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20/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19442

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 juin 2005, 19442


Numéro 19442 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 mars 2005 Audience publique du 20 juin 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 19442 du rôle, déposée le 4 mars 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Luis TINTI, avocat à la Cour, ins

crit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Cacak ...

Numéro 19442 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 mars 2005 Audience publique du 20 juin 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 19442 du rôle, déposée le 4 mars 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Luis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Cacak (Etat de Serbie-

Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 10 décembre 2004 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 31 janvier 2005 prise sur recours gracieux;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 avril 2005;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI, et Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 juin 2005.

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Le 22 juillet 2004, Monsieur …, préqualifié, introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut entendu en date du 20 septembre 2004 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration l’informa par décision du 10 décembre 2004, notifiée par courrier recommandé du 17 décembre 2004, que sa demande avait été rejetée comme n’étant pas fondée aux motifs énoncés comme suit :

« En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 18 août 2004 et le rapport d’audition de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration en date du 20 septembre 2004.

Vous auriez quitté la Serbie à la mi-juillet 2004. Vous seriez allé à Sarajevo et puis en Slovénie. Vous auriez poursuivi votre voyage en camion jusqu’en Allemagne. Finalement, vous seriez venu au Luxembourg en voiture.

Vous avez déposé votre demande en obtention du statut de réfugié le 22 juillet 2004.

Vous auriez fait votre service militaire en 1999/2000. Vous seriez membre du parti SDA. En 1996 et en 1997, vous auriez été convoqué au bureau de police à plusieurs reprises, sans raison. En 1999, suite à une fête entre amis, un de vos voisins aurait porté plainte et la police serait passée sur les lieux. Elle aurait confisqué des armes qui se trouveraient chez vous. Vous auriez reçu, en 2004, une convocation pour le Tribunal de Novi Pazar pour des raisons politiques. De plus, vous vous dites discriminé parce que vous seriez issu d’un mariage mixte musulman/orthodoxe.

Je vous informe que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi, et surtout, par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécutions au sens de la Convention de Genève.

Pour invoquer l’article 1er A, 2 de la Convention de Genève, il faut une crainte justifiée de persécutions en raison de vos opinions politiques, de votre race, de votre religion, de votre nationalité ou de votre appartenance à un groupe social et qui soit susceptible de vous rendre la vie intolérable dans votre pays.

Le fait d’être issu d’un mariage mixte et d’appartenir ainsi à une minorité n’entraîne pas d’office l’obtention du statut de réfugié. D’ailleurs, en Serbie-Monténégro, tant la Constitution que les lois accordent la liberté de religion. Il n’y a pas de religion d’Etat dans ce pays mais la Constitution fait référence aux principaux groupes confessionnels : orthodoxe, musulman et catholique. La liberté de religion est bien respectée en pratique et les atteintes à cette liberté ne sont tolérées ni de la part des autorités locales ni de la part de particuliers.

Quant au fait d’avoir été convoqué au poste de police en 1996/1997, il est trop ancien pour être pris en compte.

En ce qui concerne la dernière convocation au Tribunal de Novi Pazar, je relève que son authenticité est sujette à caution. Elle présente des corrections manuelles douteuses et le chef d’accusation – opinions politiques d’opposition – est peu crédible d’autant plus que l’article 230, 2/3 ne concerne pas la politique mais le rassemblement de personnes. Quant au fait que vos voisins aient porté plainte pour tapage, cela ne les assimile pas à des agents de persécution au sens de la Convention de Genève. Finalement, si vous aviez des ennuis avec eux, il vous aurait été possible de vous établir dans une autre ville ou région de Serbie-Monténégro, pour profiter d’une possibilité de fuite interne.

Force est de constater que les faits que vous alléguez, à les supposer établis, traduisent davantage un sentiment général d’insécurité qu’une réelle crainte de persécution.

Eu égard à ces circonstances, je dois constater que vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécutions entrant dans le cadre de l’article 1er A, 2 de la Convention de Genève, c’est-à-dire une crainte justifiée de persécutions en raison de vos opinions politiques, de votre race, de votre religion, de votre nationalité ou de votre appartenance à un groupe social et qui soit susceptible de vous rendre la vie intolérable dans votre pays.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Le recours gracieux formé par courrier de son mandataire du 21 janvier 2005 ayant été rencontré par une décision confirmative du même ministre du 31 janvier 2005, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre des décisions ministérielles initiale du 10 décembre 2004 et confirmative du 31 janvier 2005 par requête déposée le 4 mars 2005.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation, lequel est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur, originaire de Serbie, reproche au ministre une appréciation erronée de sa situation personnelle et de ne pas avoir tiré les conséquences des persécutions déjà par lui subies et de sa crainte justifiée de persécution en cas de retour dans son pays d’origine. Il fait valoir qu’il aurait été exclu du marché de l’emploi du seul fait d’être issu d’un mariage mixte, son père étant musulman et sa mère orthodoxe, et que cette exclusion du marché du travail pour des raisons religieuses devrait justifier la reconnaissance du statut de réfugié, d’autant plus que les autorités en place « cautionnent par leur laxisme ce type de pratique » et qu’il n’aurait dès lors pas déposé de plainte auprès des autorités compétentes parce que « cela ne sert à rien ». Il ajoute qu’il aurait été à plusieurs reprises maltraité et insulté par des policiers.

Le représentant étatique soutient que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699 du rôle, Pas. adm. 2004, v° Recours en réformation, n° 12).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition du 20 septembre 2004, telle que celle-ci a été relatée dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments développés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, il se dégage du rapport d’audition du 20 septembre 2004 que le demandeur s’est prévalu de faits de persécution d’ordre politique du fait de sa qualité de membre du parti SDA seulement pour la période de 1996 à 1999, de manière que cette circonstance ne peut plus être considérée comme motif de persécution à l’heure actuelle. La même conclusion s’impose concernant la poursuite pénale avancée en relation avec la détention d’une arme à feu, le demandeur admettant qu’il n’aurait plus reçu de convocations au tribunal depuis l’accomplissement de son service militaire. Quant à la convocation du tribunal de septembre 2004, force est constater que le demandeur a déclaré lors de son audition qu’il soupçonnerait un voisin malveillant avec lequel il aurait eu un « malentendu » et qui essayerait de le provoquer d’être à l’origine de cette convocation. Or, des problèmes avec un voisin ne constituent pas un motif de persécution visé par la Convention de Genève.

Concernant finalement les pertes d’emplois alléguées par le demandeur, il y a encore lieu de constater que le demandeur reste en défaut de fournir un quelconque élément probant à l’appui de ses allégations relatives à des traitements discriminatoires par les employeurs en cause.

Il résulte des développements qui précèdent que le demandeur reste en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, de manière que le recours sous analyse doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. CAMPILL, vice-président, M. SCHROEDER, premier juge, Mme GILLARDIN, juge, et lu à l’audience publique du 20 juin 2005 par le vice-président en présence de M.

LEGILLE, greffier.

LEGILLE CAMPILL 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19442
Date de la décision : 20/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-06-20;19442 ?

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