouve pas de base légale dans la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes », entraînant que les réclamations lui adressées à l’encontre de ce plan directeur sont sans objet.

Par requête déposée le 11 mai 2004, la société A. a fait introduire un recours contentieux tendant à l’annulation tant de la délibération du conseil communal de la commune de Sandweiler du 23 janvier 2002 portant adoption définitive de la modification de la partie graphique du PAG et plus particulièrement du reclassement des parcelles lui appartenant en zone d’aménagement différé que de la décision d’approbation du ministre de l’Intérieur du 7 octobre 2003.

Suivant jugement du 24 mars 2005, le tribunal administratif a déclaré ce recours en annulation recevable pour être dirigé contre deux actes administratifs à caractère réglementaire. Quant au fond, le tribunal a rejeté les moyens de la société demanderesse relatifs à une prétendue composition irrégulière de la commission d’aménagement, à des défauts quant au contenu des avis de cette commission, au défaut d’un dépôt des plans du projet de reclassement litigieux à la maison communale durant 30 jours, à une obligation de notification individuelle de la délibération attaquée du 23 janvier 2002, au défaut de motivation valable des actes attaqués et au reclassement dans une zone inexistante.

Relativement au moyen de la société demanderesse que le reclassement litigieux aurait dû faire l’objet d’un nouveau vote provisoire du conseil communal, le tribunal a retenu que l’article 9 de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, ci-après désignée par la « loi du 12 juin 1937 », ne restreint pas autrement la manière dont le collège des bourgmestre et échevins peut tenir compte des objections lui soumises à l’encontre d’un projet d’aménagement, de manière qu’il y a lieu de conclure que le résultat de la mesure d’aplanissement des difficultés peut même comporter l’inclusion de certains terrains dans une zone autre que celle retenue au niveau du vote provisoire. Etant donné encore que ledit article 9 impose pour les plans éventuellement modifiés suite à la procédure d’aplanissement des difficultés, seulement le vote définitif du conseil communal sans imposer un nouveau double vote, force est d’en déduire qu’un reclassement d’un terrain opéré entre le vote provisoire et le vote définitif du projet d’aménagement à la suite d’une mesure d’aplanissement des difficultés est valable.

D’un autre côté, le tribunal a relevé que le conseil communal doit fixer le contenu d’un projet d’aménagement en conformité avec sa volonté au niveau du vote provisoire et que le vote définitif du conseil communal voit son objet légalement confiné à la décision sur le bien-fondé des différentes objections soumises et, le cas échéant, sur les modifications à apporter en conséquence au projet d’aménagement, de manière que le conseil communal n’est plus admis à apporter au projet d’aménagement provisoirement voté des modifications spontanées qui ne seraient pas la suite directe d’une objection considérée comme fondée.

Dès lors que la critique de la société demanderesse quant à la procédure suivie par le conseil communal de Sandweiler n’est justifiée que dans l’hypothèse où il s’avère que le reclassement incriminé en zone d’aménagement différé n’a pas été la suite directe d’objections soumises à l’encontre du projet voté provisoirement par le conseil communal, le tribunal a estimé qu’il y a lieu d’examiner si en l’espèce, le reclassement des terrains de la société demanderesse a eu effectivement lieu afin de tenir compte d’objections soumises suite au vote provisoire du 20 septembre 2001. Dans la mesure où le dossier soumis au tribunal ne permettait pas de vérifier la réalité de la relation causale entre les objections formulées à l’encontre du vote provisoire du 20 septembre 2001 et le reclassement opéré par le vote définitif du 23 janvier 2002, le tribunal, avant tout autre progrès en cause, tous autres droits et moyens des parties étant réservés, a prononcé la rupture du délibéré afin de permettre à l’administration communale de Sandweiler de soumettre au tribunal le dossier des objections soumises suite au vote provisoire, le procès-verbal des auditions des personnes ayant soumis des objections et le procès-verbal de la séance du collège des bourgmestre et échevins de la commune de Sandweiler relatif aux changements à apporter au projet de modification provisoirement voté suite à cette audition. Afin de préserver les droits de la défense et de permettre aux parties de prendre position par rapport aux éléments complémentaires à déposer, le tribunal a également instauré des délais dans lesquels les parties étaient autorisées à déposer un mémoire complémentaire y afférent.

Suite à ce jugement, le délégué du gouvernement a versé en cause un dossier administratif comportant certains actes de la procédure d’adoption et d’approbation du reclassement de terrains litigieux, ainsi qu’une des objections introduites contre le vote provisoire du 20 septembre 2001 et plusieurs des réclamations formées à l’encontre de la délibération d’adoption définitive du 23 janvier 2002.

La société demanderesse conclut au rejet de ces pièces en faisant valoir que l’Etat, n’ayant ni déposé de mémoire en réponse dans le délai légal, ni plaidé oralement à l’audience, ferait ainsi défaut dans la procédure en cause et ne saurait partant être admis à intervenir à l’heure actuelle pour verser des pièces.

L’article 8 (5) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives dispose notamment comme suit :

« L’autorité qui a posé l’acte visé par le recours dépose le dossier au greffe sans autre demande, dans le délai de trois mois à partir de la communication du recours ».

Cette disposition impose à l’autorité dont émane un acte déféré à travers un recours contentieux l’obligation de déposer au tribunal administratif de manière spontanée le dossier administratif relatif à cet acte et cette obligation est indépendante de la faculté pour le délégué du gouvernement de déposer certaines pièces dont il entend se prévaloir, cette faculté étant, conformément à l’article 8 (2) de ladite loi du 21 juin 1999, conditionnée par le dépôt concomitant d’un mémoire en réponse de sa part. Il s’ensuit qu’en l’espèce, le dépôt du dossier administratif versé en cause le 15 avril 2005 est à considérer comme exécution valable de l’obligation de communication consacrée par l’article 8 (5) de ladite loi du 21 juin 1999 et les pièces ainsi communiquées ne sont partant pas à écarter des débats, de manière que le moyen afférent de la société demanderesse est à rejeter.

La société demanderesse constate ensuite que la commune de Sandweiler n’a versé en cause aucune des pièces demandées par la tribunal et en déduit que cette dernière serait restée en défaut de prouver la relation causale entre les objections soumises suite au vote provisoire du reclassement en cause et le reclassement finalement retenu par le conseil communal et que les actes déférés devraient partant encourir l’annulation.

La société demanderesse analyse encore le dossier administratif versé par le délégué du gouvernement pour soutenir que, conformément au jugement du 24 mars 2005, seules les objections adressées à la commune suite au vote provisoire seraient relevantes pour répondre à la question soulevée par le tribunal, de manière que seules trois objections seraient pertinentes en l’espèce, les autres documents constituant des réclamations devant le ministre de l’Intérieur. Elle estime que, parmi ces trois objections, les deux objections de la société CEARCO ne pourraient être à l’origine du reclassement final dans la mesure où le terrain de cette dernière serait adjacent au sien et se trouverait ainsi dans la même situation que le sien, de manière que seule l’objection soumise par Monsieur L. pourrait être prise en compte. Or, celle-ci comporterait des objections floues et imprécises qui ne permettraient pas de faire un lien suffisant avec le reclassement définitivement retenu par le conseil communal.

La société demanderesse se réfère encore au contenu des procès-verbaux des réunions du collège des bourgmestre et échevins avec les auteurs d’objections en vue de l’aplanissement des difficultés pour affirmer que lesdits procès-verbaux n’indiqueraient que l’objet de ces réunions, ainsi que les présences et absences des objectants respectivement convoqués, mais resteraient muets sur le contenu des discussions et les propositions de modifications du collège des bourgmestre et échevins. La société demanderesse ajoute que certaines des réclamations devant le ministre de l’Intérieur révéleraient que le collège des bourgmestre et échevins aurait en réalité déclaré lors de ces réunions ne pas vouloir modifier le reclassement opéré à travers le vote provisoire du 20 septembre 2001.

La société demanderesse estime finalement que le défaut tant par la commune de Sandweiler que par le délégué du gouvernement de soumettre au tribunal un procès-verbal d’une délibération du collège des bourgmestre et échevins prise entre le 9 janvier 2002, date de la dernière réunion avec des objectants, et le 23 janvier 2002 et ayant arrêté les modifications au projet d’aménagement provisoirement voté à proposer au conseil communal révélerait le défaut de la preuve que le reclassement amendé décidé lors du vote définitif reposerait effectivement sur une proposition afférente du collège des bourgmestre et échevins suite à la procédure d’aplanissement des difficultés.

La commune de Sandweiler fait rétorquer qu’elle détiendrait trois classeurs comprenant l’ensemble des objections et les pièces de la procédure d’aplanissement des difficultés, mais que le recopiage de tous ces documents serait « un travail extrêmement pénible et fastidieux » et que le dossier administratif versé en cause par le délégué du gouvernement « se suffit à lui-même, en ce sens qu’il rapporte la preuve que des objections ont été formulées » contre le reclassement partiel de la zone d’activité B en zone mixte et contre le plan directeur « am ënneschte Schrëndel ». Elle renvoie plus particulièrement à une objection faisant partie de ce dossier et critiquant l’envergure du projet global pour soutenir que cette critique aurait motivé le reclassement modifié notamment des parcelles appartenant à la société demanderesse « alors qu’il appartient au conseil communal de veiller au développement harmonieux de sa commune » et que le but aurait été d’empêcher un engorgement de la localité de Sandweiler du fait de la réalisation concomitante de constructions sur l’ensemble des lots de cette zone. La commune de Sandweiler affirme qu’aucune disposition légale n’imposerait un formalisme particulier en ce qui concerne les suites données aux objections par le collège des bourgmestre et échevins et les propositions de modifications présentées au conseil communal en vue du vote définitif du projet d’aménagement et qu’au vu de l’ensemble des éléments du dossier, « le vote du 23 janvier 2002 a été précédé du rapport fait par le collège échevinal au conseil communal ».

Finalement, la commune de Sandweiler offre de remettre sur demande afférente du tribunal les trois classeurs renfermant les originaux des objections et des pièces de la procédure d’aplanissement des difficultés.

Force est au tribunal de constater que malgré l’invitation claire et inconditionnelle lui faite à travers le dispositif du jugement prévisé du 24 mars 2005 de verser dans le délai fixé les documents y visés, la commune de Sandweiler n’a pas jugé utile d’y donner suite et se borne à renvoyer au « travail extrêmement pénible et fastidieux » que représenterait le recopiage de ces documents et au dossier déposé par le délégué du gouvernement. Si le volume des documents à copier constitue certes un motif valable pour une partie pour s’enquérir avant l’écoulement du délai imparti par le tribunal auprès de celui-ci et des autres parties en cause sur la manière la plus efficace et la moins fastidieuse pour leur permettre la consultation des pièces dont la production est exigée par le tribunal, il ne constitue cependant pas un motif valable pour justifier ce manque de collaboration flagrant et l’offre faite après l’expiration dudit délai par la commune de Sandweiler à travers son mémoire complémentaire de déposer les trois classeurs contentant les documents originaux n’est pas de nature à pallier à cette carence, étant donné notamment qu’elle porte atteinte aux droits de la défense de la société demanderesse ayant déjà épuisé son droit à un mémoire supplémentaire lui accordé par ledit jugement du 24 mars 2005. C’est par ailleurs à juste titre que le mandataire de la société demanderesse s’est opposé à l’audience des plaidoiries à cette offre, étant donné que le délai afférent fixé dans le dispositif du jugement du 24 mars 2005 a expiré.

Il s’ensuit qu’à défaut de disposer de l’ensemble des éléments de la procédure relatifs aux actes administratifs attaqués, le tribunal est amené à statuer en considération des pièces lui soumises par les parties à l’instance et de tirer les conséquences légales qui s’imposent sur la seule base de ces éléments.

Ceci étant, force est de constater néanmoins que le dossier versé par le délégué du gouvernement comporte effectivement une objection soumise par Monsieur L. auprès de la commune de Sandweiler le 22 novembre 2001, laquelle conteste tant la modification de la partie écrite que le projet de reclassement d’une partie de la zone d’activité B en zone mixte et le plan directeur « am ënneschte Schrëndel ». Cette objection critique en substance que le projet global tel que prévu par le prédit plan directeur serait trop volumineux, qu’il nuirait au caractère villageois et résidentiel de la localité de Sandweiler, qu’il serait incompatible avec l’urbanisation des quartiers « op der Houscht » et « am Happgoard », qu’il aurait été dressé sans la réalisation préalable d’une étude d’impact pourtant exigée par le plan d’aménagement général et qu’il entraînerait l’anéantissement des avantages résultant de la construction de la route de contournement de la localité de Sandweiler. Cette objection demande en conclusion de voir reclasser les parcelles visées par le prédit plan directeur en zones d’habitation.

Le dossier administratif soumis par le délégué du gouvernement comporte également deux réclamations adressées au ministre de l’Intérieur qui renvoient à des objections antérieures de leurs auteurs soumises à la commune de Sandweiler et qui critiquent également le reclassement d’une partie de la zone d’activité B en zone mixte en arguant, d’une part, que les dispositions votées seraient floues et ne délimiteraient pas suffisamment les possibilités de construire et, d’autre part, que cette partie de la zone d’activité B devrait être reclassée en une zone d’habitation similaire aux lotissements « op der Houscht » et « am Happgoard ».

Ces éléments indiquent à suffisance de droit l’existence d’objections suite au vote provisoire du 20 septembre 2001 qui contestent le reclassement en cause d’une partie de la zone d’activité B en zone mixte en critiquant en substance plus particulièrement tant l’importance d’un projet global réalisable dans cette zone et son incompatibilité avec les zones d’habitation existant dans les alentours immédiats.

La modification du reclassement initial dans le sens d’un maintien en zone mixte de la seule parcelle … et d’un reclassement du restant de ladite zone en secteur d’aménagement différé présente ainsi un lien objectif suffisant avec ces objections, étant donné que cette modification a pour effet de permettre la construction immédiate sur le seul îlot situé perpendiculairement par rapports aux lotissements susvisés et soumet la construction sur les autres îlots, dont celui de la société demanderesse, devançant directement lesdits lotissements à une délibération de reclassement préalable du conseil communal lui permettant de revoir, le cas échant, le régime de la constructibilité de ces îlots. Si cette modification ne tient ainsi pas compte des susdites objections par la voie d’un changement immédiat des règles d’urbanisation pour les îlots en question, elle y donne suite dans la mesure où elle empêche la réalisation immédiate d’une grande partie du projet global sujet à critique.

Le lien objectif de la modification du reclassement initial avec les objections susvisées résultant ainsi à suffisance des éléments produits en cause, même à défaut de délibération formelle dûment documentée du collège des bourgmestre et échevins adoptant cette proposition modificative et la justifiant par rapport aux objections présentées, le moyen de la société demanderesse relatif à l’obligation d’un nouveau vote provisoire est à rejeter comme n’étant pas justifié.

La société demanderesse argue ensuite que le reclassement incriminé de ses parcelles en zone d’aménagement différé, même s’il n’empêche pas l’affectation ultérieure à la construction, emporterait pour elle une interdiction temporaire de toute construction et de tout aménagement non limitée dans le temps, de manière qu’elle se « trouve à la merci d’une décision politique » et que ses intérêts élémentaires seraient lésés.

En présence de cette lésion et du maintien de la parcelle … en zone mixte immédiatement constructible, la société demanderesse estime que le classement différent de ses propres parcelles traduirait un non-respect du principe d’égalité devant la loi, au motif que, même si l’application de règles urbanistiques différentes à certains secteurs peut être conforme à ce principe, la différence de traitement devrait être fondée sur des critères objectifs et en rapport avec l’objet de la réglementation et qu’en l’espèce, la commune resterait en défaut de fournir les considérations à la base du reclassement litigieux.

La commune de Sandweiler rétorque que le reclassement incriminé du terrain de la société demanderesse en secteur d’aménagement différé serait dicté par la volonté, suite aux réclamations de riverains, d’éviter un développement trop rapide de la localité de Sandweiler et d’attendre la réalisation de certaines infrastructures, tels des bâtiments scolaires, des canalisations, ainsi que la route de contournement et le rétrécissement de la Rue Principale à Sandweiler, avant d’autoriser le développement important du tissu urbain sur le terrain de la société demanderesse et le terrain voisin. La commune de Sandweiler ajoute que, contrairement à la parcelle …, aucun projet de plan d’aménagement particulier couvrant le terrain de la société demanderesse ne lui aurait été soumis. Elle soutient finalement que le principe d’égalité devant la loi aurait été respecté dans la mesure où tant elle-même que le ministre auraient basé leurs actes respectifs sur des critères d’intérêt général, tels les infrastructures publiques, la circulation et le développement du nombre de la population.

La société demanderesse fait répliquer que le secteur d’aménagement différé défini à l’article 9 du PAG permettrait uniquement l’habitation en cas de nécessité reconnue par le conseil communal, mais que son terrain serait destiné à des fins artisanales et commerciales, au vu notamment de son classement antérieur en zone d’activités B, et non pas à l’habitation, de manière que le reclassement incriminé ne serait pas approprié. Elle fait encore valoir que le motif avancé par la commune de Sandweiler et tiré de la nécessité de parfinir certains équipements collectifs avant l’aménagement de la zone dont le terrain de la société demanderesse fait partie, ne saurait être admis en l’espèce, au motif que le secteur d’aménagement aurait été prévu par le PAG dans le but de prévoir l’extension du tissu urbain entre les zones bâties et le périmètre, mais que son terrain se trouverait en pleine agglomération construite et dotée des infrastructures nécessaires. La société demanderesse réitère son argument tiré du non-respect du principe d’égalité devant la loi et relève que ni la commune de Sandweiler, ni le ministre n’auraient précisé les raisons pour lesquelles la parcelle … recevrait le traitement de faveur, par rapport au sien, de rester classée en zone mixte.

A travers son mémoire en duplique, la commune de Sandweiler rappelle les motifs ci-avant cités pour fonder le reclassement litigieux et signale que les infrastructures en tant que telles n’existeraient pas encore dans la mesure nécessaire pour les bâtiments à réaliser dans le cadre de futurs plans d’aménagement particulier. Quant au classement de la parcelle … en zone mixte, la commune de Sandweiler précise qu’il aurait existé et existerait toujours un projet d’aménagement précis et que rien n’empêcherait la société demanderesse de lui soumettre également un plan d’aménagement particulier pour son terrain afin de lui permettre de se prononcer sur son contenu.

Il y a lieu de rappeler liminairement que le recours exercé contre un acte administratif à caractère réglementaire soumet au juge administratif le seul contrôle des aspects de légalité tirés de l'incompétence, de la violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés ou encore de l'excès ou du détournement de pouvoir, à l'exclusion des considérations concernant l'opportunité de la mesure réglementaire prise par les autorités politiques compétentes.

Il se dégage des éléments en cause que les parcelles litigieuses appartenant à la société demanderesse font partie d’un ensemble plus vaste de terrains d’une longueur de quelques 400 mètres et d’une profondeur de quelques 75 à 100 mètres longeant la route de Luxembourg entre le bâtiment de la Société Nationale de Contrôle Technique et le carrefour entre la route de Luxembourg et les rues Hiehl et Belle-Vue. Cet ensemble de terrains est de plus situé entre la route de Luxembourg vers l’avant et les lotissements existants « op der Houscht » et « am Happgoard » abritant des unités d’habitation vers l’arrière.

Il est encore constant que les parcelles appartenant à la société demanderesse et la parcelle voisine n° 20/3619 sont situées directement entre la route de Luxembourg et les lotissements prévisés, tandis que la parcelle n° … est située au carrefour entre la route de Luxembourg et les rues Hiehl et Belle-Vue et se trouve en situation perpendiculaire par rapport à ces lotissements.

Il découle pareillement des éléments du plan directeur adopté définitivement par délibération du 12 mars 2002 que cet ensemble de terrains pourrait accueillir une vingtaine de bâtiments d’un volume consistant destinés à abriter tant des services publics, des professions libérales, des établissements commerciaux et des habitations.

En présence de cette situation géographique dudit ensemble de terrains et de son affectation projetée impliquant des volumes construits consistants et un nombre important de personnes les fréquentant à un titre ou un autre, les motifs avancés, suite aux objections lui soumises, par la commune de Sandweiler et fondés sur la volonté d’assurer un développement contrôlé et progressif de la localité de Sandweiler et de rendre la mise en valeur de cet ensemble compatible avec la disponibilité progressive de certaines infrastructures publiques, tels des bâtiments scolaires, la route de contournement de Sandweiler et de la rue Principale rétrécie, doivent être qualifiés de considérations légales d’ordre urbanistique ayant trait à l’aménagement des agglomérations et d’ordre politique tirées de l’organisation de la vie en commun sur le territoire de la commune de Sandweiler, d’autant plus que la réalisation en trois phases de l’aménagement de cet ensemble de terrains, tel que retenu dans la délibération attaquée du 23 janvier 2002, permet d’adapter le mixage entre les différentes activités et l’habitation et la volumétrie des bâtiments en fonction des expériences antérieures et de l’évolution urbanistique et sociale future.

La circonstance que l’article 9 du PAG relatif aux secteurs d’aménagement différé dispose que les terrains compris dans ces secteurs sont « destinés en principe et à long terme à l’habitation » n’est pas de nature à affecter la validité du reclassement incriminé par la société demanderesse. En effet d’abord, contrairement à l’argumentation de cette dernière, une zone déterminée ne bénéficie pas, conformément au principe de mutabilité des plans d’aménagement, d’un droit acquis à une destination à des fins artisanales et commerciales et le conseil communal peut valablement décider un changement du régime d’affectation d’une zone sur base de considérations d’ordre urbanistique et politique pertinentes répondant à une finalité d’intérêt général. En outre, le reclassement des parcelles appartenant à la société demanderesse dans ce secteur tient compte dans une large mesure de la présence adjacente de deux lotissements comportant des maisons d’habitation et tend ainsi à admettre l’habitation dans une mesure plus large sans exclure pour autant l’admission d’autres affectations d’une partie des immeubles à construire. Il y a encore lieu de rappeler que le reclassement incriminé n’empêche nullement un reclassement ultérieur des parcelles litigieuses en zone mixte au moment de la reconnaissance de la nécessité d’un aménagement par la commune de Sandweiler et de la présentation d’un plan d’aménagement particulier couvrant ces parcelles. Finalement, il ne se dégage aucunement de l’article 9 du PAG que le secteur d’aménagement serait confiné dans sa finalité à planifier l’extension du tissu urbain entre les zones bâties et le périmètre.

En ce qui concerne le moyen de la société demanderesse relatif au non-respect du principe d’égalité devant la loi eu égard au classement de la parcelle n° …, il y a lieu de retenir que les parcelles de la société demanderesse accusent une position différente par rapport aux lotissements « op der Houscht » et « am Happgoard » que la parcelle n° …. En effet, ainsi qu’il a été constaté ci-avant, les parcelles de la société demanderesse sont situées directement entre la route de Luxembourg et les lotissements prévisés, tandis que la parcelle n° … se trouve en situation perpendiculaire par rapport à ces lotissements. Dans ces circonstances et eu égard à la finalité des règles d’urbanisme et à la volonté d’assurer le développement progressif de la localité de Sandweiler, la commune de Sandweiler a valablement pu considérer que la parcelle n° … se trouve dans une situation permettant son aménagement direct sans interférence préjudiciable avec les lotissements voisins, tandis que les autres terrains en cause se trouvent dans une situation autre justifiant un retardement de son aménagement et une adaptation éventuelle du régime des constructions à y admettre.

Par voie de conséquence, les moyens de la société demanderesse tendant à contester le reclassement incriminé de ses parcelles en cause en secteur d’aménagement différé laissent d’être fondés.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent, ensemble ceux contenus dans le jugement prévisé du 24 mars 2005, que le recours sous analyse est à rejeter pour manquer de fondement.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, vidant le jugement du 24 mars 2005, au fond, déclare le recours en annulation non justifié et en déboute, condamne la société demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. CAMPILL, vice-président, M. SCHROEDER, premier juge, M. SPIELMANN, juge, et lu à l’audience publique du 4 juillet 2005 par le vice-président en présence de M.

LEGILLE, greffier.

LEGILLE CAMPILL 10


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 18045
Date de la décision : 04/07/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-07-04;18045 ?

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