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15/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19839

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 juin 2005, 19839


Tribunal administratif N° 19839 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 mai 2005 Audience publique du 15 juin 2005

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Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19839 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 mai 2005 par Maître Gilles PLOTTKE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à

Luxembourg, au nom de Mme …, née le … à Brcko (Bosnie-

Herzégovine), de nationalité bosniaque, demeurant ...

Tribunal administratif N° 19839 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 mai 2005 Audience publique du 15 juin 2005

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Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19839 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 mai 2005 par Maître Gilles PLOTTKE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mme …, née le … à Brcko (Bosnie-

Herzégovine), de nationalité bosniaque, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 1er avril 2005 par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié, telle que cette décision a été confirmée par le même ministre le 3 mai 2005, suite à un recours gracieux de la demanderesse ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 mai 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport et Maître Nicolas CHELY, en remplacement de Maître Gilles PLOTTKE, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 10 février 2005, Mme …, accompagnée de sa fille mineure …, introduisit oralement auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Mme … fut entendue le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Elle fut encore entendue le 22 février 2005 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 1er avril 2005, envoyée par lettre recommandée du 4 avril suivant, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration l’informa que sa demande avait été déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, aux motifs que sa demande ne correspond à aucun critère de fond défini par la Convention de Genève et qu’elle n’a pas fait état de persécutions vécues ou d’un risque afférent.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre de son mandataire du 27 avril 2005 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration confirma sa décision initiale le 3 mai 2005.

Par requête déposée le 20 mai 2005, Mme … a fait introduire un recours tendant à l’annulation des décisions précitées du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration des 1er avril et 3 mai 2005.

Le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours, Mme … reproche au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration d’avoir retenu à tort qu’elle n’aurait pas invoqué de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif à la base de sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié, alors que tel aurait été le cas, dans la mesure où ses voisins et d’autres habitants de sa ville d’origine la considéreraient comme la fille d’un traître, en raison du fait que son père, décédé en 1992, aurait combattu dans les rangs serbes, que ses conditions de vie seraient devenues impossibles et qu’elle devrait craindre qu’un retour en Bosnie-Herzégovine l’exposerait à des actes de provocation et de persécution.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse et que son recours laisse d’être fondé.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

Des considérations d’ordre matériel et économique, telle la crainte de difficultés financières, ne constituent pas à elles seules un motif d’obtention du statut de réfugié (trib.

adm. 20 juin 2001, n° 12679 du rôle).

En outre, une demande d’asile basée exclusivement sur des motifs d’ordre personnel et familial ou sur un sentiment général d’insécurité sans faire état d’un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée (trib. adm. 19 juin 1997, n° 10008 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Etrangers, n° 107 et autres références y citées ;

trib. adm. 22 septembre 1999, n° 11508 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Etrangers, n° 105 et autres références y citées).

En l’espèce, au regard des faits et motifs invoqués par la demanderesse à l’appui de sa demande d’asile, tels qu’ils se dégagent du rapport d’audition susvisé du 22 février 2005, force est de constater qu’elle n’a manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance.

En effet, il s’en dégage clairement que le départ de la demanderesse de son pays d’origine est exclusivement motivé par des considérations économiques, (répondant à la question de savoir ce qu’elle sollicite de la part des autorités luxembourgeoises, elle a déclaré : « Je n’ai pas de moyens financiers pour vivre là-bas, ni pour faire étudier ma fille » respectivement questionnée sur les raisons de sa venue au Luxembourg, elle a déclaré : « C’est pour assurer un meilleur avenir à moi et à ma fille. (…) ») et – à la rigueur - un sentiment général d’insécurité au regard de la situation générale régnant dans son pays d’origine, mais sa demande n’est empreinte d’un quelconque des critères de fonds prévus par la Convention de Genève. Ainsi, la demanderesse n’a pas apporté le moindre élément concret et plausible de persécution au sens de la Convention de Genève ou précisé en quoi sa situation particulière ait été telle qu’elle pouvait avec raison craindre qu’elle risquerait de faire l’objet de persécutions au sens de ladite Convention et les considérations mises en avant relativement à de prétendues provocations en raison du fait qu’en 1992, son père aurait combattu du côté serbe, abstraction faite de ce que même à les admettre, il ne saurait s’en dégager une impossibilité de trouver refuge ailleurs dans son pays d’origine, manquent de pertinence au regard de la circonstance, relevée à bon escient par le délégué du gouvernement, que la ville d’origine de la demanderesse est située en République Srpska.

Il se dégage des considérations qui précèdent que la demanderesse est restée en défaut de faire état d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, de sorte que c’est à bon droit que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a déclaré sa demande d’asile manifestement infondée, le recours en annulation étant partant à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation dans la forme ;

au fond, le déclare cependant non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 15 juin 2005 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19839
Date de la décision : 15/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-06-15;19839 ?

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