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22/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19862

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 juin 2005, 19862


Tribunal administratif N° 19862 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 mai 2005 Audience publique du 22 juin 2005

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19862 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 mai 2005 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxem

bourg, au nom de Monsieur …, né le … à Podgorica (Monténégro/Etat de Serbie-et-Monténégro), de nationalité...

Tribunal administratif N° 19862 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 mai 2005 Audience publique du 22 juin 2005

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19862 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 mai 2005 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Podgorica (Monténégro/Etat de Serbie-et-Monténégro), de nationalité serbo-

monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 14 mars 2005, par laquelle sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié a été déclarée manifestement infondée, ainsi que d’une décision confirmative prise par le même ministre le 25 avril 2005 suite à un recours gracieux du demandeur ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 juin 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 13 juin 2005 pour compte du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en sa plaidoirie.

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Le 31 janvier 2005, Monsieur … introduisit auprès du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur … fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut entendu le 15 février 2005 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration l’informa, par lettre du 14 mars 2005, notifiée en mains propres le 15 avril 2005, que sa demande avait été déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, au motif qu’il ne ferait valoir aucune crainte raisonnable de persécution pour l’une des raisons prévues par la Convention de Genève et que le Monténégro constituerait un pays où il n’existerait pas en règle générale de risques sérieux de persécution. Le ministre releva encore que le fait d’être agressé par des supporteurs d’une équipe de football ainsi que par des inconnus en raison de son homosexualité constituerait une infraction de droit commun contre laquelle le demandeur aurait pu porter plainte, estimant par ailleurs que les craintes invoquées par le demandeur relèveraient tout au plus d’un sentiment d’insécurité.

Le recours gracieux formulé le 18 avril 2005 par le mandataire de Monsieur … à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 14 mars 2005 ayant été rencontré par une décision confirmative du 25 avril 2005, envoyée par lettre recommandée le 26 avril 2005, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des deux décisions ministérielles des 14 mars et 25 avril 2005, par requête déposée le 26 mai 2005.

L’article 10 de la loi précitée du 3 avril 1996 prévoit expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives. Le tribunal est partant incompétent pour connaître de la demande en réformation des décisions critiquées. - En effet, si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour en connaître (cf. trib. adm. 28 mai 1997, n° 9667 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Recours en réformation, n° 5, et autres références y citées).

Le recours en annulation à l’encontre des deux décisions ministérielles litigieuses ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur, déclarant être originaire du Monténégro, reproche au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration une appréciation erronée des faits et de ne pas en avoir tiré les conséquences qui se seraient imposées en relation avec les problèmes qu’il aurait rencontrés au Monténégro en raison de son homosexualité. Dans ce contexte, il soutient encore qu’une fuite interne ne serait pas possible.

Le délégué du gouvernement soutient que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, au motif que les craintes exprimées par le demandeur ne correspondraient à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, lesquelles traduiraient tout au plus un sentiment général d’insécurité au vu des infractions de droit commun dont il aurait été victime. Enfin, il relève que le Monténégro devrait être considéré comme territoire où des risques sérieux de persécution ne seraient plus à craindre.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur insiste sur la gravité de la situation des homosexuels en Serbie-Monténégro.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

Une demande d’asile basée exclusivement sur un sentiment général d’insécurité sans faire état d’un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée (cf. trib. adm. 22 septembre 1999, n° 11508 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Etrangers, n° 105 et autres références y citées).

En l’espèce, au regard des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile, tels qu’ils se dégagent tant du rapport d’audition susvisé du 15 février 2005 que de la requête introductive d’instance, force est de constater qu’il n’a manifestement pas établi, ni même allégué, l’existence d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays d’origine.

En effet, le demandeur, outre d’avoir été la victime de pressions non autrement circonstanciées à son travail, a été agressé et battu par des supporteurs de l’équipe de football de Buducnost, ainsi que par des inconnus en raison de son homosexualité. S’il est vrai que le demandeur décrit la situation des homosexuels en Serbie-Monténégro comme étant difficile, il ne se dégage toutefois pas des éléments du dossier qu’il ait fait l’objet de poursuites judiciaires dans son pays d’origine en raison de ses orientations sexuelles ou que l’homosexualité soit pénalement réprimée au Monténégro. Il s’ensuit qu’il n’appartient pas à un ensemble de personnes circonscrit et suffisamment identifiable pour constituer un groupe social persécuté au sens de la Convention de Genève. Dans la mesure où il ne résulte pas non plus des éléments du dossier que ces agressions, à les supposer établies, aient eu pour origine l’un des autres motifs de persécution énoncés à l’article 1er, A, 2 de la Convention de Genève, les craintes énoncées en raison de ces faits ne sont pas de nature à considérer le demandeur comme relevant du champ d’application des dispositions de la Convention de Genève.

Pour le surplus, force est de constater que ces deux agressions physiques relèvent plutôt d’une criminalité de droit commun, laquelle, quelle que soit la gravité et le caractère condamnable desdits actes, à les supposer établis, ne sauraient être qualifiés de persécution au sens de la Convention de Genève. S’y ajoute qu’elles n’émanent pas de l’Etat mais de personnes privées lesquelles ne sauraient manifestement être qualifiées d’agents de persécution au sens de la Convention de Genève et le demandeur reste en défaut d’établir à suffisance de droit que les autorités de son pays d’origine refuseraient de le protéger ou seraient dans l’impossibilité de lui fournir une protection d’une efficacité suffisante, étant relevé que la notion de protection des habitants d’un pays contre des agissements de groupes de la population n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission matérielle d’un acte criminel et qu’il y a lieu de prendre en compte une persécution commise par des tiers uniquement en cas de défaut de protection dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, le demandeur n’ayant pas porté plainte auprès des forces de l’ordre et n’ayant entrepris aucune autre démarche auprès des autorités pour tenter d’obtenir leur protection.

Il s’ensuit que les craintes exposées par le demandeur sont insuffisantes pour faire reconnaître qu’il appartiendrait à un groupe social particulièrement exposé à des actes de persécution et se résument en substance en un sentiment général d’insécurité lequel est insuffisant pour établir un lien de sa situation personnelle avec l’un des critères prévus par la Convention de Genève.

C’est dès lors à bon droit que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a déclaré sa demande d’asile comme étant manifestement infondée, de sorte que son recours est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;

reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant le rejette ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 22 juin 2005 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19862
Date de la décision : 22/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-06-22;19862 ?

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