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29/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19331

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 juin 2005, 19331


Tribunal administratif N° 19331 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 février 2005 Audience publique du 29 juin 2005 Recours formé par Monsieur … et consorts, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19331 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 février 2005 par Maître Yvette NGONO YAH, avocat à la Cour, inscrite au tab

leau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, née le … (Bosnie-

Herzégovi...

Tribunal administratif N° 19331 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 février 2005 Audience publique du 29 juin 2005 Recours formé par Monsieur … et consorts, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19331 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 février 2005 par Maître Yvette NGONO YAH, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, née le … (Bosnie-

Herzégovine), de nationalité bosniaque, et de son épouse, Madame …, née le … , de nationalité bosniaque, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs deux filles …, née le … et …, née le … demeurant actuellement tous ensemble à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 30 décembre 2004 refusant de faire droit à leur demande en obtention d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires pour le Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 mai 2005 ;

Vu le mémoire en réplique, déposé au greffe du tribunal administratif le 13 juin 2005 par Maître Yvette NGONO YAH pour compte des consorts … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 27 juin 2005 en présence de Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH qui s’est rapporté au mémoire écrit de la partie publique.

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Les époux … et …, accompagnés de leurs deux filles … et …, introduisirent en date du 20 mars 2003 une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, demande qui fut rejetée comme non fondée par décision du ministre de la Justice du 11 novembre 2003.

Leur demande en obtention du statut de réfugié politique fût définitivement rejetée par jugement du tribunal administratif du 10 mai 2004, n° 17322 du rôle, confirmé par arrêt de la Cour administrative du 7 octobre 2004, inscrit sous le numéro du rôle 18215C.

Par courrier du 11 novembre 2004 à l’adresse du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration, les consorts …, par l’intermédiaire de leur conseil juridique, formulèrent une demande en obtention d’une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires, en relevant le fait que Madame … présente des troubles psychologiques graves ayant trouvé leur origine pendant la guerre dans son pays d’origine et que le résultat de son traitement psychologique actuellement suivi au Grand-Duché de Luxembourg risquerait d’être sérieusement compromis en cas de retour dans son pays. Ils ont relevé en outre que leur fille … présente un reflux vésico-urétéral gauche nécessitant un suivi médical régulier.

Par décision du 30 décembre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration les informa que leur demande avait été refusée. Cette décision est libellée comme suit :

« Maître, J’ai l’honneur de me référer à votre demande d’autorisation de séjour provisoire pour M. et Mme …-….

Toutefois, je suis au regret de vous informer que je ne suis pas en mesure de faire droit à votre demande.

En effet, selon l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, la délivrance d’une autorisation de séjour est subordonnée à la possession de moyens d’existence personnels suffisants légalement acquis permettant à l’étranger de supporter ses frais de séjour au Luxembourg, indépendamment de l’aide ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient s’engager à lui faire parvenir.

Vos mandants ne font pas état de raisons humanitaires justifiant une autorisation de séjour au Luxembourg (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 21 février 2005, les consorts …-… ont fait introduire un recours en annulation à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 30 décembre 2004.

A l’appui de leur recours, ils font valoir que le ministre aurait dû analyser si les raisons de santé par eux invoquées étaient susceptibles de leur valoir le droit de séjourner au pays.

Compte tenu du contexte de leur demande, ils estiment que le ministre n’aurait pas pu leur opposer l’absence de moyens d’existence. Ils se réfèrent pour le surplus à différents certificats médicaux versés au dossier pour documenter les troubles psychologiques de Madame …, ainsi que la nécessité pour elle de poursuivre son traitement au Grand-Duché de Luxembourg, en faisant valoir que l’interruption du traitement entamé entraînerait des conséquences psychologiques d’une exceptionnelle gravité pour toute la famille. Ils se réfèrent pour le surplus au souhait par eux exprimé à l’appui de leur demande de faire soigner au Grand-

Duché de Luxembourg leur fille … qui souffre d’un reflux vésico-urétéral gauche. Les consorts …-… reprochent ainsi en substance au ministre de s’être livré à une mauvaise appréciation des raisons humanitaires invoquées à l’appui de leur demande en obtention d’un titre de séjour.

Le délégué du Gouvernement rétorque que les demandeurs resteraient en défaut d’établir que les soins médicaux préconsés par les demandeurs leur seraient inaccessibles dans leur pays d’origine, ceci plus particulièrement en ce qui concerne l’enfant …, étant donné qu’il se dégage des pièces versées au dossier que l’enfant a déjà subi une opération pour les mêmes symptômes dans son pays d’origine. Il relève également que les avis médicaux pris dans le cadre de la procédure de rapatriement permettent de dégager que les intéressés ne présentent pas de pathologie médicale empêchant leur rapatriement vers leur pays d’origine, ceci tant pour la mère que pour la fille ….

Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Conformément aux dispositions de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main d’œuvre étrangère « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourrant être refusées à l’étranger :

- qui est dépourvu de papiers de légitimation prescrits, et de visa si celui-ci est requis, - qui est susceptible compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics, - qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour. » L’exercice de la faculté de refuser l’autorisation de séjour à un étranger dans l’hypothèse, non utilement contestée en cause, d’étrangers ne disposant pas de moyens d’existence personnels suffisants, est susceptible d’être tenu en échec lorsque une décision de refus fondée sur ledit motif s’analyse en une violation des dispositions de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme qui dispose comme suit :

« Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ».

En effet, s’il est de principe, en droit international, que les Etat ont le pouvoir souverain de contrôler l’entrée, le séjour et l’éloignement des étrangers, il n’en reste pas moins que les Etats qui ont ratifié la Convention européenne des droits de l’homme ont accepté de limiter le libre exercice de cette prérogative dans la mesure des dispositions de ladite Convention.

Il y a dès lors lieu d’examiner si les demandeurs peuvent se prévaloir en l’espèce des dispositions de l’article 3 précité de la Convention européenne des droits de l’homme pour conclure utilement à l’annulation de la décision litigieuse, en faisant état de raisons de santé dans le chef de Madame … et de sa fille ….

Force est de constater à cet égard que les pièces versées au dossier, si elles sont certes de nature à documenter l’existence de troubles psychologiques dans le chef de Madame … , ainsi que de problèmes de santé dans le chef de sa fille, ne permettent pas pour autant de dégager que la décision litigieuse s’analyse en un traitement inhumain ou dégradant des demandeurs compte tenu de leur situation spécifique.

En effet, tel que relevé par le représentant étatique, les pièces versées au dossier permettent de dégager que l’enfant … a pu accéder utilement à des soins médicaux dans son pays d’origine. Concernant Madame …, force est encore de constater que les éléments du dossier ne permettent pas de dégager une impossibilité dans son chef de se faire soigner de manière adéquate dans son pays d’origine, voire qu’une impossibilité de continuer à séjourner au Luxembourg serait de nature à compromettre sérieusement son état de santé au point de valoir à la décision litigieuse le caractère d’un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Il se dégage des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit non justifié en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 29 juin 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Lamesch, juge, M Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19331
Date de la décision : 29/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-06-29;19331 ?

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