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29/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19982

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 juin 2005, 19982


Numéro 19982 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 juin 2005 Audience publique du 29 juin 2005 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre un arrêté du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 19982 du rôle, déposée le 21 juin 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à

la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, ...

Numéro 19982 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 juin 2005 Audience publique du 29 juin 2005 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre un arrêté du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 19982 du rôle, déposée le 21 juin 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, se disant de nationalité ivoirienne, actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’un arrêté du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 9 juin 2005 prononçant à son encontre une mesure de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 juin 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté critiqué ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en sa plaidoirie à l’audience publique du 29 juin 2005.

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Par arrêté du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 9 juin 2005, l’entrée et le séjour au pays furent refusés à Monsieur …, préqualifié.

Par arrêté du même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d'un mois à partir de la notification de ladite décision dans l'attente de son éloignement du territoire luxembourgeois.

Ladite décision repose sur les considérations suivantes :

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu mon arrêté de refus d’entrée et de séjour du 9 juin 2005 ;

Considérant que l'intéressé ne dispose pas de moyens d'existence personnels légalement acquis ;

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qu'il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

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qu’il refuse de coopérer en ce qui concerne l’établissement de son identité et de sa nationalité ;

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qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d'éloignement ».

Par requête déposée le 21 juin 2005 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l'encontre de cet arrêté de placement du 9 juin 2005.

Etant donné que l'article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l'entrée et le séjour des étrangers; 2. le contrôle médical des étrangers; 3.

l'emploi de la main-d'œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit contre la décision litigieuse. Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire est dès lors irrecevable.

Le tribunal n’étant pas tenu de suivre l’ordre dans lequel les moyens sont présentés par une partie demanderesse mais, dans l’intérêt de l’administration de la justice, sinon de la logique inhérente aux éléments de fait et de droit touchés par les moyens soulevés, pouvant les traiter suivant un ordre différent (cf. trib. adm. 21 novembre 2001, n° 12921 du rôle, Pas.

adm. 2004, v° Procédure contentieuse, n° 226 et autres références y citées), il convient d’examiner en premier lieu le moyen tiré de l’absence de motivation.

Le demandeur reproche à cet égard au ministre de s’être limité à énoncer de façon lapidaire dans l’arrêté critiqué qu’il manquerait de moyens personnels, qu’il se trouverait en séjour irrégulier au pays et que son éloignement serait impossible sans préciser les raisons concrètes susceptibles de justifier dans le cas d’espèce sa décision.

Force est cependant de constater qu’il se dégage du libellé ci-avant transcrit de l’arrêté ministériel du 9 juin 2005 que ce dernier est motivé à suffisance tant en droit qu’en fait, le demandeur n’ayant nullement pu se méprendre sur la nature et la portée de l’arrêté et ayant pu assurer en parfaite connaissance de cause la sauvegarde de ses intérêts légitimes.

Le demandeur affirme encore que suivant l’article 15 de la loi précitée du 28 mars 1972, la décision d’expulsion ou de refoulement devrait expressément précéder la mesure de placement, et que, si en l’espèce la mesure de placement se référerait à un arrêté de refus d’entrée et de séjour du même jour, il n’aurait pas connaissance d’un quelconque arrêté d’expulsion qui aurait éventuellement été pris à son encontre.

Il se dégage de l’article 15, paragraphe (1) de la loi précitée du 28 mars 1972, que lorsque l’exécution d’une mesure d’expulsion ou de refoulement en application des articles 9 et 12 de la même loi est impossible en raison de circonstances de fait, l’étranger peut, sur décision du ministre compétent, être placé dans un établissement approprié à cet effet pour une durée d’un mois.

Il en découle qu’une décision de placement au sens de la disposition précitée présuppose une mesure d’expulsion ou de refoulement légalement prise, ainsi que l’impossibilité d’exécuter cette mesure.

Il est constant qu’en l’espèce, la mesure de placement n’est pas basée sur une décision d’expulsion. Il convient partant d’examiner si la mesure en question est basée sur une mesure de refoulement qui, en vertu de l’article 12 de la loi précitée du 28 mars 1972, peut être prise, « sans autre forme de procédure que la simple constatation du fait par un procès-verbal », à l’égard d’étrangers non autorisés à résidence :

« 1) qui sont trouvés en état de vagabondage ou de mendicité ou en contravention à la loi sur le colportage ;

2) qui ne disposent pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ;

3) auxquels l’entrée dans le pays a été refusée en conformité de l’article 2 [de la loi précitée du 28 mars 1972] ;

4) qui ne sont pas en possession des papiers de légitimation prescrits et de visa si celui-ci est requis ;

5) qui, dans les hypothèses prévues à l’article 2 paragraphe 2 de la Convention d’application de l’accord de Schengen, sont trouvés en contravention à la loi modifiée du 15 mars 1983 sur les armes et munitions ou sont susceptibles de compromettre la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics ».

Aucune disposition législative ou réglementaire ne déterminant la forme d’une décision de refoulement, celle-ci est censée avoir été prise par le ministre compétent à partir du moment où les conditions de forme et de fond justifiant un refoulement, telles que déterminées par l’article 12 de la loi du 28 mars 1972 sont remplies, et où, par la suite, une mesure de placement a été décidée à l’encontre de l’intéressé. En effet, une telle décision de refoulement est nécessairement sous-jacente à la décision de mise à la disposition du gouvernement, à partir du moment où il n’existe pas d’arrêté d’expulsion (trib. adm. 27 juin 2001, n° 13611, confirmé par Cour adm. 10 juillet 2001, n° 13684C, Pas. adm. 2004, v° Etrangers, n° 299).

Encore faut-il que la mesure afférente soit prise légalement, c'est-à-dire pour un des motifs prévus par l’article 12 de la loi précitée du 28 mars 1972 auquel renvoie l’article 15.

En l’espèce, parmi les motifs énoncés comme se trouvant à la base de l’arrêté de placement critiqué, le ministre a fait état du fait que l’entrée et le séjour ont été refusés au demandeur par arrêté ministériel du 9 juin 2005 et que le demandeur ne dispose pas de moyens d’existence personnels légalement acquis. Or, étant donné que l’existence d’un tel arrêté de refus d’entrée et de séjour et l’absence de moyens personnels suffisants sont visés par les numéros 2) et 3) de l’article 12 précité comme motifs justifiant une mesure de refoulement, les conditions légales telles que fixées par la loi luxembourgeoise sur base desquelles une mesure de refoulement a valablement pu être prise à l’encontre du demandeur se trouvent réunies en l’espèce.

Dans la mesure où la loi du 28 mars 1972, précitée, ne comporte aucune disposition quant à la nécessaire antériorité de la mesure de refoulement par rapport à la décision de placement et où ces deux décisions peuvent dès lors être prises de manière concomitante, le moyen afférent du demandeur est partant à rejeter.

Le demandeur estime ensuite que le danger de fuite allégué dans son chef n’existerait pas, au motif qu’il n’aurait aucune raison de quitter le territoire luxembourgeois, ce qui serait démontré par le fait qu’il aurait déjà fait l’objet d’une mesure de placement au courant de l’année 2004 et qu’il serait resté respectivement retourné au Luxembourg.

Le délégué du gouvernement relève que le demandeur aurait été définitivement débouté de sa demande d’asile par jugement du tribunal administratif du 3 décembre 2003, qu’au vu cependant de l’incertitude quant à la nationalité de Monsieur …, à la fois les autorités de la Côte d’Ivoire et du Bénin, contactées au courant de l’année 2004, auraient refusé de délivrer un laissez-passer au profit du demandeur et que ce dernier, après un premier placement infructueux, lors d’un contrôle par la police de Luxembourg en date du 8 juin 2005 aurait fait usage d’une fausse carte d’identité française, de sorte qu’un risque de se soustraire à la mesure d’éloignement serait donné.

Dans ce contexte, il convient de relever de prime abord que le demandeur rentre directement dans les prévisions de la définition des « retenus », telle que consacrée à l’article 2 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière et modifiant le règlement grand-ducal du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne de l’établissement pénitentiaire, et que la mise en place d’un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière repose précisément sur la prémisse qu’au-delà de toute considération tenant à une dangerosité éventuelle des personnes concernées, celles-ci, eu égard au seul fait de l’irrégularité de leur séjour et de l’imminence de l’exécution d’une mesure d’éloignement dans leur chef, présentent en principe et par essence un risque de se soustraire à la mesure d’éloignement, fût-il minime, de sorte que la rétention de Monsieur … dans ledit Centre de séjour est en l’espèce justifiée dans son principe, ceci afin d’éviter que l’exécution de la mesure prévue ne soit compromise. Cette conclusion n’est pas ébranlée par l’affirmation non autrement circonstanciée du demandeur qu’il n’aurait aucune raison de se soustraire à la mesure d’éloignement, le risque de soustraction étant au contraire confirmé par la circonstance que le demandeur vit clandestinement au pays depuis la dernière mesure de placement prononcée à son encontre en 2004 et ceci avec des faux papiers, tout en refusant de décliner sa véritable identité respectivement nationalité.

Finalement, le demandeur soutient que « la présente mesure de placement est dès le départ vouée à l’échec », étant donné qu’il serait impossible de déterminer sa nationalité, de sorte que son rapatriement vers le pays d’origine s’avérerait impossible.

C’est cependant à juste titre que le délégué du gouvernement soutient qu’il n’appartient pas au demandeur d’apprécier les chances de son rapatriement et au vu de son refus manifeste de collaboration, ce dernier est malvenu de se plaindre du fait que les démarches à entreprendre en vue de son rapatriement s’avèrent compliquées et prennent un certain temps, les autorités luxembourgeoises, au vu des circonstances de l’espèce, ne pouvant se voir reprocher un manque de diligences en vue de l’éloignement du demandeur.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours sous analyse n’est fondé en aucun de ses moyens et doit partant être rejeté comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schroeder, premier juge, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 29 juin 2005 par le premier juge en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schroeder 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19982
Date de la décision : 29/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-06-29;19982 ?

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