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20/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19555

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 juin 2005, 19555


Tribunal administratif N° 19555 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 mars 2005 Audience publique du 20 juin 2005

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Recours introduit par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19555 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 24 mars 2005 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats

à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Irewe (Nigeria), de nationalité nigériane, demeurant actu...

Tribunal administratif N° 19555 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 mars 2005 Audience publique du 20 juin 2005

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Recours introduit par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19555 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 24 mars 2005 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Irewe (Nigeria), de nationalité nigériane, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 13 janvier 2005, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 avril 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions ministérielles litigieuses ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en sa plaidoirie.

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Le 26 avril 2004, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent de la police grand-ducale sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg. Il fut encore entendu en date des 28 septembre, 29 octobre et 17 décembre 2004 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration l’informa par décision du 13 janvier 2005, lui notifiée par pli recommandé du 17 suivant, que sa demande avait été rejetée comme n’étant pas fondée aux motifs énoncés comme suit :

« Il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire que vous auriez quitté le Nigeria la première semaine d’avril 2004 par bateau pour arriver en Europe dans un endroit inconnu tout en passant préalablement par un autre Etat africain. Ensuite vous vous seriez rendu en voiture à Saarbrücken probablement. A partir de là vous auriez pris le train pour Luxembourg. Vous ne possédiez aucun document d’identité.

Il résulte de vos déclarations que fin 2003 vous seriez venu en Europe muni d’un visa afin de faire du tourisme. Vous auriez ainsi visité la Hollande et l’Allemagne. Vous seriez ensuite retourné au Nigeria. Vous prétendez avoir été emprisonné durant 3 mois en raison d’une accusation pour meurtre, cependant le juge vous aurait déchargé et libéré. En effet, vous déclarez avoir été attaqué, sans connaître la raison, à votre domicile par cinq personnes dont l’une d’entre elles serait décédée probablement suite à un coup qu’elle aurait reçu de votre part. Vous ajoutez depuis être persécuté par les membres de la famille du défunt sans fournir plus d’explications. Après votre séjour en prison vous auriez perdu votre travail et auriez décidé de quitter le Nigeria.

Vous mentionnez aussi les conflits entre les chefs de communautés que connaîtrait votre Etat, sans pour autant apporter plus de détails. De plus, vous indiquez qu’en cas de retour au Nigeria après un certain temps, des personnes sans préciser de qui il s’agirait, se rendraient compte que vous n’êtes pas dans la politique et que vous ne voulez pas être leur chef, de sorte qu’elles vous laisseraient tranquille.

Vous réclamez à l’Etat luxembourgeois en premier lieu une protection, puis en second une possibilité de visiter l’Europe.

Vous marquez aussi votre désir de travailler ici.

Pour le surplus, vous n’auriez subi aucune persécution ni mauvais traitement.

Il y a d’abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Force est cependant de constater qu’à défaut de pièces, un demandeur d’asile doit au moins pouvoir présenter un récit crédible et cohérent. Or, il convient de relever la confusion de votre récit en ce sens que vous n’expliquez pas suffisamment vos problèmes, vous ne faites qu’état de plusieurs faits sans apporter des éléments pouvant rendre votre histoire compréhensible et probante. De même qu’il ressort de l’audition une attitude désinvolte de votre part envers l’agent en charge de l’audition de nature à considérer ce comportement comme un manque de collaboration.

Par ailleurs, à supposer les faits que vous alléguez établis, ils ne sauraient, en eux-

mêmes, constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu’ils ne peuvent, à eux seuls, fonder une crainte justifiée d’être persécuté dans votre pays d’origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section § 2 de la Convention de Genève. En effet, le fait d’avoir été accusé et emprisonné pour un motif de meurtre ne saurait constituer une persécution au sens de la Convention de Genève car non seulement ce fait relève de droit commun, mais de plus vous avez été déchargé et libéré par le juge. A cela s’ajoute qu’il n’est pas établi que l’attaque dont vous dites avoir fait l’objet soit motivée par un des critères de la prédite Convention, étant donné que vous n’en connaissez même pas la raison.

Concernant en outre les membres de la famille de la victime, ils ne sauraient être assimilés à des agents de persécution au sens de la prédite Convention. De plus vous n’avez pas requis la protection des autorités, donc vous restez en défaut d’établir qu’elles seraient dans l’incapacité de vous protéger.

Au sujet des conflits entre chefs, vous n’avez fait état d’aucune crainte personnelle étant donné que vous n’expliquez pas en quoi vous seriez concerné par ces conflits. Force est d’en déduire que vous éprouvez tout au plus un sentiment général d’insécurité plutôt qu’une crainte de persécution.

Il convient également de relever que la perte de votre emploi ne saurait fonder une demande en obtention du statut de réfugié.

Pour finir, votre désir de travailler au Luxembourg et de faire du tourisme en Europe ne rentre absolument pas dans le cadre de la Convention de Genève.

Par conséquent, vous n’alléguez aucune crainte justifiée de persécutions en raison de vos opinions politiques, de votre race, de votre religion, de votre nationalité ou de votre appartenance à un groupe social et qui soit susceptible de vous rendre la vie intolérable dans votre pays. Votre demande ne répond donc à aucun des critères de fonds définis par la Convention de Genève.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Suite à un recours gracieux formulé par Monsieur … par lettre de son mandataire du 14 février 2005 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration confirma sa décision initiale le 21 février 2005.

Par requête déposée le 24 mars 2005, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision initiale du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 13 janvier 2005.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire, prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre la décision ministérielle critiquée. Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est irrecevable.

Le recours principal en réformation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur reproche - en des termes essentiellement vagues et non circonstanciés - au ministre compétent d’avoir commis une erreur d’appréciation en refusant sa demande d’asile, au motif que sa situation aurait été intolérable dans son pays d’origine, étant donné qu’il y aurait connu « de nombreux problèmes émanant de la politique ethnique et communale » et parce qu’un jour, il aurait été attaqué par 5 personnes, dont il en aurait blessée ou tuée une, en se défendant, de sorte que « la famille du défunt [serait] également à [sa] poursuite ». Le demandeur n’a pas apporté une quelconque autre explication ou précision à l’appui du bien-fondé de son recours.

Le représentant étatique soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de ses auditions, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, la prétendue attaque, dont le demandeur fait état, ne paraît empreinte du moindre arrière fond politique, religieux, ethnique ou racial, et partant ne saurait justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans le chef du demandeur. Les risques de subir des actes de vengeance de la part des membres de la famille d’un des auteurs de ladite attaque, qu’il aurait prétendument blessé ou tué, se révélant non seulement hypothétiques et nullement sous-

tendus par des éléments concrets et probants, mais même si tel devait être le cas, aucun élément de la cause n’établit que le demandeur ne saurait rechercher la protection des autorités en place dans son pays d’origine, respectivement que ces autorités ne seraient pas en mesure ou n’auraient pas la volonté de lui assurer une protection suffisante.

Les autres allégations vaseuses relativement à des prétendus risques de persécution n’appellent quant à elles pas de plus ample analyse.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Schroeder, premier juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 20 juin 2005 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19555
Date de la décision : 20/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-06-20;19555 ?

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