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29/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19191

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 juin 2005, 19191


Tribunal administratif Numéro 19191 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 janvier 2005 Audience publique du 29 juin 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions en matière de nomination

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19191 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 janvier 2005 par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, attaché de Gouvernement, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation

d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 23 décembre ...

Tribunal administratif Numéro 19191 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 janvier 2005 Audience publique du 29 juin 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions en matière de nomination

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19191 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 janvier 2005 par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, attaché de Gouvernement, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 23 décembre 2003 par laquelle sa demande de nomination au poste de chef de la division des Affaires Générales lui a été refusée, ainsi que contre une décision confirmative prise par le Gouvernement en conseil le 3 septembre 2004 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 avril 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 18 mai 2005 par Maître Jean-Marie BAULER au nom et pour le compte du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Jean-Marie BAULER et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 20 juin 2005.

En date du 7 novembre 2003, le directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné le « directeur », procéda à un appel de candidatures à l’adresse des fonctionnaires des grades 12 et 13 ayant passé avec succès l’examen pour le grade de contrôleur pour le poste de chef de la division des Affaires Générales de la direction des Contributions directes.

En date du 12 novembre 2003, Monsieur … posa sa candidature pour le poste en question.

Suivant courrier du 23 décembre 2003, le directeur refusa la candidature de Monsieur …. Ladite décision est de la teneur suivante :

1« Monsieur l’attaché de gouvernement, Je me réfère à l’appel de candidatures no. I/1178-2003 du 7 novembre 2003, à votre candidature y relative du 12 novembre 2003, ainsi qu’à notre récente entrevue en mes bureaux et je tiens à vous remercier pour l’intérêt que vous avez témoigné pour le poste vacant.

Néanmoins je suis au regret de vous confirmer que je me vois dans l’impossibilité de donner une suite favorable à votre demande pour occuper le poste de chef de division des Affaires Générales. En effet, vous faites partie des cadres de la carrière supérieure de l’administration des Contributions, alors que le règlement grand-ducal du 9 août 1993 modifiant le règlement grand-ducal modifié du 19 octobre 1977 fixant l’organisation de l’administration des contributions directes indique en l’article 4 du titre 2 que « les inspecteurs de direction premiers en rang et les inspecteurs de direction gèrent les divisions 1 à 14 énumérées à l’article 2 ou y sont attachés comme adjoints suivant les besoins du service », donc y compris la division 12, soit celle des Affaires Générales.

En outre, pour ce poste, qui englobe entre autres la responsabilité de la gestion du personnel et du budget de l’administration des contributions – domaines qui connaissent tous les deux une législation et une réglementation pour le moins très complexes – la continuité des cadres est une condition impérative pour l’attribution du poste. Ceci ne constitue cependant en aucune façon une évaluation ni de votre qualification, ni de la qualité de votre travail. Au contraire, je me réjouis du travail que vous fournissez actuellement au sein du service informatique et je reste convaincu que votre présence dans ce service servira au mieux les intérêts de l’administration des contributions… ».

Le 6 janvier 2004, Monsieur …, en application de l’article 33 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, ci-après « le statut général des fonctionnaires de l’Etat », adressa une réclamation au ministre des Finances à l’encontre de cette décision prise par le directeur le 23 décembre 2003.

Le 9 avril 2004, Monsieur …, toujours en application de l’article 33 du statut général des fonctionnaires de l’Etat, adressa une réclamation au Gouvernement en conseil.

Le 6 octobre 2004, le directeur fit savoir à Monsieur … que le Gouvernement en conseil a rejeté comme non fondée sa réclamation du 9 avril 2004 à l’encontre de la décision directoriale du 23 décembre 2003.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 18 janvier 2005, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre de la décision du directeur du 23 décembre 2003, ainsi qu’à l’encontre de la décision prise par le Gouvernement en conseil du 3 septembre 2004.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours.

Aucune disposition légale ne prévoyant un recours de pleine juridiction en la présente matière, le tribunal administratif est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal. Le recours subsidiaire en annulation est recevable pour avoir été 2introduit dans les formes et délai de la loi. En effet, étant donné que les décisions litigieuses n’indiquent ni la voie de recours, ni le délai de recours, le délai légal pour former un recours contentieux n’a pas pu valablement commencer à courir.

Quant à la décision directoriale du 23 décembre 2003 A l’appui de son recours, le demandeur soutient en premier lieu que le directeur n’aurait pas valablement pu lui opposer un refus de nomination « sans violer de manière flagrante l’article 35 de la Constitution », d’après lequel « l’autorité compétente en matière de nomination est le Grand-Duc ».

Il serait en effet de jurisprudence constante qu’en vertu dudit article 35 le Grand-Duc serait compétent pour procéder à la promotion, respectivement à la nomination d’un fonctionnaire, compétence qui engloberait également celle du refus de nomination, de sorte que la décision critiquée du 23 décembre 2003 serait entachée de nullité.

Le délégué du Gouvernement entend réfuter ce moyen en se référant à l’article 6.3 du statut général des fonctionnaires de l’Etat, d’après lequel c’est le chef de l’administration dont relève le fonctionnaire, en l’occurrence le directeur, qui est compétent pour opérer un changement d’affectation, changement qui doit intervenir dans l’intérêt du service.

Dans son mémoire en réponse, le demandeur se réfère à une affaire similaire (TA 7 mars 2005, n° 18247 du rôle) et rappelle que le tribunal administratif a décidé qu’un acte de candidature au poste de chef de division des affaires générales s’analyse comme une demande visant un changement de fonction et non pas en un changement d’affectation. Il conclut dès lors que la décision de refus prise par le directeur serait entachée de nullité pour cause d’incompétence de l’autorité ayant statué.

D’après l’article 14 de la loi modifiée du 17 avril 1964 portant réorganisation de l’administration des Contributions directes « les fonctionnaires de l’Administration des contributions directes sont nommés par le Grand-Duc, à l’exception des fonctionnaires inférieurs au grade 8 qui sont nommés par le Ministre des Finances ».

Aux termes de l’article 6 du statut général des fonctionnaires de l’Etat :

« (…) 2. Le fonctionnaire peut faire l’objet d’un changement d’affectation, avec ou sans changement de résidence. Par changement d’affectation il y a lieu d’entendre l’assignation au fonctionnaire d’un autre emploi correspondant à la fonction dont il est investi au sein de son administration.

Le changement d’affectation peut intervenir d’office dans l’intérêt du service ou à la demande de l’intéressé ; il est opéré par le chef de l’administration dont le fonctionnaire relève.

3. Le fonctionnaire peut faire l’objet d’un changement de fonction, avec ou sans changement de résidence. Par changement de fonction il y a lieu d’entendre la nomination du fonctionnaire à une autre fonction de la même carrière et du même grade, au sein de son administration.

3 Le changement de fonction peut intervenir d’office dans l’intérêt du service ou à la demande de l’intéressé ; il est opéré par l’autorité investie du pouvoir de nomination ».

Il est constant que Monsieur … occupe un poste en tant qu’informaticien au sein de la division Informatique auprès de l’administration des Contributions directes. Le poste pour lequel il a posé sa candidature est celui de chef de la division Affaires générales. Le poste en question comporte des responsabilités particulières entraînant dans son chef une modification des tâches à accomplir ne correspondant pas à la fonction qu’il occupe au sein de la division Informatique. Ce changement qualitatif entre le poste actuellement occupé par le demandeur et le poste postulé (voir en ce sens, C.E., 28 décembre 1993, n° 8866 du rôle) ressort d’ailleurs de l’extrait d’une lettre du 2 avril 2004 du directeur à l’adresse du ministre des Finances en ce qu’il précise : « la division Affaires Générales constitue l’un des piliers de l’Administration des contributions directes, alors qu’elle a pour objet deux missions significatives, à savoir la gestion du budget ainsi que la gestion du personnel, dont l’envergure est considérable par rapport à d’autres administrations, où le nombre des fonctionnaires employés est généralement moins important. En effet, l’introduction d’une filière informatique dans les carrières supérieure, moyenne et inférieure par la loi du 29 juillet 2002 portant modification de la Loi Organique de 1964 m’a enfin permis d’embaucher des informaticiens spécialisés et de pallier ainsi les problèmes informatiques croissants auxquels les différents services se voient confrontés quotidiennement. La division informatique a donc pu être renforcée par le recrutement d’un certain nombre de spécialistes formés, dont notamment les deux réclamants, et il a été possible de rattraper en partie le retard accumulé par mon administration en matière de son informatisation et de sa mise en ligne. La mutation de l’un des deux réclamants à la division des Affaires Générales me paraît contraire à la logique des modifications récentes à la Loi Organique de 1964 et risquerait de mettre à zéro les bons résultats obtenus par les nombreux efforts entrepris ces dernières années au sein de la division informatique ».

De même la décision litigieuse précise : « … pour ce poste, qui englobe entre autres la responsabilité de la gestion du personnel et du budget de l’administration des contributions – domaines qui connaissent tous les deux une législation et une réglementation pour le moins très complexes – la continuité des cadres est une condition impérative pour l’attribution du poste ».

Le pouvoir de nomination grand-ducal comporte celui de ne point nommer1.

Il s’ensuit que le directeur aurait dû analyser l’acte de candidature de Monsieur … comme une demande visant un changement de fonction et que la décision par rapport à cette demande, conformément à l’article 6.3 du statut général des fonctionnaires de l’Etat revient à l’autorité investie du pouvoir de nomination, à savoir le Grand-Duc.

Partant, le fait de ne pas soumettre la demande respective au Grand-Duc, compétent pour y statuer d’après l’article 14 de la loi modifiée du 17 avril 1964, précitée, revient à enlever au chef de l’Etat une compétence expressément prévue dans son chef2.

1 Cf. TA 7 juillet 2003, n° 15672 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Fonction publique, n° 9 2 Cf TA 7 mars 2005, n° 1847 disponible sous www.ja.etat.lu 4Il s’ensuit que la décision critiquée encourt l’annulation pour incompétence de l’autorité ayant statué.

Quant à la décision confirmative prise par le Gouvernement en conseil le 3 septembre 2004 Etant donné que la décision prise par le Gouvernement en conseil est une décision confirmative de celle prise de façon incompétente par le directeur, elle encourt à son tour l’annulation.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit également fondé ;

annule les décisions déférées pour incompétence de l’autorité directoriale ayant statué ;

renvoie l’affaire devant le ministre des Finances aux fins de transmission au Grand-

Duc ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 29 juin 2005 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Arny Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19191
Date de la décision : 29/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-06-29;19191 ?

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