La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19699

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 juin 2005, 19699


Tribunal administratif N° 19699 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 avril 2005 Audience publique du 27 juin 2005 Recours formé par Monsieur … et Madame … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers

___________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19699 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 avril 2005 par Maître Sandrine LENERT-KINN, avocat à la Cour, inscrite au tableau

de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … et de Madame …, tous les deux de...

Tribunal administratif N° 19699 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 avril 2005 Audience publique du 27 juin 2005 Recours formé par Monsieur … et Madame … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19699 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 avril 2005 par Maître Sandrine LENERT-KINN, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … et de Madame …, tous les deux de nationalité burundaise, demeurant actuellement à L- , tendant à l’annulation sinon à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 25 janvier 2005 leur refusant une autorisation de séjour pour raisons humanitaires au Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 mai 2005 ;

Vu le mémoire en réplique, intitulé « mémoire en réponse », déposé par Maître Sandrine LENERT-KINN au nom des demandeurs au greffe du tribunal administratif le 1er juin 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 20 juin 2005, Maître Sandrine LENERT-KINN et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER s’étant rapportés aux écrits de leurs parties respectives.

___________________________________________________________________________

Monsieur … et Madame … introduisirent en date du 24 mars 2003 une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971.

Cette demande fut rejetée par décision du ministre de la Justice du 29 janvier 2004.

Le recours introduit à l’encontre de cette décision fût déclaré irrecevable par un jugement du tribunal administratif du 14 juillet 2004 (n° 17658), confirmé par la Cour administrative par un arrêt du 11 novembre 2004 (n° 18499C).

Par courrier du 11 octobre 2004, à l’adresse du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration, les consorts … formulèrent, par l’intermédiaire de leur conseil juridique, une demande en obtention d’une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires pour eux-

mêmes et leur petite fille née entretemps. Ils relevèrent qu’étant donné que la procédure d’asile est terminée, ils risqueraient d’être renvoyés d’un jour à l’autre au Burundi. Ils sollicitent dès lors la clémence et la bienveillance du ministre compétent en faisant état de la naissance de leur petite fille, … en date du …. Ils ajoutent qu’un retour au Burundi s’avérerait impossible en raison de leur appartenance au clan des HUTU et en raison du fait que le Gouvernement en place serait incapable de protéger ses citoyens.

Par courrier du 12 novembre 2004, le conseil juridique des consorts … rappela sa demande en obtention d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires.

Par décision du 25 janvier 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa les consorts … de ce que leur demande avait été refusée. Cette décision est libellée comme suit :

« Maître, J’ai l’honneur de me référer à votre demande d’autorisation de séjour du 11 octobre 2004 en faveur de la famille …-….

Je suis cependant amené à constater que vos mandants ne disposent pas de moyens d’existence personnels suffisants conformément à l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers.

Par ailleurs, je suis amené à constater qu’ils ne font pas état de raisons humanitaires justifiant une autorisation de séjour au Luxembourg.

Par conséquent, je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande… ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 21 avril 2005, les consorts … ont introduit un recours en annulation sinon en réformation à l’encontre de la décision de refus du 25 janvier 2005.

Le délégué du Gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation, introduit en ordre principal, au motif qu’un tel recours n’est pas prévu en la matière.

Aucun recours au fond n’étant prévu en la matière, le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il s’ensuit que le recours subsidiaire en réformation est irrecevable.

A l’appui de son recours, les consorts … soulèvent d’abord que la décision devrait être annulée au motif que l’auteur de la décision serait inconnue, de sorte qu’ils auraient été dans l’impossibilité de vérifier la légalité de la décision.

Un administré qui conteste la qualité du signataire d’un acte administratif doit spécifier en quoi les dispositions de l’arrêté grand-ducal du 22 décembre 2000 concernant les délégations de signature par le Gouvernement n’ont pas été respectées. Il lui appartient, le cas échéant, de s’enquérir au ministère d’Etat si la signature apposée sur la décision attaquée est conforme au spécimen de la signature du fonctionnaire délégué, conformément à l’article 3 de l’ordonnance précitée. Or en l’espèce les demandeurs restent en défaut de spécifier en quoi ces dispositions auraient été violées, de sorte que le moyen est à rejeter.

En deuxième lieu ils font valoir que la décision devrait encore encourir l’annulation pour violation des droits de l’homme au motif qu’elle est rédigée en langue française, langue incompréhensible pour eux.

En ce qui concerne ce moyen, il échet de constater qu’un administré ne saurait se plaindre de ce que la décision ministérielle est rédigée en français, langue qui serait incompréhensible pour lui, étant donné que le français est l’une des trois langues officielles du Grand-Duché en matière administrative, contentieuse ou non contentieuse ainsi qu’en matière judiciaire, et qu’il n’existe aucun texte de loi obligeant le ministre de la Justice à faire traduire ses décisions dans une langue compréhensible par le destinataire, de sorte que le moyen soulevé est à déclarer non fondé. D’autant plus les droits de la défense des consorts … n’ont été en aucune façon violés, dans la mesure où ils sont assistés d’un avocat lequel a introduit en leur nom la demande en obtention d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires et le recours à l’encontre de la décision litigieuse devant le tribunal administratif.

En troisième lieu ils soutiennent que ce serait à tort que le ministre a décidé qu’ils ne disposeraient pas de moyens d’existence personnels suffisants.

Conformément aux dispositions de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main d’œuvre étrangère « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourrant être refusées à l’étranger :… qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour. » En l’espèce, la décision litigieuse est fondée sur le fait que les demandeurs ne disposent pas de moyens d’existence personnels.

Force est au tribunal de constater que les consorts … se limitent à contester ce motif de refus, sans pour autant faire état d’une quelconque pièce ou affirmation de laquelle il résulterait qu’ils disposent de moyens suffisants pour subvenir à leurs besoins, de sorte que le ministre a valablement pu refuser l’autorisation de séjour en se fondant sur le prédit motif.

Enfin les consorts … invoquent encore une fois leur situation très précaire au Luxembourg au vu du fait que la procédure d’asile est terminée et estiment avoir fait état de raisons humanitaires suffisantes pour obtenir une autorisation de séjour au Luxembourg en se référant à la naissance de leur petite fille et à la situation générale au Burundi.

En ce qui concerne les raisons, qualifiées d’humanitaires, avancées par les demandeurs aux fins de justifier l’obtention de l’autorisation de séjour sollicitée, il y a lieu de constater que la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée ne comporte aucune disposition imposant, voire prévoyant l’octroi d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires.

Si une disposition permettant de contester pour des raisons humanitaires la légalité d’un refus d’autorisation de séjour peut le cas échéant être recherchée dans l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme, article qui prohibe les traitements inhumains ou dégradants1, les motifs tels qu’avancés par la demanderesse, relatifs à la situation générale au Burundi, ne rentrent cependant pas dans le champ d’application du prédit article 3.

De tout ce qui précède, il convient de conclure que le recours en annulation, tel qu’introduit contre un refus d’autorisation de séjour, est à rejeter pour être fondé dans aucun de ses moyens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 27 juin 2005 par :

Mme Lenert premier juge, Mme Thomé, juge, M Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 1 Cf TA 15 juin 2005, n° 19183, disponible sous www.ja.etat.lu 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19699
Date de la décision : 27/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-06-27;19699 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award