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27/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19276

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 juin 2005, 19276


Tribunal administratif N° 19276 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 février 2005 Audience publique du 27 juin 2005

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Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19276 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 février 2005 par Maître Yvette

NGONO YAH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame ...

Tribunal administratif N° 19276 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 février 2005 Audience publique du 27 juin 2005

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Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19276 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 février 2005 par Maître Yvette NGONO YAH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation de la décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 17 novembre 2004 portant refus du permis de travail par elle sollicité en tant que serveuse auprès du Café-Brasserie … ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 9 mai 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 10 juin 2005 par Maître Yvette NGONO YAH au nom de Madame … ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 13 juin 2005 ;

Vu le mémoire supplémentaire, ainsi désigné, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 16 juin 2005 par Maître Yvette NGONO YAH au nom de Madame … ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision ministérielle attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en ses plaidoiries à l’audience publique du 20 juin 2005.

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Considérant que par arrêté du 17 novembre 2004 le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après « le ministre », refusa le permis de travail à Madame … pour un emploi de serveuse auprès du Café- Brasserie … « pour les raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi suivantes :

- des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place : 2714 ouvriers non qualifiés inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi - priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen - poste de travail non déclaré vacant par l’employeur - occupation irrégulière depuis le 01.07.2004 - mariage arrangé » ;

Considérant que par requête déposée en date du 8 février 2005 Madame … a fait introduire contre l’arrêté ministériel précité un recours tendant à son annulation ;

Considérant qu’à l’audience le délégué du Gouvernement a demandé le rejet du mémoire supplémentaire déposé en date du 16 juin 2005 pour compte de Madame … ;

Considérant que l’article 7, alinéa 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives limitant le nombre des mémoires à produire pour chaque partie à deux, y compris la requête introductive et la partie demanderesse ne rentrant pas dans les prévisions légales de fourniture afférente, n’ayant entre autres pas demandé l’autorisation préalable de fournir un troisième mémoire, ce dernier est à écarter des débats ;

Considérant que le recours en annulation ayant été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi, ne se trouvant pas autrement critiqué sous ces aspects, il est recevable ;

Considérant qu’il appartient au tribunal, au vu de l’ensemble des actes de procédure et pièces versés au dossier, de déterminer la suite du traitement des moyens et arguments des parties, compte tenu de la logique juridique dans laquelle ils s’insèrent (trib. adm. 4 décembre 2002, n° 14923 du rôle, confirmé par Cour adm. 1er juillet 2003, n° 15879C, Pas. adm. 2004, V° Procédure contentieuse n° 417, p. 638) ;

Considérant que la partie demanderesse estime à travers son mémoire en réplique qu’en tant que conjoint d’un ressortissant communautaire, elle ne serait point soumise à l’obligation d’un permis de travail, de sorte que les moyens de refus lui opposés seraient superfétatoires ;

Que pour le surplus il appartiendrait à l’autorité administrative de rapporter la preuve de non-cohabitation des époux, sinon de l’absence de consommation du mariage, de sorte qu’à défaut de pièces susceptibles d’étayer son argumentation, le motif de refus tiré d’un « mariage arrangé » serait à rejeter comme restant à l’état de pure allégation ;

Que si le délégué du Gouvernement, à travers son mémoire en réponse, avait conclu qu’il résulterait des certificats de résidence des époux …-… que ceux-ci n’auraient jamais habité ensemble, ni avant, ni après la date du mariage, ainsi qu’il résulterait d’un jugement du tribunal administratif du 24 septembre 2003 (n° 16217 du rôle), de même que le mariage aurait été célébré dans le but d’obtenir une autorisation de séjour ainsi qu’un permis de travail dans le chef de la demanderesse, à travers son mémoire en duplique le même représentant étatique d’estimer que si la demanderesse contestait le défaut de cohabitation, il lui incomberait de prouver, pièces à l’appui qu’une vie commune existe ;

Considérant qu’il est constant en cause, que Madame …, de nationalité yougoslave, ainsi désignée, et Monsieur …, de nationalité luxembourgeoise, ont contracté mariage en date du 9 juin 2000, sans que ce mariage ne fût dissous par la suite, d’après des informations soumises au tribunal ;

Considérant qu’en l’état de la législation applicable au moment de la prise de la décision déférée, aucune dispense de permis de travail n’a su être, même en principe, accordée à un ressortissant non-communautaire, conjoint d’un citoyen luxembourgeois, même en présence d’une directive contraire du ministre du ressort, pareille directive ne pouvant être contraire à la loi notamment quant au principe sus-énoncé(cf. trib. adm. 10 novembre 2004, n° 17823 du rôle, disponible sur internet www.ja.etat.lu) ;

Considérant que devant la constance du fait que pour un conjoint non-communautaire d’un ressortissant luxembourgeois l’obligation du permis de travail a subsisté à date de la pose de la décision déférée, l’analyse plus en avant du motif de refus tiré d’un mariage arrangé n’est point pertinente, encore que joue le principe général suivant lequel il incombe à la partie qui l’invoque d’apporter la preuve du fait par elle mis en avant ;

Considérant qu’aux termes de l’article 27 de la loi modifiée du 28 mars 1972, concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, l’octroi et le renouvellement du permis de travail peuvent être refusés aux travailleurs étrangers pour des raisons inhérentes à la situation, à l’évolution et à l’organisation du marché de l’emploi, cette disposition légale laissant ouverte la faculté du ministre, en vue de l’octroi d’un permis de travail, de tenir compte de motifs notamment d’ordre humanitaire, sinon d’équité, telle la situation du demandeur de permis de travail non-communautaire conjoint d’un ressortissant luxembourgeois, sous condition que les exigences constitutionnelles légales et réglementaires soient remplies parallèlement (cf. trib.

adm. 31 mars 2003, n° 14245a du rôle, confirmé par Cour adm. 10 juillet 2003, n° 16404C du rôle, Pas. adm. 2004, V° Travail, n° 49, p. 695) ;

Considérant qu’à travers la décision ministérielle déférée, les motifs de refus ont été tirés 1) de ce que 2714 ouvriers non qualifiés étaient inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement de l’administration de l’Emploi, 2) de la priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen, 3) du poste de travail non déclaré vacant par l’employeur et enfin 4) d’une occupation irrégulière depuis le 01 juillet 2004 ;

Considérant que relativement à l’énonciation des motifs, Madame … reproche à l’arrêté ministériel déféré d’être insuffisamment motivé en ce que les motifs y repris seraient tout à fait généraux et ne feraient aucune référence à la situation particulière qui serait la sienne ;

Considérant que force est au tribunal de constater que les motifs prérelatés invoqués expressément à l’appui de l’arrêté ministériel déféré répondent aux exigences de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 concernant la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, plus précisément en ce qui concerne les troisième et quatrième tirets, compte tenu des éléments complémentaires valablement produits au nom de l’Etat au cours de la procédure contentieuse ;

Considérant que parmi les motifs de refus distributivement critiqués par la demanderesse, celle-ci n’a cependant pas autrement énervé en fait celui tiré du poste de travail non déclaré vacant par l’employeur ;

Que le mal-fondé en fait de ce motif ne résulte pas non plus des pièces actuellement versées au dossier ;

Considérant que l’article 10 (1) du règlement grand-ducal du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-

Duché de Luxembourg, dans la teneur lui conférée par le règlement grand-ducal du 29 avril 1999, dispose dans son deuxième alinéa que « la non-déclaration formelle et explicite de la vacance de poste à l’administration de l’emploi, conformément à l’article 9 paragraphe (2) de la loi modifiée du 21 février 1976 concernant l’organisation et le fonctionnement de l’administration de l’emploi et portant création d’une commission nationale de l’emploi, constitue un motif valable et suffisant de refus du permis de travail ».

Considérant qu’en présence des termes clairs et précis employés par l’article 10 (1) du règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972 prérelaté, la déclaration de la vacance de poste incombant à l’employeur doit être formelle et explicite ;

Considérant que l’existence de pareille déclaration n’est point vérifiée en fait en l’espèce ;

Considérant que d’un autre côté la non-déclaration formelle et explicite de la vacance de poste à l’administration de l’Emploi constitue, d’après le texte réglementaire sous revue, un motif valable et suffisant de refus du permis de travail, de sorte que face au caractère non seulement clair et précis mais encore automatique de la disposition réglementaire en question, de sur la vue même une directive du ministre du ressort ne pourrait être de nature à fonder dans le chef d’un demandeur d’emploi la délivrance d’un permis de travail au-delà du non-

accomplissement constant en cause de la déclaration formelle et explicite de la vacance du poste concerné à l’administration de l’Emploi (cf. trib. adm. 10 novembre 2004, n° 17823 du rôle, précité) ;

Considérant que force est dès lors au tribunal de retenir que la décision ministérielle de refus déférée se justifie en raison du motif de refus tiré de la non-déclaration formelle et explicite par l’employeur de la vacance du poste dont il s’agit à l’administration de l’Emploi ;

Que le recours laisse dès lors d’être fondé en l’état, sans qu’il faille pousser plus loin l’analyse des autres moyens proposés par la demanderesse ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

écarte le mémoire supplémentaire déposé en surnombre par la demanderesse ;

déclare le recours en annulation recevable ;

au fond, le dit non justifié ;

partant, en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais .

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 27 juin 2005 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19276
Date de la décision : 27/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-06-27;19276 ?

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