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15/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19926

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 juin 2005, 19926


Tribunal administratif Numéro 19926 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 juin 2005 Audience publique du 15 juin 2005 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19926 du rôle et déposée le 9 juin 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Audrey HINCKEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur

…, né le …, de nationalité brésilienne, demeurant à L-…, actuellement retenu au Centre d...

Tribunal administratif Numéro 19926 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 juin 2005 Audience publique du 15 juin 2005 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19926 du rôle et déposée le 9 juin 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Audrey HINCKEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité brésilienne, demeurant à L-…, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à l’annulation d'une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 1er juin 2005 instituant à son égard une mesure de placement pour la durée maximale d'un mois audit Centre de séjour provisoire à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 juin 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Audrey HINCKEL et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l'audience publique du 15 juin 2005.

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Par décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 1er juin 2005, Monsieur … fut placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d'un mois à partir de la notification de ladite décision dans l'attente de son éloignement du territoire luxembourgeois.

Ladite décision repose sur les considérations suivantes:

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu le rapport no 15/351a/05/JOA du 1er juin 2005 établi par la Police grand-ducale, service de police judiciaire, section des étrangers et des jeux ;

Considérant que l'intéressé se trouve en séjour irrégulier au pays ;

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qu'il ne dispose pas de moyens d'existence personnels légalement acquis ;

Considérant que l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Par requête déposée le 9 juin 2005 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation à l'encontre de la décision de placement du 1er juin 2005.

Bien que la loi ait institué un recours en réformation dans la présente matière et que le demandeur ne conclut qu’à la seule annulation de la décision attaquée, le recours est néanmoins recevable dans la mesure des moyens de légalité invoqués, dès lors qu’il a observé les délais et règles de procédure dans lesquels son recours contentieux a dû être introduit (cf. trib. adm. 3 mars 1997, n° 9693 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Recours en réformation, n° 2, et les autres références y énoncées).

A l’appui de son recours, le demandeur soulève l’illégalité de la décision litigieuse pour être « la conséquence d’une erreur manifeste d’appréciation », au motif qu’il n’aurait pas « connaissance de sa situation » et qu’il aurait fait « confiance à son employeur, ce dernier lui ayant toujours promis de régulariser sa situation » et que pour lui « tout était en ordre ». Il ajoute encore disposer de moyens d’existence personnels suffisants lui provenant en rémunération de son activité auprès dudit employeur, un restaurateur établi à Luxembourg-Ville.

Dans un deuxième ordre d’idées, relevant qu’il « vit à Luxembourg entouré de ses sœurs » et qu’il n’aurait jamais essayé de se soustraire aux autorités luxembourgeoises, le demandeur soutient encore que l’existence d’un danger de fuite dans son chef ne serait pas établie.

En ce qui concerne le premier moyen d’annulation en substance tiré de ce que les conditions légales pour ordonner une mesure de placement ne seraient pas remplies en l’espèce, il y a lieu de relever qu’il ressort de l’article 15, paragraphe (1) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l'entrée et le séjour des étrangers; 2. le contrôle médical des étrangers; 3. l'emploi de la main-d'œuvre étrangère, que lorsque l’exécution d’une mesure d’expulsion ou de refoulement en application des articles 9 et 12 de la même loi est impossible en raison de circonstances de fait, l’étranger peut, sur décision du ministre compétent, être placé dans un établissement approprié à cet effet pour une durée d’un mois.

Il en découle qu’une décision de placement au sens de la disposition précitée présuppose une mesure d’expulsion ou de refoulement légalement prise, ainsi que l’impossibilité d’exécuter cette mesure.

Il est constant qu’en l’espèce, la mesure de placement n’est pas basée sur une décision d’expulsion ou d’éloignement explicite, mais qu’elle repose sur l’article 12 de la loi précitée du 28 mars 1972, prévoyant qu’une mesure de refoulement peut être prise « sans autre forme de procédure que la simple constatation du fait par un procès-verbal » à l’égard d’étrangers non autorisés à résidence (…) 2. qui ne disposent pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour (…) 4. qui ne sont pas en possession des papiers de légitimation prescrits et de visa si celui-ci est requis (…). » - Il convient d’ajouter que s’il est vrai qu’en général, la décision de refoulement à la base d’une mesure de placement ne se confond pas avec cette dernière et que l’examen de la légalité de la première relève d’une action spécifique intentée à son encontre, pareille analyse ne saurait être suivie lorsque la décision de refoulement n’a pas connu de matérialisation explicite, cas de figure requérant un examen - dans le cadre du recours dirigé contre la décision de placement - du respect des conditions légales telles que fixées par la loi sur base desquelles une mesure de refoulement a valablement pu être prise. Admettre dans pareil cas de figure le contraire impliquerait en effet une singulière remise en cause de l’efficacité des voies de recours.

Ceci étant, force est de constater que dans la mesure où Monsieur … n’a pas été titulaire d’une autorisation de séjour au pays et qu’à défaut d’avoir été titulaire d’un permis de travail délivré en bonne et due forme, il ne saurait invoquer les revenus perçus par lui du chef de son occupation illégale d’un emploi au Grand-Duché de Luxembourg pour justifier l’existence de moyens personnels suffisants légalement acquis pour supporter ses frais de séjour au pays, l’intéressé remplissait dès lors en date du 1er juin 2005 les conditions légales telles que fixées par la loi sur base desquelles une mesure de refoulement a valablement pu être prise à son encontre.

Dans ce contexte, même abstraction faite de ce que le demandeur se contredit en soutenant ne pas avoir été conscient de l’illégalité de sa situation, tout en argumentant qu’il pensait que son employeur allait s’occuper de sa « régularisation », nul n’est censé ignorer la loi et le demandeur ne saurait être suivi en ce qu’il invoque sa prétendue ignorance de sa situation illégale.

Il convient encore d’examiner le moyen tiré du défaut d’existence d’un danger de soustraction à la mesure d’éloignement dans le chef du demandeur.

Dans ce contexte, il convient de relever de prime abord que le demandeur rentre directement dans les prévisions de la définition des « retenus », telle que consacrée à l’article 2 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière et modifiant le règlement grand-ducal du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne de l’établissement pénitentiaire, et que la mise en place d’un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière repose précisément sur la prémisse qu’au-delà de toute considération tenant à une dangerosité éventuelle des personnes concernées, celles-ci, eu égard au seul fait de l’irrégularité de leur séjour et de l’imminence de l’exécution d’une mesure d’éloignement dans leur chef, présentent en principe et par essence un risque de se soustraire à la mesure d’éloignement, fût-il minime, de sorte que la rétention de Monsieur … dans ledit Centre de séjour est en l’espèce justifiée dans son principe, ceci afin d’éviter que l’exécution de la mesure prévue ne soit compromise. Cette conclusion n’est pas ébranlée, comme le soutient à juste titre le délégué du gouvernement, par l’affirmation non autrement circonstanciée que l’intéressé serait « entouré de ses sœurs », le risque de soustraction étant au contraire confirmé par la circonstance que le demandeur ne s’est jamais manifesté auprès des autorités luxembourgeoises, mais vit clandestinement au pays depuis une année.

Ainsi, force est de constater que le Centre de séjour provisoire est à considérer comme constituant un établissement approprié au sens de la loi précitée du 28 mars 1972, étant donné que le demandeur est en séjour irrégulier au pays, qu’il n’existe aucun élément qui permette de garantir au ministre compétent sa présence au moment de son éloignement et qu’il ne fait état d’aucun autre élément ou circonstance particuliers justifiant à son égard un caractère inapproprié du Centre de séjour provisoire.

Au vu de l’ensemble des développements qui précèdent, le recours laisse d’être fondé et le demandeur doit en être débouté.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours, dans la mesure des moyens d’annulation soulevés, en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 15 juin 2005 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19926
Date de la décision : 15/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-06-15;19926 ?

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