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22/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19297

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 juin 2005, 19297


Tribunal administratif N° 19297 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 février 2005 Audience publique du 22 juin 2005 Recours formé par Monsieur … et son épouse, Madame …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19297 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 11 février 2005 par Maître Daniel BAULISCH, avocat à la Cour

, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, assisté de Maître Olivier WUIDAR, avocat...

Tribunal administratif N° 19297 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 février 2005 Audience publique du 22 juin 2005 Recours formé par Monsieur … et son épouse, Madame …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19297 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 11 février 2005 par Maître Daniel BAULISCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, assisté de Maître Olivier WUIDAR, avocat, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Bosnie-

Herzégovine), et de son épouse, Madame …, née le … (Bosnie-Herzégovine), tous les deux de nationalité bosniaque, demeurant actuellement ensemble à L- …, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 22 novembre 2004, rejetant leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 13 janvier 2005, intervenue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 mai 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 20 juin 2005, Maître Daniel BAULISCH ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER s’étant rapportés aux écrits de leurs parties respectives.

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Le 7 juin 2004, Madame … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-

après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, elle fut entendue par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Son époux, Monsieur …, introduisit oralement une demande similaire en date du 1er juillet 2004 ; il fut entendu le même jour par un agent de la police grand-ducale sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Madame … fut entendue le 14 juin 2004 par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié ; son époux fut quant à lui entendu le 8 juillet 2004.

Par décision du 22 novembre 2004, expédiée par courrier recommandé du 30 novembre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, entre-temps en charge du dossier, les informa de ce que leur demande avait été rejetée au motif qu’ils n’allégueraient aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre leur vie intolérable dans leur pays d’origine, de sorte qu’aucune crainte justifiée de persécution en raisons d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un certain groupe social ne serait établie dans leur chef.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre du 22 décembre 2004 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prit une décision confirmative le 13 janvier 2005, expédiée par courrier recommandé du 14 janvier 2005.

Le 11 février 2005, les époux …-… ont fait introduire un recours en réformation contre les décisions ministérielles précitées.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le recours en réformation, introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Quant au fond, les demandeurs font exposer qu’ils auraient fait l’objet de persécutions dans leur pays d’origine en raison de leur appartenance au parti d’opposition BOSS. Ils expliquent à ce sujet avoir régulièrement fait l’objet d’insultes et de menaces de la part de membres locaux du parti au pouvoir, le SDA, ces derniers n’hésitant pas à venir les harceler à leur domicile. Ils relatent qu’à l’occasion de l’une de ces agressions, des membres du SDA seraient venus frapper à leur porte, pour ensuite agresser physiquement Monsieur … qui leur avait ouvert. Madame …, qui à cette époque aurait été enceinte, aurait été effrayée au point de faire une fausse couche.

En substance, ils reprochent au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration d’avoir fait une mauvaise application de la Convention de Genève et d’avoir méconnu la réalité et la gravité des motifs de persécution qu’ils ont mis en avant pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié.

Le délégué du Gouvernement estime pour sa part que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs, de sorte que ceux-ci seraient à débouter de leur recours.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par les demandeurs lors de leurs auditions, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédure gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, il ressort des déclarations des demandeurs, qui se prétendent membres du parti politique BOSS, que les provocations régulières émanant de membres du parti SDA, et consistant en des insultes verbales et en des jets de pierre contre leur domicile, étaient « supportables » (audition de Monsieur …, p. 6 ; audition de Madame …, p. 8), mais qu’ils se sont décidés à fuir la Bosnie suite à un incident isolé qui a eu lieu le 1er janvier 2004, au cours duquel il a été frappé et à la suite duquel son épouse, enceinte, a perdu son enfant.

Si cette agression est certes condamnable, et les conséquences en résultant pour leur famille tragiques, de sorte que la volonté des époux …-… de quitter définitivement leur pays est humainement compréhensible, il n’en reste pas moins qu’il ne saurait être déduit de cet incident isolé un risque de persécution spécifique laissant supposer un danger sérieux pour les époux …-….

Il s’avère en effet à l’examen des déclarations faites par les demandeurs que leur fuite vers le Luxembourg a été motivée par un sentiment général d’insécurité, les demandeurs admettant d’ailleurs tous les deux avoir voulu déjà quitter la Bosnie avant le tragique incident de janvier 2004, c’est-à-dire à une époque où les persécutions dont ils faisaient l’objet se limitaient à des insultes et remarques désobligeantes, persécutions qu’ils jugeaient d’ailleurs eux-mêmes « supportables ».

Force est encore de constater que les persécutions dont font état les demandeurs, émanant de certains éléments de la population locale, membres du parti SDA, proviennent de tiers et non pas de l’Etat, de sorte qu’il appartient de surcroît aux demandeurs de mettre suffisamment en évidence un défaut de protection de la part des autorités.

Or les demandeurs n’ont pas démontré que les autorités administratives chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre publics en place ne soient ni disposées ni capables de leur assurer un niveau de protection suffisant, étant entendu qu’ils n’ont pas fait état d’un quelconque fait concret qui serait de nature à établir un défaut caractérisé de protection de la part des autorités en place. Au contraire, il ressort de leurs dépositions qu’ils n’ont pas, notamment suite à l’incident de janvier 2004, déposé de plainte à l’encontre de leurs agresseurs, étant donné qu’ils estimaient d’avance une telle démarche vouée à l’échec, la police étant à leurs yeux acquise au parti SDA au pouvoir.

Il suit de ce qui précède que les demandeurs n’ont pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans leur chef.

Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en la forme, au fond, déclare le recours non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 22 juin 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19297
Date de la décision : 22/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-06-22;19297 ?

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