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16/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19036

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 juin 2005, 19036


Numéro 19036 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 décembre 2004 Audience publique du 16 juin 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Transports en matière de permis à points

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 19036 du rôle, déposée le 17 décembre 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Richard STURM, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’

Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à l’annulat...

Numéro 19036 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 décembre 2004 Audience publique du 16 juin 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Transports en matière de permis à points

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 19036 du rôle, déposée le 17 décembre 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Richard STURM, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du ministre des Transports du 29 septembre 2004 portant retrait de « 10 points » du capital dont est doté son permis de conduire;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 janvier 2005;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Richard STURM et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Par jugement du tribunal correctionnel de Luxembourg du 14 juin 2004, Monsieur …, préqualifié, a été condamné pour avoir été convaincu d’avoir commis les infractions suivantes :

« Etant conducteur d’un véhicule automoteur sur la voie publique, I) le 27.02.2004 vers 23.50 heures, à Luxembourg, route de Longwy, 1) d’avoir circulé avec un taux d’alcool d’au moins 0,55 mg/l par litre d’air expiré, en l’espèce de 0,67 mg/l, 2) dépassement de la vitesse de 50 km/h à l’intérieur d’une agglomération en l’espèce d’avoir circulé à une vitesse de 79 km/h ;

II) le 28.02.2004 vers 01.13 heures, dans la rue de la Gare à Capellen, continuant dans la rue de la Gare et circulant en direction de Holzem, 1) d’avoir circulé avec un taux d’alcool d’au moins 0,55 mg par litre d’air expiré, en l’espèce de 0,62 mg/l, 2) défaut de se comporter raisonnablement et prudemment de façon à ne pas constituer un danger pour la circulation, 3) inobservation d’une distance suffisante, par rapport aux circonstances, entre son véhicule et celui qui le précède pour éviter toute collision en cas de ralentissement brusque du véhicule qui précède, 4) défaut de maintenir son véhicule à une distance suffisante du bord de la chaussée de manière à ne pas occasionner une gêne aux personnes au-delà de la chaussée, 5) franchissement d’une ligne de sécurité ».

Le dit jugement a retenu que les infractions énoncées sub I.1) et I.2), et de même que celles énoncées sub II.1) à II.5) se trouvent en concours idéal et que ces deux groupes d’infractions se trouvent en concours réel et fit dès lors application des articles 60 et 65 du Code pénal. Monsieur … fut ainsi condamné du chef de toutes ces infractions à une amende de 2.500.- €, ainsi qu’à deux interdictions de conduire d’une durée de 16 respectivement 20 mois, assorties du sursis partiel à l’exécution de 24 mois de cette interdiction de conduire cumulée, les trajets professionnels étant exceptés des 12 mois restants de cette interdiction de conduire.

Par décision du 29 septembre 2004, le ministre des Transports, ci-après désigné par le « ministre », procéda, sur base du prédit jugement, au retrait de 8 points du capital de points dont est doté le permis de conduire de Monsieur …. La décision est de la teneur suivante :

« Conformément aux dispositions légales régissant le permis à points, je tiens à vous informer que 8 points ont été retirés du capital dont est doté votre permis de conduire pour les 3 infractions suivantes au Code de la Route.

Libellé de l’infraction :

Inobservation de la limite de vitesse de 50 km/h à l’intérieur d’une agglomération – le dépassement étant supérieur à 15 km/h Nombre de points déduits : 2 Date du fait :

27.02.2004 23.50 Lieu du fait : LUXEMBOURG ROUTE DE LONGWY

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Libellé de l’infraction :

Avoir circulé avec un taux d’alcool d’au moins 0,55 mg par litre d’air expiré Nombre de points déduits : 4 Date du fait :

27.02.2004 23.50 Lieu du fait : LUXEMBOURG ROUTE DE LONGWY

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Libellé de l’infraction :

Avoir circulé avec un taux d’alcool d’au moins 0,55 mg par litre d’air expiré Nombre de points déduits : 4 Date du fait :

28.02.2004 01.13 Lieu du fait : CAPELLEN RUE DE LA GARE, ENDIRECTION DE HOLZEM Instance judiciaire : Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, chambre correctionnelle Date de la décision judiciaire : 14.06.2004 Date à laquelle la décision judiciaire est devenu irrévocable : 27.07.2004 En vertu de l’article 2bis de la loi modifiée du 14 février 1955, en cas de concours idéal d’infractions, seule la réduction de points la plus élevée est appliquée. En cas de concours réel, la réduction de points se cumule dans la limite de 6 points, lorsqu’il s’agit exclusivement de contraventions, et dans la limite de 8 points, lorsqu’il y a au moins un délit parmi les infractions retenues.

Par ailleurs, je me permets de vous rappeler que le capital de points dont est doté votre permis de conduire a déjà été réduit suite aux avertissements taxés suivants :

Libellé de l’infraction :

Défaut pour un conducteur de porter la ceinture de sécurité de façon réglementaire Nombre de points déduits : 1 Date du fait :

15.04.2003 11.31 Lieu du fait : Luxembourg Date du paiement :

18.04.2003 BD P. DUPONG

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Libellé de l’infraction :

Inobservation de la limite de vitesse de 50 km/h à l’intérieur d’une agglomération – le dépassement étant supérieur à 15 km/h Nombre de points déduits : 2 Date du fait :

22.04.2004 02.25 Lieu du fait : DIPPACH Date du paiement :

29.04.2004 RUE DE LUXEMBOURG Nombre de points restants : 1 Une reconstitution de 3 points pourra vous être accordée, une fois dans un délai de trois ans, après avoir participé à un cours de formation complémentaire au Centre de Formation pour Conducteurs à Colmar-Berg (tél. : 85 82 85-1) sans que pour autant le capital de points de votre permis puisse excéder 12 points.

La présente est susceptible d’un recours en annulation devant le Tribunal administratif, à exercer par le ministère d’avocat inscrit endéans les trois mois à partir du jour de la notification de la présente ».

Par requête déposée le 17 décembre 2004, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation, sinon en réformation à l’encontre de la décision préindiquée du 29 septembre 2004.

Alors même que le demandeur ne conclut qu’en ordre subsidiaire à la réformation de la décision ministérielle critiquée, le tribunal est tenu d’examiner d’abord si un recours au fond est admis en la matière sous rubrique, étant donné que l’existence d’une telle voie de recours entraînerait l’irrecevabilité du recours principal en annulation.

Aucune disposition légale n’instaurant un recours au fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation. Le recours principal en annulation est par contre recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il y a lieu de relever liminairement que c’est à juste titre que le délégué du gouvernement précise que, contrairement aux développements contenus dans la requête introductive d’instance, la décision incriminée du 29 septembre 2004 opère en réalité un retrait non pas de 10 points, mais seulement de 8 points. En effet, même si ladite décision énumère trois infractions comme étant à la base du retrait de points incriminé et retient que chacune d’elle donne lieu à un retrait de 2 respectivement 4 points, il n’en reste pas moins que la même décision précise en caractère gras « que 8 points ont été retirés » du capital dont le permis de conduire du demandeur est assorti. Le moyen du demandeur quant à l’illégalité d’un retrait de 10 points est partant à écarter comme n’étant pas pertinent.

A l’appui de son recours, le demandeur soutient d’abord que la décision ministérielle ne respecterait pas le principe « non bis in idem », au motif que suite aux infractions par lui commises les 27 et 28 février 2004, il aurait déjà fait l’objet des condamnations prononcées par le jugement correctionnel prévisé du 14 juin 2004.

Quant à ce moyen, lequel est apparemment fondé sur l'article 4 du Protocole n° 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, force est d’abord de relever qu’il est vrai que dans un arrêt du 23 septembre 1998 (arrêt Malige c/ France du 23 septembre 1998, n° 68/1997/852/1059, JCP 1998, II, 10086, note F. Sudre), la Cour européenne des droits de l'homme a retenu que la réglementation française du permis à points, sur laquelle la loi luxembourgeoise est calquée largement, est susceptible de tomber dans la matière pénale et de relever à ce titre de la Convention européenne des droits de l'homme.

La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme ne fournit pas, cependant, à l'heure actuelle, des éléments suffisants pour affirmer que le fait de se voir retrancher des points du permis et celui de se voir infliger une interdiction judiciaire de conduire violerait la règle non bis in idem. Il est vrai que cette règle interdit aux Etats de poursuivre ou de punir pénalement pour une même infraction quiconque a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif, mais ne s'oppose pas à ce que des autorités distinctes connaissent d'infractions différentes issues d'un même fait pénal. Le simple fait qu'un seul acte soit constitutif de plusieurs infractions n'est donc pas contraire à l'article 4 du Protocole n° 7, si ces infractions diffèrent dans leurs éléments essentiels (v. F. Sudre et alii, Les grands arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, Thémis 2003, p. 299).

En l'espèce, les sanctions prononcées d'une part par le tribunal correctionnel et celle découlant du retrait du capital de points dont est doté le permis de conduire sanctionnent en réalité deux comportements différents: le premier sanctionne un comportement, grave il est vrai, mais unique, et le second traite, non seulement d'un point de vue répressif, mais également dans le but de protéger les autres usagers de la route, un comportement habituel, se caractérisant par une accumulation, pendant un certain délai, d'infractions au code de la route dont la fréquence dénote dans son ensemble une inaptitude du conducteur de circuler sur les voies publiques sans constituer pour lui-même et les autres usagers de la route un danger. Le dispositif du permis à points se veut ainsi pédagogique et préventif et tend à responsabiliser les conducteurs en jouant sur deux volets, celui de la dissuasion et celui de la réhabilitation.

Il ne découle donc pas de l’état actuel de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme que le retrait de points du permis de conduire, seule décision déférée au tribunal, qui est en fait la conséquence d'une condamnation par un tribunal répressif, viole le principe non bis in idem inscrit à l'article 4 du Protocole n° 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le demandeur affirme ensuite que dans le jugement prévisé du 14 juin 2004, le tribunal correctionnel a ordonné la jonction des affaires introduites par le parquet et l’a condamné à une seule amende et à une seule interdiction de conduire en retenant pour partie le concours idéal et le concours réel, de manière qu’en application de l’article 2bis de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques, seule la réduction la plus élevée aurait dû être appliquée et que seulement 4 points auraient pu lui être enlevés.

Aux termes de l’article 2bis paragraphe 2, alinéa 3 de ladite loi du 14 février 1955, « en cas de concours idéal d’infractions, seule la réduction de points la plus élevée est appliquée. En cas de concours réel, la réduction de points se cumule dans la limite de 6 points, lorsqu’il s’agit exclusivement de contraventions, et dans la limite de 8 points, lorsqu’il y a au moins un délit parmi les infractions retenues ».

Le jugement du tribunal correctionnel de Luxembourg du 14 juin 2004 énonce à cet égard la motivation suivante :

« Les infractions retenues à charge du prévenu sub I.1) et I.2) se trouvent en concours idéal, de même que les infractions retenues sub II.1) à II.5). Ces deux groupes d’infractions se trouvent en concours réel, de sorte qu’il y a lieu d’appliquer les articles 60 et 65 du Code pénal ».

Il se dégage clairement de cette motivation et du dispositif dudit jugement que le tribunal correctionnel a considéré les deux infractions énoncées sub I.1) et I.2) comme se trouvant entre elles en concours idéal, tout comme il a qualifié les cinq infractions énoncées sub II.1) à II.5) comme se trouvant entre elles en concours idéal, de manière que ladite juridiction a retenu deux blocs distincts d’infractions, lesquels ne se trouvent entre eux non pas en concours idéal, mais en concours réel. Ainsi, si les deux infractions énoncées sub I.1) et I.2) prises ensemble ne peuvent donner lieu, conformément à l’article 2bis paragraphe 2, alinéa 3 de ladite loi du 14 février 1955, qu’à une réduction de points unique, tout comme les cinq infractions énoncées sub II.1) à II.5), il n’en reste pas moins que ces deux blocs d’infractions peuvent légalement donner lieu à une réduction de points cumulée du fait de leur concours seulement réel. Etant donné que chacun des deux blocs d’infractions comporte un délit retenu à charge du demandeur, cette réduction de points cumulée est plafonnée à 8 points.

Il s’ensuit que la décision ministérielle incriminée du 29 septembre 2004, ayant opéré, conformément aux développements ci-avant, en réalité un retrait non pas de 10 points, mais seulement de 8 points, a fait une application correcte des dispositions légales applicables et que le moyen afférent du demandeur laisse d’être fondé.

N’étant justifié en aucun de ses moyens, le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond, le déclare non justifié, partant en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. CAMPILL, vice-président, M. SCHROEDER, premier juge, M. SPIELMANN, juge, et lu à l’audience publique du 16 juin 2005 par le vice-président en présence de M.

LEGILLE, greffier.

s. LEGILLE s. CAMPILL 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19036
Date de la décision : 16/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-06-16;19036 ?

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