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29/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19293

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 juin 2005, 19293


Tribunal administratif N° 19293 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 février 2005 Audience publique du 29 juin 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19293 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 février 2005 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Rafah (Israë

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Tribunal administratif N° 19293 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 février 2005 Audience publique du 29 juin 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19293 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 février 2005 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Rafah (Israël/territoires palestiniens), de nationalité palestinienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation et subsidiairement à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 22 septembre 2004, par laquelle il a été exclu du champ d’application de la Convention de Genève par application de son article 1er D, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 15 novembre 2004 intervenue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 mai 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline GUILLOU-

JACQUES en leurs plaidoiries respectives.

Le 8 juin 2004, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, il fut entendu par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Il fut encore entendu le 7 juillet 2004 par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 22 septembre 2004, notifiée par courrier recommandé expédié le 27 septembre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration l’informa que sa demande avait été rejetée au motif qu’il a vécu dans un camp de réfugiés palestiniens à Rafah, placé sous la surveillance de l’UNRWA, et que de ce fait, il ne pourrait utilement invoquer la protection de la Convention de Genève. Le ministre a ainsi décidé que la Convention de Genève ne lui serait pas applicable dès lors qu’il bénéficiait d’une protection ou d’une assistance au sens de l’article 1er D de ladite convention.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre du 29 octobre 2004 à l’encontre de cette décision ministérielle, ledit ministre prit une décision confirmative le 15 novembre 2004.

Le 10 février 2005, Monsieur … a fait introduire un recours contentieux tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation des deux décisions ministérielles prévisées des 22 septembre et 15 novembre 2004.

Encore qu'un demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l'obligation d'examiner en premier lieu la possibilité d'exercer un recours en réformation, l'existence d'une telle possibilité rendant irrecevable l'exercice d'un recours en annulation contre la même décision (cf. trib. adm. 4 décembre 1997, n° 10404 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Recours en réformation, n° 3 et autres références y citées).

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (cf. trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 2004, V° Recours en réformation, n°4, et autres références y citées).

Etant donné qu’aucun recours au fond n’est prévu en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre les décisions déférées.

Le recours en annulation, introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir qu’il ne serait pas « bénéficiaire d’une protection ou d’une assistance de la part d’un organisme ou d’une institution des Nations Unies », étant donné qu’il ne serait pas à qualifier de réfugié palestinien, que l’UNWRA ne serait pas à entendre comme un organisme ou une institution des Nations Unies « capable de protéger les personnes dont la vie est en danger » au sens de l’article 1er, D de la Convention de Genève et que la protection prodiguée par l’UNWRA serait nettement insuffisante pour que les bénéficiaires ne puissent pas « bénéficier de l’aide prévue par la Convention de Genève ». Le demandeur sollicite par voie de conséquence l’annulation des décisions ministérielles déférées, ainsi que le renvoi du dossier auprès du ministre compétent en vue de son examen au regard des dispositions de droit commun de la Convention de Genève, sinon l’octroi pur et simple du statut de réfugié.

Le délégué du gouvernement rétorque que l’article 1er, D de la Convention de Genève a expressément prcisé, pour exclure de son champ d’application, les deux types de camps sous protection onusienne, à savoir ceux de l’UNRWA en Palestine et ceux de l’UNKRA en Corée. Il relève que si les camps de l’UNKRA n’existaient plus à l’heure actuelle, il n’en serait pas de même de ceux situés en Palestine, de sorte que ledit article 1er D trouverait directement application dans le dossier sous examen, d’autant plus qu’à ce jour encore, l’UNWRA apporterait aide et protection à plus de quatre millions de personnes. Pour le surplus, le représentant étatique émet encore des doutes quant aux origines et à l’identité de Monsieur …, en relevant notamment que ce dernier aurait déjà déposé une demande d’asile en Allemagne sous l’identité de « N. D., né le … à Kelibia / Tunisie, de nationalité tunisienne ».

L’article 1er, D de la Convention de Genève dispose comme suit :

« Cette Convention ne sera pas applicable aux personnes qui bénéficient actuellement d’une protection ou d’une assistance de la part d’un organisme ou d’une institution des Nations Unies autre que le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés.

Lorsque cette protection ou cette assistance aura cessé pour une raison quelconque, sans que le sort de ces personnes ait été définitivement réglé, conformément aux résolutions y relatives adoptées par l’assemblée générale des Nations Unies, ces personnes bénéficieront de plein droit du régime de cette Convention. » Il est constant en cause pour ressortir des propres déclarations de Monsieur …, et abstraction faite des doutes émis par le délégué du gouvernement quant à la véritable identité de l’intéressé, que ce dernier est venu au Grand-Duché de Luxembourg en provenance du camp de réfugiés palestiniens à Rafah situé dans les territoires palestiniens, de sorte qu’il est malvenu d’affirmer à l’heure actuelle qu’il ne serait pas à considérer comme réfugié palestinien.

Pour le surplus, il n’est pas contesté en cause que le camp de Rafah bénéficie actuellement encore de la protection respectivement de l’assistance de l’UNRWA, mandat qui d’après une résolution de l’assemblée générale des Nations Unies n’expirera que le 30 juin 2008.

Force est encore de relever que les dispositions prérelatées de l’article 1er, D de la Convention de Genève énoncent le bénéfice d’une protection ou d’une assistance comme critère de la non-applicabilité de la Convention sans conférer une quelconque marge d’appréciation relativement à la situation de sécurité générale des personnes concernées, de manière à ériger l’exclusion de la Convention en un quasi-automatisme à partir du moment où un mandat de protection ou d’assistance existe et continue d’être exercé.

Les conditions d’application de la clause d’exclusion de l’article 1er, D de la Convention de Genève se trouvant ainsi réunies en l’espèce, il n’y a pas lieu d’examiner plus en avant les moyens du demandeur ayant trait à la situation générale de sécurité prévalant à l’heure actuelle sur place, les termes de la Convention ne permettant pas d’engager un débat utile à ce sujet.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours en annulation laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation ;

reçoit le recours principal en annulation en la forme ;

au fond le dit non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge et lu à l’audience publique du 29 juin 2005 par le vice-président en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Campill 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19293
Date de la décision : 29/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-06-29;19293 ?

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