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20/06/2005 | LUXEMBOURG | N°18790

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 juin 2005, 18790


Tribunal administratif N° 18790 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 octobre 2004 Audience publique du 20 juin 2005

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Recours introduit par la société anonyme E. S.A., Luxembourg contre deux « décisions du directeur des Bâtiments publics » en matière de marchés publics

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18790 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 28 octobre 2004 par Maître René DIEDERICH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ord

re des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme E. S.A., en abrégé « E. S.A. », établie et ...

Tribunal administratif N° 18790 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 octobre 2004 Audience publique du 20 juin 2005

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Recours introduit par la société anonyme E. S.A., Luxembourg contre deux « décisions du directeur des Bâtiments publics » en matière de marchés publics

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18790 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 28 octobre 2004 par Maître René DIEDERICH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme E. S.A., en abrégé « E. S.A. », établie et ayant son siège social à L-…, immatriculée au RCS de Luxembourg sous le numéro B …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation 1) de la « décision du Directeur des Bâtiments Publics » en date du 20 juillet 2004 portant rejet de l’offre présentée par elle dans le cadre de la mise en adjudication publique concernant les travaux, par entreprise générale, de gros-

œuvre, parachèvement, chauffage, électricité, sanitaires, équipements spéciaux à exécuter dans l’intérêt du futur garage central pour les forces de l’ordre à Luxembourg-Hamm et 2) de la « décision du Directeur des Bâtiments Publics » en date du 6 août 2004 par laquelle ledit directeur a rejeté un recours gracieux exercé par la société E. S.A. le 28 juillet 2004 à l’encontre de la susdite décision du 20 juillet 2004 ;

Vu le mémoire en réponse déposé le 21 janvier 2005 au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 16 février 2005 au greffe du tribunal administratif pour le compte de la partie demanderesse ;

Vu le mémoire en duplique déposé le 15 mars 2005 au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement ;

Vu les pièces versées et notamment les « décisions » critiquées ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport et Maître René DIEDERICH, ainsi que Messieurs les délégués du gouvernement Gilles ROTH, à l’audience publique du 2 mai 2005, et Guy SCHLEDER, à l’audience publique du 30 mai 2005, en leurs plaidoiries respectives.

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Agissant dans le cadre de la mise en adjudication publique concernant les travaux en entreprise générale de gros-œuvre, parachèvement, chauffage, sanitaire, électricité et équipements spéciaux à exécuter dans l’intérêt au garage central pour les forces de l’ordre à Luxembourg-Hamm, le directeur des Bâtiments publics s’adressa, par lettre du 20 juillet 2004, à la société anonyme E. S.A., en abrégé « E. S.A. » pour l’informer de ce qui suit :

« (…) Conformément au règlement grand-ducal du 7 juillet 2003 portant exécution de la loi du 30 juin 2003 sur les marchés publics, j’ai regret de porter à votre connaissance que votre offre n’a pas pu être prise en considération.

En effet, le matériel proposé dans la partie « équipements techniques » des chapitres (A), (C), (E), (F) et (K) n’est pas conforme et ne satisfait donc pas aux exigences du bordereau.

En vertu de l’article 90 (3) du règlement grand-ducal précité, il vous est loisible d’introduire un recours à l’adresse indiquée ci-dessous dans un délai de 15 jours à compter à partir de la présente notification.

Passé ce délai, il vous restera toujours possible d’introduire par voie d’avoué un recours en annulation à l’encontre de la décision d’adjudication auprès du tribunal administratif dans un délai de trois mois à compter de la présente.

Tout en vous remerciant d’avoir participé à cette demande d’offre, je vous prie d’agréer, Mesdames, Messieurs, l’expression de mes sentiments distingués Le Directeur des Bâtiments publics [ s.] F. Otto ».

Par lettre de son mandataire du 28 juillet 2004, la société E. S.A. introduisit un recours gracieux devant le directeur des Bâtiments publics à l’encontre de sa « décision » précitée du 20 juillet 2004.

Le 6 août 2004, le directeur des Bâtiments publics y répondit dans les termes qui suivent :

« (…) Tout en m’excusant de ne pas avoir indiqué dans mon courrier du 20 juillet les motifs précis pour lesquels l’offre de la firme E. avait été écartée, je me permets de vous donner par la présente les explications requises.

D’une part le bureau d’études de génie civil Stintec a précisé dans son rapport d’analyse du dossier de soumission que, pour des raisons économiques, la firme E. a dissocié l’origine des éléments de façade et des éléments préfabriqués de l’ossature (poutres, colonnes, dalles) ce qui est contraire aux clauses énoncées dans le cahier des charges.

D’autre part le bureau d’études spécialisé Top Service Consulting a constaté à plusieurs reprises des non-conformités, à savoir :

A) Fahrzeugannahme pos. 1.4. : Scheren-Hebebühne : Mindesttraglast de 3.800 kg au lieu des 4.000 kg demandés C) KFZ-Werkstatt pos. 3.1. :

Zweistufen-Hebebühne : Gleitstücke anstatt Rollenlager, mit Grund- und Stützrahmen, keine Elektronik-Steuerung, Mechanische Gleichlaufregelung Pos.: 3.1.A.: Zweistufen-Hebebühne : Gleitstücke statt Rollenlager Pos.: 3.2.:

Scherenhebebühne: Mindestraglast 3.800 kg au lieu des 4.000 kg demandés Pos. 3.3.:

Achsvermessungssystem:

keine Sprachsteuerung, keine Funkdatenübertragung, nur IR-Datenübertragung Pos. 3.8.:

Frischöl Management System: kein Typ angegeben, somit nicht überprüfbar; ohne Tanks, Leitungen und Abgabeneinrichtung Pos. 3.9.:

Ölentsorgung: kein Typ angegeben, somit nicht überprüfbar E) Karrosserie Pos. 5.4.:

Zweistufen-Hebebühne: Gleitstücke anstatt Rollenlager, mit Grund- und Stützrahmen, keine Elektronik-Steuerung, Mechanische Gleichlaufregelung F) Motorrad-Werkstatt Pos. 6.1.:

Motorrad-Hebebühne: Tragkraft nur 400 kg anstatt 500 kg;

Hubtisch für Arbeiten am Hinterrad nicht abklappbar Pos. 6.4.:

Reifenmontiermaschine für Motorräder: PKW-Maschine mit Minimalausstattung für geringen Räder-Durchsatz, nicht speziell für Motorräder, minimaler Spannbereich nur 11,5 Grad Vu ce qui précède, l’offre E. n’a pas pu être prise en considération.

Au cas où ces arguments ne seront pas acceptés par votre mandante, il vous restera toujours la possibilité d’introduire par voie d’avoué un recours en annulation à l’encontre de la décision d’adjudication auprès du tribunal administratif dans un délai de trois mois à compter dès réception de la présente.

Tout en vous remerciant d’avoir participé à cette demande d’offre, je vous prie d’agréer, Mesdames, Messieurs, l’expression de mes sentiments distingués.

Le Directeur des Bâtiments publics, [ s.] F. Otto ».

Par requête déposée le 28 octobre 2004, la société E. S.A. a introduit un recours contentieux tendant à la réformation sinon à l’annulation des susdites « décisions » du directeur des Bâtiments Publics des 20 juillet et 6 août 2004.

Avant de procéder à l’examen des questions de compétence du tribunal et de la recevabilité du recours, le tribunal est en premier lieu appelé à examiner la demande du délégué du gouvernement tendant à la mise en intervention de la firme C., établie à L-…, au motif qu’elle se serait vue attribuer le marché litigieux, de sorte à avoir « intérêt à faire connaître son point de vue ».

S’il est vrai que l’article 4 (4) de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives prévoit que le tribunal ordonne la mise en intervention des tiers intéressés, auxquels la partie demanderesse a omis de signifier la requête introductive d’instance et qu’en l’espèce, le recours n’a pas été signifié à l’adjudicataire du marché litigieux, il convient de relever que le recours sous examen ne concerne que les décisions respectivement de rejet de l’offre présentée par la demanderesse et de rejet du recours gracieux de cette dernière, mais non pas la décision d’adjudication proprement dite de la soumission publique en question, d’une part, et qu’il n’appert pas autrement des éléments de la cause que les intérêts de l’adjudicataire soient mis en cause, d’autre part, pour en conclure que la mise en intervention requise par le délégué du gouvernement ne s’impose pas et ne ferait que retarder inutilement la décision de l’affaire.

Ensuite, le recours introduit par la demanderesse contenant une demande en réformation et, subsidiairement, une demande en annulation, le tribunal est appelé à examiner sa compétence pour connaître de la demande principale en réformation.

Dans ce contexte, les « décisions » litigieuses ayant été prises postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 30 juin 2003 sur les marchés publics, qui a eu lieu, en vertu de son article 102, en date du 1er septembre 2003, c’est par rapport aux dispositions de cette loi que la question de fond relative à l’admissibilité des voies de recours doit être examinée.

Or, il y a lieu de constater que la loi précitée du 30 juin 2003 ne prévoit pas la possibilité d’exercer un recours en réformation contre une décision de rejet d’une offre, de sorte que de même que sous l’empire de la législation antérieure, seul un recours en annulation était possible contre les décisions querellées.

Il suit des considérations qui précèdent que le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation.

Le recours subsidiaire en annulation, recours de droit commun dans le contentieux administratif, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il convient ensuite de préciser qu’étant donné que la partie demanderesse a qualifié les deux lettres du directeur de l’administration des Bâtiments publics des 20 juillet et 6 août 2004 de « décisions », d’une part, et que le délégué du gouvernement, dans son mémoire en réponse, s’est tantôt référé à la « décision initiale du directeur de l’Administration des Bâtiments Publics du 20 juillet 2004 » tantôt « au bien fondé de la motivation de la décision de l’Administration des Bâtiments Publics », d’autre part, le tribunal, à l’audience publique du 2 mai 2005, a sollicité des informations plus précises quant à l’autorité qui a effectivement pris la décision de rejet de l’offre présentée par la société E. S.A. et la décision de rejet du recours gracieux de cette dernière, ceci notamment afin de se voir mettre en mesure de contrôler la compétence de l’autorité ayant agi, question relevant de l’ordre public, le tribunal ayant en même temps relevé que le directeur de l’administration des Bâtiments publics n’apparaissait pas comme pouvant être considéré comme un représentant habilité de l’Etat respectivement pour se prononcer sur les recevabilité et mérite d’offres soumises dans le cadre d’une mise en adjudication publique ou pour attribuer et conclure un marché public, les droits des parties pour prendre position relativement à cette question ayant été réservés en attendant de plus amples renseignements.

A l’audience publique du 30 mai 2005, le délégué du gouvernement a entendu apporter un complément d’information et voir rectifier sa référence erronée à une prétendue décision émanant du directeur de l’administration des Bâtiments publics, exposant que les deux lettres du directeur ne contiendraient en réalité pas d’élément décisionnel propre, mais qu’elles ne constitueraient que de simples lettres d’information relativement aux décisions prises par la seule autorité compétente en la matière, à savoir le ministre des Travaux publics.

Le mandataire de la partie demanderesse s’est déclaré d’accord avec cette rectification et voir retenir cet état des choses, de même que le délégué du gouvernement a été d’accord pour voir lire la requête introductive d’instance de la partie demanderesse comme visant les décisions ministérielles véhiculées à travers les deux courriers d’information, aucune conséquence préjudiciable ne pouvant en effet s’en dégager pour la demanderesse, notamment en ce qui concerne la recevabilité de son recours, faute d’une quelconque matérialisation antérieure desdites décisions ministérielles, les apparences créées par l’administration ayant au contraire pu faire présumer l’existence de décisions imputables au directeur de l’administration des Bâtiments publics.

Ceci étant, la partie demanderesse conclut en premier lieu à l’annulation de la décision du 20 juillet 2004 au motif qu’elle ne comporterait pas une motivation suffisante en droit et en fait, telle que requise par les article 11 de la loi précitée du 30 juin 2003 et 90 (3) du règlement grand-ducal portant exécution de la loi du 30 juin 2003 sur les marchés publics et portant modification du seuil prévu à l’article 106 point 10 de la loi communale du 13 décembre 1998.

Elle estime que si, suite à son recours gracieux du 28 juillet 2004, le directeur de l’administration des Bâtiments publics lui a effectivement notifié un complément de motivation, ce complément lui serait parvenu tardivement et l’on ne saurait admettre que l’administration soit admise à suppléer ultérieurement à sa carence initiale, « un tel comportement de l’administration, qui ne peut faire naître chez l’administré que des soupçons quant à l’impartialité de l’administration et qui ouvre la porte à l’arbitraire, [devant] (…) être sanctionné ».

L’article 11, alinéa 1er de la loi précitée du 30 juin 2003 dispose que « les marchés à conclure par soumission publique ou restreinte sont attribués par décision motivée au concurrent ayant présenté l’offre économiquement la plus avantageuse, laquelle est choisie parmi les trois offres régulières accusant les prix acceptables les plus bas. » L’article 90 (3) du règlement grand-ducal précité du 7 juillet 2003 précise encore que « le pouvoir adjudicateur informe par lettre recommandée les autres concurrents qu’il ne fait pas usage de leur offre, avec l’indication des motifs à la base de la non-prise en considération de celle-ci. (…). » Lesdites dispositions spécifiques exigent partant expressément que le pouvoir adjudicateur motive spécialement tant la décision positive d’attribution que les corollaires négatifs que sont les décisions de rejet des offres des concurrents non retenus.

En l’espèce, il est vrai que la motivation de la décision matérialisée par la lettre du directeur de l’administration des Bâtiments publics du 20 juillet 2004, en ce qu’elle se borne à faire état de ce que différents matériels offerts ne seraient pas conformes « aux exigences du bordereau », sans cependant préciser en quoi le matériel offert ne serait pas conforme aux exigences posées par le maître de l’ouvrage, reste essentiellement vague et ne saurait être admis comme satisfaisant à l’obligation d’une communication suffisante des motifs à la base de la non-prise en considération de l’offre de la demanderesse.

Il est cependant vrai encore que la lettre du 6 août 2004 du directeur des Bâtiments publics complète de façon précise la communication initiale des motifs à la base de ladite décision de rejet.

Ainsi, même à admettre qu’en présence d’une obligation renforcée de motivation formelle, la seule suspension des délais de recours ne puisse constituer une sanction adéquate, force est de constater que, par la production d’une motivation adéquate au cours de la phase pré-contentieuse, l’administration a mis le soumissionnaire évincé en mesure d’assurer la protection de ses intérêts légitimes en parfaite connaissance de cause et, dans ces conditions, il ne saurait être question de retenir que le simple manquement initial dans la production formelle des motifs à la base de la décision litigieuse soit de nature à la vicier en sa substance.

Il s’ensuit que le moyen d’annulation tiré de l’absence de communication des motifs à la base de la décision – réitérée - de non-prise en considération de l’offre de la demanderesse laisse d’être fondé et doit être écarté.

La société E. S.A. fait ensuite soutenir que son offre serait en tous points conforme aux exigences du bordereau et, en particulier, que :

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concernant la position 1.4. (« Scheren-Hebebühne, bodeneben verlegt »), la critique relativement à une capacité de 3.800 kg au lieu des 4.000 kg manquerait en fait au motif que le produit RAV 604 proposé apparaîtrait sur le tarif de la société RAVAGLIOLI à 4.000 kg de capacité ;

-

concernant les positions 3.1. et 3.1.A. (« Zwei-Säulen-Hebebühne »), le guidage par « Rollenlager » serait spécifique à MAHA, mais le modèle proposé aurait un système de guidage par glissière d’une efficacité équivalente. Le pilotage électronique de MAHA serait électro-

mécanique chez RAV, mais les fonctions garanties ;

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concernant la position 3.2. (« Scheren-Hebebühne, Überflurversion »), le produit proposé RAV 602 aurait une capacité de 4.000 kg et non de 3.800 kg ;

-

concernant la position 3.3. (« Achsvermessungssystem »), l’absence de « Sprachsteuerung » ne saurait être critiquée, la commande étant assurée par un ordinateur personnel sous « Windows », partant « multilangue », d’une part, et la seconde critique formulée manquerait de fondement puisque le descriptif ne demanderait pas de transmission radio des données ;

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concernant les positions 3.8. (« Frischöl Management System ») et 3.9 (« Ölentsorgung »), les pièces produites établiraient que les caractéristiques des produits offerts seraient conformes. Il est relevé dans ce contexte que le pouvoir adjudicateur n’aurait pas formulée de demande de précision y afférente, alors que telle serait pourtant la pratique générale en cas de manque de spécification ;

-

concernant la position 5.4 (« Zwei-Säulen-Hebebühne »), elle se réfère aux positions 3.1 et 3.1.A., concernant le guidage ;

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concernant la position 6.1. (« Motorrad-Hebebühne »), le modèle KP 1396 proposé aurait une capacité de 600 kg pour 500 kg demandés, et non de 400 kg comme il serait reproché, la partie arrière étant bien prévue et la fonction demandée garantie ;

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concernant la position 6.4.

(« Reifenmontiermaschine für Motorräder »), le modèle G820 proposé avec les accessoires G84AZA répondrait aux exigences du cahier des charges, soit de 8 à 23 pouces.

En conclusion, elle sollicite l’annulation pour respectivement excès de pouvoir, violation de la loi ou détournement de pouvoir.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement rétorque que les motifs de rejet seraient bien fondés.

Il estime que la demanderesse ferait « entièrement abstraction de l’argument pourtant le plus important de l’exclusion » de son offre, à savoir le reproche basé sur ce que « le bureau d’études de génie civil STINTEC S.A. a précisé dans son rapport d’analyse du dossier que, pour des raisons économiques, la firme E. a dissocié l’origine des éléments de façade et des éléments préfabriqués de l’ossature (poutres, colonnes, dalles ) ce qui est contraire aux clauses énoncées dans le cahier des charges ». Il aurait en effet été clairement stipulé au chapitre 6 du bordereau de soumission relatif aux travaux de structure précontrainte et préfabriqué du lot gros œuvre que « tous les éléments préfabriqués en béton armé et précontraints doivent provenir de la même usine », l’explication relativement à pareille exigence résidant dans le souci de diminuer le risque d’erreur dans la transmission des informations relatives aux assemblages reliant ces éléments entre eux, d’une part, de garantir l’obtention du « type le plus adéquat » pour ce qui concerne le mode d’assemblage, d’autre part, et de permettre la réalisation en cours de chantier d’une adaptation du mode d’assemblage, spécialement le long des murs des bâtiments existants où subsisteraient fréquemment des inconnus.

Le délégué entend encore apporter différentes précisions relativement aux non-

conformités techniques contestées par la société E. S.A., à savoir que :

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les pièces produites concernant les positions 1.4 et 3.2 du cahier des charges, qui ne renseigneraient d’ailleurs ni date, ni entête, seraient en contradiction avec les informations techniques recueillies par le bureau d’études ;

-

contrairement à l’argumentation de la partie adverse, le guidage par « Rollenlager » constituerait un équipement standard auprès de la plupart des fabricants dont même RAVAGLIOLI (HOFMANN, CONSUL, SLIFT, MAHA, ZIPPO, …) et le modèle correspondant du fabricant Ravaglioli serait le type KPN345 W, pourtant non offert.

L’emploi du système par glissières pourrait entraîner des dysfonctionnements au cours des années, ce pourquoi les fabricants mentionnés ci-dessus auraient changé leur production sur ce point ;

-

lorsque le cahier des charges requiert une commande par « Sprachsteuerug », ce ne serait pas un programme « multilangue » qui serait exigé, mais la possibilité de pouvoir donner des commandes à l’aide d’un microphone, caractéristique que le modèle TD 1780 ne remplirait pas ;

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le cahier des charges précisant : « Der Anbieter soll sein Konzept, sowie Rohrsystem, Material, Sonden und sonstiges Material unterbreiten », de sorte que l’offre de la demanderesse serait donc incomplète sur ce point et le bureau d’études se serait trouvé dans l’impossibilité de faire une quelconque évaluation de cette position ;

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concernant la position 6.1., l’Etat admet qu’il y a une erreur de la part du bureau d’études concernant cette position, le modèle KP 1396 disposant effectivement d’une capacité de 600 kg ;

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il serait vrai qu’en ajoutant l’accessoire G84AZA au modèle G820, ce dernier deviendrait conforme au cahier des charges, cependant cet accessoire n’aurait cependant pas été mentionné dans l’offre et n’aurait donc pas pu être pris en compte lors de l’évaluation.

Dans sa réplique, la société E. S.A. revient plus particulièrement quant au motif de la dissociation de l’origine des éléments de façade et celle des éléments préfabriqués de l’ossature.

Elle relève que la clause contenue au chapitre 6 du bordereau de soumission et disposant que « tous les éléments préfabriqués en béton armé et précontraint devront provenir de la même usine. Cette usine devra se prévaloir d’une expérience d’au moins 20 ans dans les domaines concernés (…) » serait « totalement discriminatoire » dans la mesure où il n’existerait qu’un seul producteur pouvant se prévaloir de 20 ans d’expérience dans le domaine, à savoir la société RONVEAUX et soutient que la principale cause d’exclusion de son offre reposerait donc sur une clause du cahier des charges qui ne saurait lui être opposée.

Elle fait encore ajouter qu’outre sa nature discriminatoire, ladite clause aurait encore été appliquée de manière discriminatoire, « puisque la requérante avait formulé une offre sur base de deux propositions différentes, et fourni une liste non-exhaustive de fournisseurs possibles ». Or, cette formulation « ouverte » de son offre aurait permis que l’administration exige « le choix du fournisseur RONVEAUX ».

Enfin, sous ce rapport elle fait état de ce que la société RONVEAUX aurait déjà travaillé avec l’architecte qui a rédigé le cahier des charges, circonstance qu’elle estime « susceptible de donner un éclairage sur les raisons de la rédaction d’une clause qui est de nature discriminatoire et qui plus est a reçu une application discriminatoire ».

Concernant les positions 1.4 et 3.2 du cahier des charges, la demanderesse admet qu’il y a une contradiction entre les données figurant sur le site Internet de la société RAVAGLIOLI et les données figurant sur les tarifs de cette société et précise que ladite société lui aurait confirmé par téléphone que les données du site Internet n’étaient pas à jour et que seules les données figurant sur les tarifs étaient contractuelles, de sorte qu’il conviendrait de se référer exclusivement aux capacités figurant sur les catalogues de la société RAVAGLIOLI, selon lesquels, les produits RAV 602 et RAV 604 possèderaient bien une capacité de 4000 kg.

Quant au modèle KPN345 W de RAVAGLIOLI et l’affirmation qu’il possèderait un guidage par « Rollenlager », elle serait erronée, le modèle KPN345 W n’étant pas équipé d’un galet de guidage, mais de glissières classiques.

Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement conteste le caractère discriminatoire de la clause contenue dans le chapitre 6 du bordereau et portant exigence que tous les éléments préfabriqués en béton armé et précontraints doivent provenir d’une même usine disposant d’une expérience d’au moins 20 ans dans les domaines concernés.

Selon le délégué, la société RONVEAUX ne serait nullement la seule société remplissant les critères exigés par le cahier des charges. Ainsi, à titre d’exemples, les soumissionnaires W. et I. GmbH auraient présenté des produits conformes provenant d’autres producteurs ; la société WEILER-BAU LUX employant notamment des éléments préfabriqués par W. GmbH et l’offrant I. proposant le fournisseur WO. GmbH & Co. Kg.

Par rapport au reproche d’une application discriminatoire de ladite clause, le représentant étatique, d’une part, conteste que la formulation de l’offre de la demanderesse aurait été laissée ouverte, relevant qu’il aurait été clairement spécifié dans son offre que « nous avons dissocié les fournitures de façade des fournitures de poteaux et poutres (…) », de sorte que bien que les liste des fournisseurs pour poutres, poteaux et dalles proposés serait non-limitative, il serait clair que la société E. S.A. n’avait pas l’intention de recourir à la société RONVEAUX pour la fourniture des poutres, colonnes et dalles et, d’autre part, même à admettre que l’on puisse considère l’offre de la demanderesse comme étant ouverte, elle devrait être écartée, au motif que toute offre recevable doit être l’expression ferme, précise et définitive de volonté du soumissionnaire qui ne nécessite plus que l’acceptation du pouvoir adjudicateur pour que le contrat soit formé.

Le délégué relève encore que si l’Etat devait admettre qu’il résulte du catalogue officiel de RAVAGLIOLI que les produits RAV 602 et RAV 604 sembleraient être conformes au cahier des charges, toujours serait-il que les autres non-conformités détaillées concernant les positions 3.1, 3.1.A et 5.4 (« Zwei-Säulen-Hebebühnen ») ; 3.3 (« Achsvermessungssystem ») ; 3.8 et 3.9 (« Frischöl Management System » et « Ölentsorgung ») et 6.4 (« Reifenmontiermaschine für Motorräder ») subsisteraient, de sorte que l’écartement de l’offre de la demanderesse resterait justifiée en ces points.

Etant donné qu’en présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n'est pas lié par l'ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l'effet utile s'en dégageant (trib. adm. 27octobre 1999, n°s 11231 et 11232 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Procédure contentieuse, n° 376), le tribunal procédera en premier lieu à l’analyse des reproches adressés à l’égard du motif de non-conformité de l’offre de la société E. S.A., qualifié en substance par les parties à l’instance comme le principal motif de refus de ladite offre, tiré de ce que le soumissionnaire E. S.A. aurait dissocié, contrairement aux exigences du cahier des charges, l’origine des éléments de façade et des éléments préfabriqués de l’ossature dans le cadre des travaux de structure précontrainte et préfabriqué du lot gros œuvre.

Le chapitre 6. du bordereau de soumission sub. « Travaux de structure précontrainte et préfabriquée » exige expressément que « tous les éléments préfabriqués en béton armé et précontraint devront provenir de la même usine. Cette usine devra se prévaloir d’une expérience d’au moins 20 ans dans les domaines concernés et disposera d’un système de certification ISO 9001 garantissant la qualité et la régularité de la production. (…) ».

La demanderesse critique en premier lieu le caractère prétendument discriminatoire de cette exigence.

Il convient de rappeler que les règles de preuve en matière administrative font porter l’essentiel du fardeau de la preuve au demandeur, lorsqu’il reproche à l’autorité administrative d’avoir détourné ou abusé de ses pouvoirs.

En l’espèce, la demanderesse soulevant le reproche de favoritisme, il lui incombe donc de démontrer le caractère discriminatoire de l’exigence querellée dont elle soutient en substance qu’elle rompe l’égalité de traitement des soumissionnaires.

Or, force est de constater que la partie demanderesse reste en défaut de rapporter des éléments de preuve concerts et tangibles à l’appui de ses allégations, alors que les explications fournies par le pouvoir adjudicateur relativement aux nécessité et justification de l’exigence litigieuse paraissent plausibles.

Quant à ce manque de preuve, il convient de relever que les pièces produites en cause ne sont pas de nature à sous-tendre le reproche que l’exigence impliquerait une exclusion de toute autre société que la société RONVEAUX. Autrement dit, il n’est pas démontré à suffisance de droit que le cahier des charges ne serait pas neutre et que le degré de précision de l’exigence impliquerait qu’un producteur déterminé était pour ainsi dire désigné, à l’exclusion de toute autre, qui s’écarterait nécessairement des spécifications exigées par le maître de l’ouvrage. - Dans ce contexte, les pièces produites en cause n’établissent notamment pas que les deux sociétés dont le délégué du gouvernement a fait état ne seraient pas en mesure de satisfaire aux exigences de la disposition litigieuse. Plus particulièrement encore, même abstraction faite de ce que le contraire ne serait pas en lui-seul la preuve du caractère discriminatoire allégué, il y a lieu de relever que le libellé de la lettre du 7 avril 2005 émanant de la société W. GmbH & Co. Kg, en l’occurrence une réponse à une demande d’offre lui adressée par la société E.

S.A. dans le cadre de laquelle elle déclare « Die Sandwichplaten können wir Ihnen anbieten, jedoch nicht vorgespannt », produite en cause par la demanderesse à l’appui de son reproche, ne permet pas d’en dégager avec certitude une impossibilité complète de cette société d’avoir été en mesure de livrer des éléments de façade en béton précontraint dans le cadre du marché litigieux.

Il y a lieu d’ajouter à ces considérations qu’en tout état de cause, la clause litigieuse n’a nullement porté préjudice aux droits de la demanderesse, dès lors que sur question afférente posée par le tribunal, elle reconnaît expressément avoir été en mesure de proposer le produit de la société RONVEAUX et ainsi, présenter une offre conforme aux stipulations techniques imposées.

Il convient encore d’ajouter que la société E. S.A. ne saurait pas non plus être suivie en ce qu’elle conteste en quelque sorte la matérialité du non-respect de l’exigence posée au chapitre 6, soutenant que son offre aurait été suffisamment ouverte pour permettre au maître de l’ouvrage d’exiger un autre produit que celui offert, le raisonnement du délégué du gouvernement devant au contraire être adopté en ce qu’il relève l’absolue nécessité du caractère ferme des offres. Admettre le contraire impliquerait en effet l’admission de négociations entre soumissionnaire/adjudicataire et le pouvoir adjudicateur, alors que pareilles négociations sont strictement condamnables en raison de leur contrariété avec le principe de l’égalité de traitement de tous les soumissionnaires.

Par conséquent, la non-conformité étant avéré et suffisante, le tribunal arrive à la conclusion que le rejet de l’offre de la société E. S.A. a été justifié par le fait de la dissociation prohibée par le cahier des charges de l’origine des éléments de façade et des éléments préfabriqués de l’ossature dans le cadre des travaux de structure précontrainte et préfabriqué du lot gros œuvre et - sans qu’il y ait encore lieu d’examiner les matérialité ou importance des autres non-conformités mises en avant par le commettant et les moyens et reproches y afférents -, le ministre compéter a donc légalement pu rejeter l’offre de la demanderesse sur base de ce motif.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours n’est pas justifié et que la partie demanderesse doit en être déboutée.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

rejette la demande du délégué du gouvernement de mise en intervention de la firme C. ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne la partie demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président M. Schroeder, premier juge M. Spielmann, juge et lu à l’audience publique du 20 juin 2005 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Campill 13


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 18790
Date de la décision : 20/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-06-20;18790 ?

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