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22/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19859

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 juin 2005, 19859


Tribunal administratif N° 19859 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 mai 2005 Audience publique du 22 juin 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19859 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 mai 2005 par Maître Olivier LANG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des av

ocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, (Kosovo, Etat de Serbie et Monténégro), de...

Tribunal administratif N° 19859 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 mai 2005 Audience publique du 22 juin 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19859 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 mai 2005 par Maître Olivier LANG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, (Kosovo, Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration intervenue le 14 mars 2005, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme étant manifestement infondée, ainsi que d’une décision confirmative de refus du même ministre du 25 avril 2005, prise suite à un recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 juin 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 14 juin 2005 par Maître Olivier LANG au nom du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 20 juin 2005, Maître Olivier LANG, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER s’étant rapportés aux écrits de leurs parties respectives.

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Le 21 janvier 2005, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le 11 février 2005, il fut entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 14 mars 2005, notifiée par lettre recommandée expédiée le 15 mars 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration l’informa de ce que sa demande avait été rejetée comme étant manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, au motif qu’il ne ferait valoir aucune crainte raisonnable de persécution pour une des raisons prévues par la Convention de Genève.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre du 14 avril 2005 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prit une décision confirmative le 25 avril 2005 Le 25 mai 2005, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation contre les décisions ministérielles de refus précitées.

Il ressort des éléments du dossier que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration s’est basé sur l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire et sur l’article 3 du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996.

L’article 10 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 précitée prévoit expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives, de sorte que le recours en annulation, par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Quant au fond, le demandeur expose être albanais du Kosovo de confession catholique et habiter le village de Dole, dont la population locale, de confession catholique, serait victime de nombreuses agressions, menaces et insultes.

Il estime à ce sujet que le ministre aurait fait une mauvaise application de la Convention de Genève et aurait méconnu la réalité et la gravité des motifs de crainte de persécution qu’il a mis en avant pour justifier sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Il critique en particulier le fait que le ministre ait considéré ses craintes comme étant purement hypothétiques, étant donné que son voisin aurait été assassiné et que les évènements tragiques se multiplieraient aux alentours de son village, une bande armée, dénommée « Back Mask », y faisant régner la terreur.

Il relate encore qu’au vu de l’échec de la police locale et de la KFOR a faire revenir la paix dans cette région, il aurait légitimement perdu toute confiance dans les forces de police.

Enfin, il reproche au ministre de s’être basé, pour prendre sa décision de refus, sur la situation générale au Kosovo, alors que contrairement à ce qu’a retenu le ministre, les minorités ethniques connaissent de graves difficultés au Kosovo.

Le délégué du Gouvernement estime pour sa part que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte que celui-ci serait à débouter de son recours.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile dans le cadre de son audition, ainsi qu’au cours des procédures gracieuse et contentieuse, amène le tribunal à conclure qu’il n’a manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance.

En effet, lors de son audition, telle que celle-ci a été relatée dans le compte rendu figurant au dossier, si le demandeur évoque une insécurité latente sévissant dans la région, il reconnaît cependant n’avoir jamais subi personnellement de persécutions, ni n’avoir jamais été menacé, insulté ou agressé, et ne connaître aucune peur qui serait liée à ses opinions politiques, religieuses ou à son groupe social ou national. Il ne ressort en particulier pas de son récit, contrairement à ce qu’il a fait plaider devant le tribunal, que lui-même ou son village seraient particulièrement exposés à des agressions à cause de sa propre confession catholique ou de celle de ses habitants.

Enfin, s’il a mentionné lors de son audition le meurtre de son voisin, qualifié de « très riche », il affirme que personne ne connaît les raisons de ce meurtre.

Il en résulte que le demandeur n’a pas fait l’objet de persécutions au sens de la Convention de Genève laissant supposer un danger sérieux pour sa personne, mais que sa fuite vers le Luxembourg a été motivée par un sentiment général d’insécurité.

.

Cette conclusion n’est pas énervée par les pièces figurant en annexe du recours gracieux daté du 14 avril 2005 et également versée aux débats. En effet, les attestations rédigées par des habitants des localités de Dole et de Gjakove, si elles portent sur l’existence d’une bande de malfaiteurs, dénommée « Masques Noirs », qui sévirait dans la région, et qui aurait déjà commis un grand nombre de crimes (meurtres, attaques physiques et cambriolages), restent cependant en défaut d’apporter le moindre élément permettant de conclure que ces infractions de droit commun auraient une connotation politique, ethnique, religieuse ou sociale.

C’est partant à juste titre que le ministre a déclaré la demande d’asile sous analyse comme étant manifestement infondée. Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours formé par le demandeur est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 22 juin 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19859
Date de la décision : 22/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-06-22;19859 ?

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