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29/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19267

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 juin 2005, 19267


Tribunal administratif N° 19267 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 février 2005 Audience publique du 29 juin 2005 Recours formé par Monsieur … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19267 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 février 2005 par Maître Stéphanie HURBAIN, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … , de nationalité bosni

aque, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision de refus prise par le mi...

Tribunal administratif N° 19267 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 février 2005 Audience publique du 29 juin 2005 Recours formé par Monsieur … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19267 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 février 2005 par Maître Stéphanie HURBAIN, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … , de nationalité bosniaque, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision de refus prise par le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration le 27 octobre 2004 ainsi qu’à l’encontre de celle confirmative prise par le même ministre refusant à sa mère, Madame … … l’autorisation de séjour au Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 4 mai 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, le délégué du Gouvernement s’étant rapporté au mémoire de sa partie à l’audience publique du 13 juin 2005.

Par une décision du 27 octobre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration refusa à Madame … … l’autorisation de séjour sollicitée par son fils en sa faveur.

La décision de refus est libellée de la façon suivante :

« Comme suite à votre demande, par laquelle vous sollicitez une autorisation de séjour en faveur de votre mère, je regrette de devoir vous informer que je ne suis pas en mesure de faire droit à votre requête.

Je me dois malheureusement de constater que la confirmation établie par « l’administration communale » de Gojcin ainsi que l’attestation du « Centre de Travail Social » de Kalesija ne fournissent pas la preuve que votre mère est à votre charge et qu’elle n’a pas d’autres parents dans son pays d’origine qui pourraient la prendre en charge.

En outre, une autorisation de séjour est subordonnée à la possession de moyens d’existence personnels suffisants légalement acquis permettant à l’étranger de supporter ses frais de séjour au Luxembourg, indépendamment de l’aide matérielle ou des secours finaciers que de tierces personnes pourraient s’engager à lui faire parvenir.

Donc en application de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers, une autorisation de séjour ne saurait être délivrée à votre mère ».

Par un courrier de son mandataire du 26 novembre 2004, Monsieur … fit introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision de refus.

Le 6 janvier 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration confirma, à défaut d’éléments pertinents nouveaux, sa décision de refus antérieure.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 7 février 2005, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation sinon en annulation contre les deux décisions de refus du 27 octobre 2004 et 6 janvier 2005.

Aucun recours au fond n’étant prévu dans la présente matière, le tribunal n’est pas compétent pour analyser le recours en réformation introduit.

Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

La partie demanderesse fait valoir que les ascendants non communautaires de résidents luxembourgeois pourraient bénéficier du « rapprochement familial » à condition d’être à charge des résidents qui en font la demande.

La référence aux ascendants non communautaires de résidents luxembourgeois est non pertinente dans la mesure où d’une part Madame … n’est pas un ascendant d’un résident luxembourgeois et d’autre part même pour un ascendant non communautaire d’un résident luxembourgeois il n’existe aucune disposition légale ou réglementaire laquelle fixerait les conditions positives à remplir afin de bénéficier d’une autorisation de séjour.

Pour le surplus Monsieur … sollicite le droit au regroupement familial de sa mère avec ses enfants et petits-enfants sur base de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et estime que les conditions exigées pour que sa mère puisse bénéficier d’une autorisation de séjour seraient remplies, au motif que Madame … aurait l’intention de résider de façon permanente et continue au Luxembourg, qu’elle disposerait de moyens personnels suffisants et enfin qu’elle n’aurait plus aucune famille proche en Bosnie. Il ajoute qu’elle est âgée de 57 ans, divorcée depuis 1996, qu’elle serait entièrement à sa charge et à charge de sa sœur résidant au Luxembourg et qu’ils lui envoyèrent régulièrement de l’argent. Il estime dès lors que le refus de délivrer une autorisation de séjour à sa mère constituerait une ingérence illégale dans la vie privée et familiale au motif que ce refus ne permettrait pas à sa mère de vieillir auprès de ses enfants et petits-enfants et que de ce fait elle vivrait isolée en Bosnie.

Le délégué du Gouvernement, concernant le reproche de violation de l’article 8 de la CEDH, se rapporte à la sagesse du tribunal tout en donnant à considérer que ni Madame … ni son fils n’auraient rapporté la preuve écrite que Madame DADBASIC n’aurait pas d’autres parents dans son pays d’origine qui pourraient la prendre en charge, ni qu’elle serait à charge de son fils.

En premier lieu il convient de souligner que ni le droit national luxembourgeois, ni la Convention européenne des droits de l’homme ne consacrent un droit au regroupement familial, c’est-à-dire le droit pour un membre de la famille de rejoindre sa famille installée dans un autre pays. A plus forte raison ni le droit national luxembourgeois, pour le cas sous examen, ni la CEDH n’énoncent des conditions positives à remplir par l’intéressé afin de bénéficier d’une autorisation de séjour.

Il n’en reste pas moins qu’il appartient au tribunal d’examiner le moyen soulevé par le demandeur en ce que le refus de délivrer une autorisation de séjour à sa mère constituerait une ingérence illégale dans la vie privée et familiale.

L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme dispose que :

« 1) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2) Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

Il y a dès lors lieu d’examiner en l’espèce si la vie privée et familiale dont fait état le demandeur, rentre effectivement dans les prévisions de ladite disposition de droit international qui est, le cas échéant, de nature à tenir en échec la législation nationale.

En effet la garantie du respect de la vie privée et familiale comporte des limites, en ce qu’elle suppose d’abord l’existence d’une vie familiale au sens de la disposition de droit international concernée, en l’occurrence une vie familiale qui doit, en tout cas, être préexistante et effective, ainsi que caractérisée par des relations réelles et suffisamment étroites parmi ses membres (cf TA 20 juin 2005, n° 193224 du rôle).

En l’espèce, le ministre fut confronté au cas d’une personne adulte, sollicitant un regroupement familial par rapport à son fils demeurant au Grand-Duché de Luxembourg depuis septembre 1998.

Force est de constater que la vie familiale alléguée a été rompue par le départ volontaire de Monsieur … de Bosnie en 1998 pour venir s’installer au Luxembourg.

Pour le surplus même si le demandeur soutient que depuis lors il a soutenu financièrement sa mère, le seul soutien financier, documenté par la production d’une copie d’un virement unique d’un montant de 300 € effectué le 7 janvier 2005 à destination de Bosnie, à défaut d’autres éléments soumis par le demandeur permettant au tribunal d’apprécier la réalité d’une vie familiale, ne saurait suffire pour dégager l’existence de relations familiales effectives entre lui-même et sa mère depuis leur séparation intervenue en 1998.

Le tribunal est dès lors amené à retenir que faute d’avoir établi une vie familiale effective, l’article 8 de la CEDH n’est pas applicable en l’espèce, de sorte que le moyen y relatif doit être rejeté pour manquer de fondement.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation est à déclarer non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 29 juin 2005 par :

Mme Lamesch, juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lamesch 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19267
Date de la décision : 29/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-06-29;19267 ?

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