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27/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19403

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 juin 2005, 19403


Tribunal administratif N° 19403 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 février 2005 Audience publique du 27 juin 2005

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19403 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 février 2005 par Maître Daniel BAULISCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre d

es avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, né le … à Minsk (Biélorussie), de nationalité biélorusse, deme...

Tribunal administratif N° 19403 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 février 2005 Audience publique du 27 juin 2005

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19403 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 février 2005 par Maître Daniel BAULISCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, né le … à Minsk (Biélorussie), de nationalité biélorusse, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration intervenue le 16 décembre 2004 rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, telle que cette décision a été confirmée par ledit ministre en date du 31 janvier 2005 suite à un recours gracieux du demandeur ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement, daté au 27 mai 2005 et déposé au greffe du tribunal administratif le 8 juin 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Olivier LANG, en remplacement de Maître Daniel BAULISCH, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 20 septembre 2004, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur … fut entendu le même jour par un agent de la police grand-ducale sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Il fut encore entendu le 27 septembre 2004 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 16 décembre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration l’informa que sa demande d’asile avait été refusée. Cette décision est libellée comme suit :

« Il résulte de vos déclarations que vous auriez quitté Minsk le 13 septembre 2004. Un passeur vous aurait caché dans la remorque de son camion et vous ne pourriez donner aucune précision quant à votre trajet.

Vous avez déposé votre demande en obtention du statut de réfugié le 20 septembre 2004.

Vous n’auriez pas fait votre service militaire car vous auriez été réformé. Vous seriez membre du FRONT POPULAIRE BIELORUSSE, le BNF. Le 21 juillet 2004, vous auriez participé à une manifestation contre le pouvoir du Président Loukatchenko. Avec cinquante manifestants, vous auriez été arrêté et placé en garde à vue. Vous dites risquer maintenant une peine de plusieurs années de prison.

Je vous informe que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi, et surtout, par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement que sa situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécutions au sens de la Convention de Genève.

Je relève d’abord que vous dites ne pas posséder de passeport international, ce qui est impossible puisque vous reconnaissez avoir déjà voyagé en France, au Danemark et en Norvège avec des visas. Ceci jette un doute sur la crédibilité de votre récit.

En ce qui concerne votre récit, et plus particulièrement votre adhésion au FRONT POPULAIRE BIELORUSSE, le fait d’être simple adhérant ne vous plaçait pas dans une position particulièrement exposée. En ce qui concerne la manifestation du 21 juillet 2004, il résulte des renseignements en notre possession que, sur les cinquante personnes arrêtées, une partie a été jugée le lendemain en procédure de comparution immédiate et que les autres personnes ont été relâchées avec un simple avertissement. Ceux qui ont été jugés ont été condamnés à des peines n’excédant pas quinze jours de prison. En admettant que je puisse me fier à votre récit, comme vous ne faites état d’aucun jugement ni d’aucune condamnation, j’en conclus que vous faisiez partie des personnes qui ont été relâchées avec un avertissement.

Votre crainte d’une peine de nombreuses années de prison est donc sans fondement. J’en conclus que vous éprouvez un sentiment d’insécurité, davantage qu’une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Vous n’alléguez donc aucune crainte raisonnable de persécutions entrant dans le cadre de l’article 1er A,2 de la Convention de Genève et qui soit susceptible de vous rendre la vie intolérable dans votre pays, telle une crainte justifiée de persécutions en raison de vos opinions politiques, de votre race, de votre religion, de votre nationalité ou de votre appartenance à un groupe social.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne sauriez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Suite à un recours gracieux formulé par lettre de son mandataire du 25 janvier 2005 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration confirma sa décision initiale le 31 janvier 2005.

Par requête déposée le 28 février 2005, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation des décisions précitées du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration des 16 décembre 2004 et 31 janvier 2005.

En présence des dispositions de l’article 5 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, dont l’alinéa (1) confère au délégué du gouvernement un délai de trois mois pour fournir sa réponse à la requête introductive et dont l’alinéa (5) dispose que ce délai est prévu à peine de forclusion, le tribunal est amené à vérifier d’office si le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé le 8 juin 2005 répond aux exigences de délai ainsi posées, les dispositions prévisées étant à considérer comme étant d’ordre public en tant que touchant à l’organisation juridictionnelle (cf. trib. adm. 14 février 2001, n° 11607 du rôle, Pas. adm. 2004, v° Procédure contentieuse, n° 363).

Les parties ayant été entendues en leurs observations relativement à cette question soulevée d’office à l’audience fixée pour les plaidoiries, force est de constater que la requête introductive d’instance sous analyse a été déposée le 28 février 2005, de sorte que le délai pour le dépôt du mémoire en réponse a expiré le 28 mai 2005. Il s’ensuit qu’à défaut de prorogation du délai accordée par voie d’ordonnance, le mémoire en réponse susvisé du délégué du gouvernement a été déposé tardivement et doit être écarté.

Le recours en réformation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de sa demande en réformation, le demandeur reproche en substance au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration d’avoir commis une erreur d’appréciation et une mauvaise application de la loi en refusant sa demande d’asile.

Il soutient remplir les conditions pour être admis au statut de réfugié, au motif qu’il aurait été et risquerait d’être victime de persécutions en Biélorussie du fait de son appartenance au BNF, le Front Populaire Biélorusse, opposé au pouvoir en place, étant précisé qu’à l’occasion d’une manifestation en date du 27 juillet 2004 contre le président Loukatchenko, il aurait été arrêté et placé en garde à vue et, admettant avoir été relâché après 5 jours, il expose craindre d’être poursuivi et condamné à une peine d’emprisonnement de plusieurs années.

Il convient de prime abord de préciser que, bien que le demandeur ne se trouve pas confronté à un contradicteur, il n’en reste pas moins que le tribunal doit examiner les mérites des moyens et arguments par lui soulevés, cet examen comportant entre autre, que le tribunal doit qualifier la situation de fait telle qu’elle apparaît à travers les informations qui lui ont été soumises par rapport à la règle légale applicable.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, une crainte de persécution doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur d’asile risque de subir des persécutions et force est de constater que l’existence de pareils éléments ne se dégage pas des éléments d’appréciation soumis au tribunal, le tribunal arrivant à la conviction que les craintes exprimées par le demandeur s’analysent essentiellement en un sentiment général d’insécurité qui, à lui seul, ne saurait justifier une crainte de persécution, étant relevé que l’arrestation et la garde à vue pendant 5 jours de l’intéressé - à les supposer vraies - en raison de sa participation à une manifestation de contestations de la politique du régime en place, témoignent certainement d’une pratique condamnable des autorités policières, mais se révèlent insuffisantes pour établir à elles seules un état de persécution personnelle vécue ou une crainte qui serait telle que la vie du demandeur lui est, à raison, intolérable dans son pays d’origine. Concernant le prétendu risque d’être condamné à une peine d’emprisonnement en raison de sa participation à ladite manifestation, il convient de retenir qu’en l’absence d’un quelconque indice concret y afférent, ledit risque s’analyse être simplement hypothétique.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

écarte le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé tardivement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge et lu à l’audience publique du 27 juin 2005 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19403
Date de la décision : 27/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-06-27;19403 ?

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