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20/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19022

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 juin 2005, 19022


Tribunal administratif N° 19022 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 décembre 2004 Audience publique du 20 juin 2005

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Recours introduit par la société anonyme A. S.A. et consorts contre une décision de l’administration communale de Schuttrange en matière de marchés publics

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19022 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 16 décembre 2004 par Maître Victor ELVINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de

l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de :

1) la société anonyme A. S.A., établie et ayant son ...

Tribunal administratif N° 19022 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 décembre 2004 Audience publique du 20 juin 2005

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Recours introduit par la société anonyme A. S.A. et consorts contre une décision de l’administration communale de Schuttrange en matière de marchés publics

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19022 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 16 décembre 2004 par Maître Victor ELVINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de :

1) la société anonyme A. S.A., établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions ;

2) la société anonyme W. S.A., établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Diekirch sous le numéro B …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions ; et 3) la société à responsabilité limitée H. s.à r.l., établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B …, représentée par son gérant actuellement en fonctions, tendant à l’annulation de la décision du collège échevinal de la commune de Schuttrange du 23 juillet 2004 portant rejet de la candidature introduite par les trois sociétés demanderesses, réunies pour l’occasion en association momentanée, en vue de leur participation au « concours d’architectes restreint à deux degrés » organisé dans le cadre de la conception d’un nouveau Centre scolaire à Munsbach ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Lou THILL, demeurant à Luxembourg, du 22 décembre 2004 portant signification de ce recours à l’administration communale de Schuttrange ;

Vu l’acte de constitution d’avocat déposé le 30 décembre 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean MEDERNACH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de l’administration communale de Schuttrange ;

Vu le mémoire en réponse déposé le 3 mars 2005 au greffe du tribunal administratif en nom et pour compte de l’administration communale de Schuttrange ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 1er avril 2005 au greffe du tribunal administratif en nom et pour compte des demanderesses ;

Vu le mémoire en duplique déposé le 29 avril 2005 au greffe du tribunal administratif en nom et pour compte de la partie défenderesse ;

Vu les pièces versées et notamment la décision attaquée ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport et Maîtres Serge MARX, en remplacement de Maître Victor ELVINGER, et Christian POINT, en remplacement de Maître Jean MEDERNACH, en leurs plaidoiries respectives.

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Faisant suite à un avis de concours de l’administration communale de Schuttrange relativement à un « concours d’architectes restreint, à deux degrés, pour le Centre scolaire à Münsbach », avec « présélection » des participants par un jury, les sociétés A.

S.A., W. S.A. et H. s.à r.l., préqualifiées, réunies en association momentanée, introduisirent, par lettre du 14 juillet 2004, un dossier de candidature pour être autorisés à participer audit concours d’architectes.

Par lettre du 23 juillet 2004, l’administration communale de Schuttrange, sous la plume de Madame Liane KADUSCH-ROTH, bourgmestre ff, et de Monsieur Nico WELSCH, président du groupe de travail concours d’architecte, informa l’association momentanée A. S.A. et consorts de ce qui suit :

« (…) Madame, Monsieur, Le jury s’est réuni le 19 juillet à Schuttrange pour choisir, parmi les 50 dossiers de candidatures déposés à notre secrétariat à la date du 14 juillet 2004, les 10 architectes retenus à concourir pour la conception du Centre scolaire de Munsbach.

Nous avons par la présente le regret de vous informer que votre candidature n’a pas été retenue. L’identité des concurrents sélectionnés sera annoncée par voie de presse avant la fin du mois.

Nous vous remercions de l’intérêt témoigné pour le concours ; le jury a apprécié la qualité d’ensemble des dossiers, dont la plupart représentaient un travail conséquent de documentation et de présentation.

Le dossier avec vos documents de candidature vous sera retourné dans les prochains jours.

Veuillez agréer, Madame, Monsieur, l’expression de notre considération distinguée. (…) ».

Par requête déposée le 16 décembre 2004, les trois sociétés composant l’association momentanée A. S.A. et consorts ont introduit un recours contentieux tendant à l’annulation de la décision du collège échevinal de la commune de Schuttrange portant rejet de leur candidature telle que cette décision s’est matérialisée par la susdite lettre du 23 juillet 2004.

L’administration communale de Schuttrange conteste en premier lieu l’intérêt légitime à agir des demandeurs, soutenant avoir des informations que l’action serait uniquement diligentée par la société H. s.à r.l., qui, mue par des ressentiments en raison du fait d’avoir dû subir la résiliation d’un précédent contrat d’architecte l’ayant lié à la commune de Schuttrange relativement au projet d’extension du Centre scolaire de Munsbach, contrat auquel l’administration communale a unilatéralement mis fin suite à un référendum communal défavorable, entendrait faire échec à la procédure de concours et obtenir un dédommagement, alors que les antécédents de la procédure de concours ne sauraient nullement rejaillir sur cette dernière. Dans cet ordre d’idées, elle fait état de ce qu’elle aurait « eu vent » d’un courrier que la société H. s.à r.l. aurait adressé aux dix candidats retenus pour le premier degré du concours, courrier faisant apparaîtrait que l’intérêt au présent litige de la société H. s.à r.l. serait illégitime sinon insuffisant, celui des deux autres demanderesses faisant carrément défaut.

Force est cependant de constater que l’intérêt mis en avant par les demanderesses revêt les conditions requises relativement à son caractère personnel, né, actuel, suffisant et légitime pour justifier leur action contentieuse dirigée à l’encontre de la décision attaquée.

En effet, en tant que destinataires directes de la décision de rejet de leur candidature, les demanderesses font valoir un lien personnel avec l’acte attaqué, de même qu’une lésion individuelle par le fait de l’acte, étant relevé qu’un intérêt de concurrence est suffisant pour conférer à une entreprise (ou un groupe d’entreprises) ayant demandé à être admis à participer à un concours et qui s’en est vue écarter, un intérêt à agir devant le juge administratif en vue de faire contrôler le respect des dispositions légales et réglementaires régissant la matière et, partant, la décision relativement à leur écartement.

– Cette conclusion n’est pas utilement ébranlée par les simples contestations et allégations de l’administration communale de Schuttrange, dès lors que cette dernière omet d’établir l’existence d’un prétendu courrier que la société H. s.à r.l. aurait adressé aux candidats retenus lors de la présélection et dans le cadre duquel elle reconnaîtrait l’illégitimité de l’action entamée par l’association momentanée. Par ailleurs, même en admettant que ladite société soit spécialement motivée à voir contrôler la légalité de la décision litigieuse en raison d’éventuels déboires qu’elle a pu connaître dans le cadre des antécédents du projet d’extension du Centre scolaire à Munsbach, pareil état des choses est, à lui-seul, insuffisant pour invalider la légitimité, affirmée et vérifiée, de l’action des trois demanderesses.

En second lieu, l’administration communale de Schuttrange conclut à l’irrecevabilité du recours pour ne pas avoir été introduit dans le délai légal de trois mois pour agir en justice. Dans ce contexte, elle fait relever que la décision d’écartement de leur offre aurait été communiquée aux demanderesses, réunies en association momentanée, par lettre du 23 juillet 2004 et que le recours n’a été introduit qu’en date du 16 décembre 2004.

Ce moyen laisse également d’être fondé, étant donné que, même abstraction faite des conclusions laborieuses menées par les parties demanderesses et défenderesses relativement au défaut de la décision litigieuse d’indiquer une motivation suffisamment explicite et de la sanction éventuelle et adéquate à apporter à pareil état des choses, faute de contenir une information quant aux voies de recours, pourtant expressément exigée par l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, la lettre d’information datée du 23 juillet 2004 n’a pas pu faire courir le délai légal pour agir en justice.

Il s’ensuit que le recours est recevable pour avoir été introduit par ailleurs dans les formes prévues par la loi.

A l’appui de leur recours, les demanderesses concluent en premier lieu et principalement à l’annulation de la décision litigieuse pour ne pas être légalement motivée, la décision ne contenant pas de motivation et qu’il n’aurait pas été supplé à cette carence au cours de la procédure contentieuse.

Dans ce contexte, elles critiquent plus particulièrement tant le fait que la décision querellée ne contiendrait pas de motivation correspondant aux critères exigés, la seule référence au délibéré du jury étant manifestement insuffisante, que le fait que ladite délibération du jury serait elle même viciée par un défaut d’indication et d’existence de motifs légaux et qu’il serait partant impossible de comprendre pourquoi sa candidature, de même que les 27 autres dossiers de candidature ont été écartés.

L’administration communale de Schuttrange fait rétorquer que sa décision se fonde entièrement sur le résultat du délibéré du jury qui s’est réuni le 19 juillet 2004.

Dans ce contexte, elle relève que l’avis de concours aurait conféré un pouvoir de sélection au jury et que ce dernier était appelé à exercer suivant les critères de sélection précis indiqués dans ledit avis.

Ainsi, selon l’administration communale, elle aurait été liée par le « verdict » du jury et « la motivation de sa décision réside entièrement dans la référence à la décision du jury qui fait autorité ».

Ceci dit, elle conteste encore que la décision du jury ait été arbitraire, dès lors qu’elle « s’appuie sur un délibéré entre les membres du jury appréciant la conformité des candidatures au regard des critères de sélection énoncés dans l’avis », la composition du jury et son autonomie de décision garantissant l’objectivité de ses décisions.

Par ailleurs, comme l’attesterait le rapport de la réunion du jury du 19 juillet 2004, les membres du jury auraient apprécié les candidatures reçues par la commune au regard des critères de sélection en procédant en toute équité par votes successifs afin de déterminer quelles étaient les candidatures qui répondaient le plus aux critères de sélection.

L’administration communale considère dès lors que pareille méthode, s’inspirant « d’une pratique recommandée tant par la Commission européenne que par la doctrine », devrait être considérée comme étant équitable. En effet, à défaut de précisions légales relativement à déroulement pratique de la sélection du nombre des participants prévus, il serait suffisant de garantir que la sélection s’opère sur la base des mêmes critères de sélection qualitative, transparents et objectifs, préalablement fixés.

Ainsi, en ayant procédé à une sélection des candidats par « le biais de votes successifs destinés à dégager à chaque tour de scrutin les meilleures candidatures », le jury aurait pris une décision « justifiée par le vote de ses membres » et, sauf à mettre en cause sa composition ou son mode de fonctionnement, d’ailleurs entièrement conformes aux règles de non-discrimination prévues en la matière, il ne saurait être fait grief au jury d’avoir pris une décision arbitraire et le grief d’un défaut de motivation manquerait de fondement.

Dans son mémoire en duplique, l’administration communale de Schuttrange fait encore insister que l’obligation de motiver ses décisions serait incompatible avec l’institution même du jury, qui impliquerait l’acceptation de ce qu’un jury puisse valablement justifier son « verdict » par référence au suffrage.

Il convient de prime abord de cerner le cadre dans lequel la décision litigieuse s’insère.

Dans ce contexte, il importe de relever que n’est pas en cause la décision ou avis du jury composé relativement aux projets soumis par les candidats participant au concours d’architectes lancé par l’administration communale de Schuttrange en vue de la conception et réalisation d’un Centre scolaire à Münsbach, mais que le litige concerne la phase préalable relativement à l’accès à la participation audit concours, c’est-à-dire la phase de sélection des candidats (le nombre envisagé de participants ayant été fixé à 10), d’une part, et qu’il se dégage de l’avis de concours que l’administration communale a conféré un pouvoir de « décision » au jury en ce qui concerne la sélection des candidats désireux de participer au concours, d’autre part (cf. Avis de concours, Section II - Objet du concours, III.1) « sont admis à participer au concours les architectes qui seront sélectionnés par le jury sur base … » ; « Le jury, lors de la présélection, pourra choisir de retenir des candidatures présentant les critères selon différentes pondérations » ;

III.2) « (…) Seuls les projets des concurrents retenus par le jury suite à l’appel de candidatures sont recevables. »). – Il apparaît utile de préciser que l’article 249 du règlement grand-ducal du 7 juillet 2003 portant exécution de la loi du 30 juin 2003 sur les marchés publics et portant modification du seuil prévu à l’article 106 point 10° de la loi communale du 13 décembre 1988, en ce qu’il dispose que « le jury dispose d’une autonomie de décision ou d’avis » doit être interprété, sous peine de vider la distinction entre les notions de « décision » et d’« avis » de toute substance, de façon à ce que l’administration est admise à opter – le choix devant être arrêté dans le cadre de la fixation des mécanisme, conditions et programme du concours - entre l’intervention d’un jury avec une compétence de « décision », impliquant que l’appréciation du jury liera alors l’administration, ou l’institution d’un jury avec une mission plus restreinte d’aviser l’administration, un pouvoir d’appréciation subsistant alors dans le chef de l’administration qui, moyennant une décision spécialement motivée, peut encore s’écarter de l’avis du jury.

De troisième part, des critères de sélection des candidats ont été fixés, conformément à l’article 245 du règlement grand-ducal précité du 7 juillet 2003, de la façon, claire et non discriminatoire, suivante :

« expérience professionnelle, sur présentation de :

références en matière d’aménagement urbain et rural ;

références bâties concernant les projets de même envergure ;

références bâties concernant des projets scolaires ;

références non-bâties, notamment des projets de concours, pour des thèmes similaires ;

motivations et/ou expérience quant à l’approche qualitative architecturale, culturelle, environnementale et sociale.

Engagement sur :

la qualification professionnelle, documentée notamment :

pour les architectes exerçant au Luxembourg par l’inscription au tableau de l’OAI pour les ressortissants de l’Union européenne, la preuve qu’à la date de la publication, ils sont autorisés à exercer la profession d’architecte/d’ingénieur-conseil dans le pays d’origine aboutissant, en cas de retenue de la candidature, sous condition de fin de non-recevoir, à la reconnaissance dans les meilleurs délais par l’Ordre des Architectes et Ingénieurs-Conseils luxembourgeois.

Les personnes morales sont admises au concours à la condition qu’elles répondent aux critères d’indépendance professionnelles identiques à ceux applicable aux personnes physiques.

La fiabilité, documentée notamment :

par la prescription des moyens techniques et ressources humaines du candidat par la preuve de la souscription d’une assurance en responsabilité civile professionnelle.

La disponibilité pour l’exécution de la mission, documentée notamment :

par la description des moyens pouvant être mis en oeuvre à proximité des lieux d’exécution par la description des moyens et connaissances rassemblés pour l’exécution.

Le jury, lors de la présélection, pourra choisir de retenir des candidatures présentant les critères selon différentes pondérations.

III.2) La participation est réservée à une profession particulière : Oui. Architecte.

La constitution d’équipes pluridisciplinaires, notamment avec un architecte-

paysagiste est souhaitée, sous forme de groupe d’études avec désignation d’un porte-parole. Le porte-parole doit être l’architecte.

Chaque membre du groupe doit répondre aux mêmes conditions d’inscription et d’indépendance professionnelle que les architectes.

Seuls les projets des concurrents retenus par le jury suite à l’appel de candidatures sont recevables. Les concurrents doivent participer dans la formation sous laquelle ils ont introduit leur candidature ».

En résumé, il convient de retenir qu’en ce qui concerne la sélection des candidats admis à participer au concours d’architectes en question, le mécanisme du concours mis en place par l’administration communale de Schuttange fait intervenir un jury, auquel a été conféré un pouvoir autonome d’appréciation et de décision, l’administration communale se trouvant par conséquent liée par la sélection du jury.

Dans ce contexte, mais encore plus généralement, il y a lieu de remarquer que s’il est vrai que l’appréciation des qualités et mérites d’un dossier de candidature par rapport à un autre comporte une large part de subjectivité, qui ne saurait être mise en question, notamment à travers un recours contentieux, il n’en reste pas moins que les décisions du jury ne sont pas pour autant exemptes de tout contrôle juridictionnel, en ce qui concerne la légalité de la mise en œuvre du pouvoir conféré au jury.

Les considérations qui précèdent conditionnent les réponses à fournir par rapport à l’obligation de motivation de la décision litigieuse des édiles locaux, d’une part, et de celle de la décision du jury, d’autre part.

Concernant l’obligation de motivation de la décision de l’administration, force est donc de retenir que le collège échevinal ne se faisant que sienne la « décision » du jury, il n’a pas à motiver spécialement son acte de disposition.

En d’autres termes, en présence d’une compétence liée, la motivation de l’administration réside à suffisance de droit dans la référence à la décision du jury qui fait autorité.

Il s’ensuit que la décision litigieuse ne pêche pas sous ce rapport, les critiques y afférentes mises en avant par les parties demanderesses laissant d’être fondées et devant être écartées.

Concernant l’obligation de motivation de la décision du jury par rapport à laquelle il convient encore de se prononcer, la question afférente est à élucider dans le cadre spécifique du cas d’espèce, tel que ci-avant circonscrit, à savoir celui de la phase de sélection des candidats à un concours, l’administration agissant sur base d’une décision d’un jury la liant et le jury étant appelé à exercer son pouvoir d’appréciation au regard de différents critères objectifs préalablement fixés par l’administration.

Il convient de rappeler que le jury ne saurait être admis à décider selon son « bon plaisir », l’exercice du pouvoir ne pouvant jamais être arbitraire et tout contrôle efficace exige que l’on connaisse et puisse comprendre les raisons qui sous-tendent le choix du titulaire de l’autorité.

Ceci étant, force est de constater qu’en l’espèce, les justiciables, tout comme le juge, ne disposent que de deux éléments concrets, à savoir les dossiers de soumission, d’une part, et une décision du jury fondée sur la manifestation de la volonté majoritaire en son sein, d’autre part, étant relevé que quant au second volet, l’appréciation des qualités ou défauts des dossiers de candidature, voire les raisons qui ont fait préférer les dix candidats retenus plutôt que les autres restent enfuis dans le for intérieur des différents membres du jury qui composent la majorité.

Il est évident que les dossiers de candidature ne permettent pas, à eux-seuls, de démontrer le bien-fondé du choix opéré. Admettre le contraire serait admettre qu’aucun choix était possible, c’est-à-dire qu’un pouvoir d’appréciation n’existait pas.

L’analyse du second volet se révèle plus épineuse, dès lors qu’il est indéniable qu’il est souvent difficile d’exprimer objectivement les raisons qui font donner la préférence à une chose plutôt qu’à une autre.

Mais même s’il n’est pas possible de tout quantifier et objectiver, il n’en reste pas moins qu’il n’est pas impossible qu’un jury expose l’appréciation à laquelle il s’est livré pour arrêter son choix.

Ainsi, le tribunal ne saurait suivre l’administration communale de Schuttrange en ce qu’elle fait soutenir que le fait que la décision émane d’un jury, c’est-à-dire d’un organisme collégial, rende impossible de lui demander de fournir les motifs de son choix et qu’il faille se limiter à un contrôle de la légalité atténué en fait.

L’institution du jury n’est pas, par essence, incompatible avec une obligation de motivation allant au-delà d’une référence aux suffrages exprimés et la protection de l’intérêt général empêche que l’on se satisfasse de la garantie que les membres du jury ont été guidés par un souci intime d’impartialité et d’honnêteté et de la pétition de principe qu’ils n’ont été mus que par la volonté de voir réaliser le bien de la collectivité.

Au contraire, en l’absence de dérogation légale expresse y afférente, l’intervention d’un jury ne saurait tenir en échec le principe général de l’obligation de motivation et le jury doit justifier que sa décision répond bien aux fins de l’intérêt général en vue desquelles la mission, en l’occurrence de sélection des candidats, lui a été confiée.

Ainsi, la décision du jury doit nécessairement se présenter sous forme d’un rapport motivé, qui permet un contrôle sur l’exactitude matérielle des faits, de même que des pertinence et objectivité des motifs, cette conclusion paraissant d’autant plus inéluctable lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, l’administration a fixé des critères et, partant, des facteurs d’appréciation dont le jury a obligatoirement dû tenir compte.

Or, tel n’a manifestement pas été le cas en cause, le jury n’ayant d’aucune façon précisé le comment et le pourquoi de son choix, de sorte qu’il a manqué à son obligation de motivation, impliquant que sa sélection et, par la force des choses, la décision litigieuse du 23 juillet 2004 du collège échevinal de la commune de Schuttrange entérinant ledit choix et portant rejet de la candidature soumise par les sociétés A. S.A., W. S.A. et H. s.à r.l., réunies en association momentanée, en vue d’être admis à concourir pour la conception du Centre scolaire de Munsbach, encourent l’annulation.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare également justifié ;

partant annule la décision du 23 juillet 2004 du collège échevinal de la commune de Schuttrange portant rejet de la candidature soumise par les sociétés A. S.A., W. S.A. et H. s.à r.l., préqualifiées, réunies en association momentanée, en vue d’être admis à concourir pour la conception du Centre scolaire de Munsbach ;

condamne l’administration communale de Schuttrange aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président M. Schroeder, premier juge M. Spielmann, juge et lu à l’audience publique du 20 juin 2005 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Campill 10


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19022
Date de la décision : 20/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-06-20;19022 ?

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