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29/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19882

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 juin 2005, 19882


Tribunal administratif N° 19882 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er juin 2005 Audience publique du 29 juin 2005

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19882 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er juin 2005 par Maître Joram MOYAL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats

à Luxembourg, au nom de M. …, né le … à Brikama (Gambie), de nationalité gambienne, demeurant actuellemen...

Tribunal administratif N° 19882 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er juin 2005 Audience publique du 29 juin 2005

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19882 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er juin 2005 par Maître Joram MOYAL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M. …, né le … à Brikama (Gambie), de nationalité gambienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation sinon à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 21 mars 2005 par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié, telle que cette décision a été confirmée par le même ministre le 2 mai 2005, suite à un recours gracieux du demandeur ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 8 juin 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline JACQUES en sa plaidoirie.

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En date du 1er mars 2005, M. … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

M. … fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut encore entendu le 16 mars 2005 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 21 mars 2005, envoyée par lettre recommandée du 23 mars suivant, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration l’informa que sa demande avait été déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, aux motifs que son récit serait difficilement crédible et que sa demande serait uniquement basée sur des problèmes personnels et ne répondrait partant à aucun critère de fond défini par la Convention de Genève.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre de son mandataire du 20 avril 2005 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration confirma sa décision initiale le 2 mai 2005.

Par requête déposée le 1er juin 2005, M. … a fait introduire un recours tendant à l’annulation sinon à la réformation des décisions précitées du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration des 21 mars et 2 mai 2005.

Encore que le demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation contre les décisions critiquées, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la matière, l’article 10 de la loi précitée du 3 avril 1996 prévoyant au contraire expressément qu’en matière de demande d’asile déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de ladite loi, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en réformation des décisions critiquées.

Le recours en annulation est cependant recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours, M. … reproche d’abord au ministre le non-respect de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 concernant la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes et de l’article 12 de la loi prévisée du 3 avril 1996 en ce que les décisions critiquées n’indiqueraient pas une motivation suffisante en droit et en fait.

Le demandeur est cependant malvenu de critiquer la motivation des décisions litigieuses, étant donné, d’une part, que la décision ministérielle du 21 mars 2005 énonce clairement et exhaustivement les motifs à la base du rejet de la demande d’asile du demandeur et, d’autre part, que le demandeur reste en défaut de faire valoir un quelconque élément de nature à indiquer le caractère lacuneux de ladite motivation.

Ensuite, le demandeur reproche au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration d’avoir fait une analyse trop réductrice de son récit et qu’il aurait retenu à tort qu’il n’aurait pas invoqué de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif à la base de sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié, alors que tel aurait été le cas, dans la mesure où il aurait été contraint de quitter son pays d’origine pour éviter des actes de vengeance de la part de membres de la population de sa région d’origine en raison du fait que par imprudence il aurait causé un grand incendie détruisant les bois et cultures dans un périmètre de 80 kilomètres et que les victimes auraient l’intention de se venger, la police étant incapable de lui porter secours.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisse d’être fondé.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

En l’espèce, au regard des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile, tels qu’ils se dégagent plus particulièrement du rapport d’audition susvisé du 16 mars 2005, du recours gracieux, voire de la requête introductive d’instance, force est de constater qu’il n’a manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance.

En effet, force est de constater que les motivations à la base du départ du demandeur de Guinée ne sauraient être considérées comme étant empreintes d’un quelconque des critères de fond prévus par la Convention de Genève. Ainsi, le demandeur n’a pas apporté le moindre élément concret et plausible de persécution au sens de ladite Convention ou précisé en quoi sa situation particulière ait été telle qu’il pouvait avec raison craindre qu’il risquerait de faire l’objet de persécutions de la part des autorités de son pays d’origine, étant précisé que des membres de la population qui auraient prétendument l’intention de se venger et de le tuer ne sauraient être considérés comme des agents de persécution au sens de la Convention de Genève, le prétendu risque restant pour le surplus en l’état de simple allégation, tout comme il n’est pas établi que les autorités policières encourageraient ou seraient dans l’impossibilité de le protéger efficacement pour le cas où il devrait faire face à des actes de vengeance. – Afin d’être complet, il y a lieu de relever que c’est à bon escient que le demandeur n’a plus repris, dans le cadre de son recours contentieux, les craintes de poursuites de la part des autorités policières et judiciaires en raison de l’incendie qu’il a causé et des dommages ainsi occasionnés, les poursuites judiciaires afférentes relevant clairement de la poursuite d’une infraction de droit commun et ne sauraient partant justifier une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le demandeur est resté en défaut de faire état d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, de sorte que c’est à bon droit que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a déclaré sa demande d’asile manifestement infondée, le recours en annulation étant partant à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation dans la forme ;

au fond, le déclare cependant non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 29 juin 2005 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Campill 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19882
Date de la décision : 29/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-06-29;19882 ?

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