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15/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19825

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 juin 2005, 19825


Tribunal administratif N° 19825 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 mai 2005 Audience publique du 15 juin 2005 Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19825 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 mai 2005 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avoca

ts à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … (Togo), de nationalité togolaise, demeurant act...

Tribunal administratif N° 19825 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 mai 2005 Audience publique du 15 juin 2005 Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19825 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 mai 2005 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … (Togo), de nationalité togolaise, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration intervenue le 7 mars 2005, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme étant manifestement infondée, ainsi que d’une décision confirmative de refus du même ministre du 14 avril 2005, prise suite à un recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 mai 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 13 juin 2005, Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI, ainsi que Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES s’étant rapportés aux écrits de leurs parties respectives.

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Le 18 janvier 2005, Madame … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le 25 février 2005, elle fut entendue par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 7 mars 2005, notifiée par lettre recommandée expédiée le 9 mars 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration l’informa de ce que sa demande avait été rejetée comme étant manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, au motif qu’elle ne ferait valoir aucune crainte raisonnable de persécution pour une des raisons prévues par la Convention de Genève.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre du 8 avril 2005 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prit une décision confirmative le 14 avril 2005.

Le 18 mai 2005, Madame … a fait introduire un recours en annulation contre les décisions ministérielles précitées.

Il ressort des éléments du dossier que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration s’est basé sur l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire et sur l’article 3 du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996.

L’article 10 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 précitée prévoit expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives, de sorte que le recours en annulation, par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Quant au fond, la demanderesse fait exposer qu’elle aurait quitté son pays parce qu’elle y aurait été exposée à une situation qualifiée de « danger extrême » découlant de son refus d’épouser un homme lui imposé par son père.

Elle précise à ce sujet que son père lui aurait imposé un époux, à savoir un « vieux policier », en paiement de dettes alimentaires contractées par son père envers ce policier, prétendument connu pour avoir tué ses quatre épouses précédentes. Elle relate que ce policier, face à son refus de l’épouser, lui aurait envoyé des hommes armés chargés de la tuer.

Elle estime dès lors faire l’objet de persécutions trouvant leur origine dans une pratique fort répandue au Togo, à savoir les mariages forcés, de sorte que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration aurait fait une mauvaise application de la Convention de Genève et aurait méconnu la réalité et la gravité des motifs de crainte de persécution qu’elle a mis en avant pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié.

Le délégué du Gouvernement estime pour sa part que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse, de sorte que celle-ci serait à débouter de son recours.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par la demanderesse à l’appui de sa demande d’asile dans le cadre de son audition, ainsi qu’au cours des procédure gracieuse et contentieuse, amène le tribunal à conclure qu’elle n’a manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance.

En effet, lors de son audition, telle que celle-ci a été relatée dans le compte rendu figurant au dossier, la demanderesse a affirmé avoir fui le Togo uniquement pour échapper à un mariage arrangé par ses parents avec un homme plus âgé. Elle a précisé à ce sujet avoir été frappée par sa mère avec un bâton afin de la contraindre à accepter ce mariage, et avoir été menacée de mort par son prétendant au cas où elle ne consentirait pas à l’épouser.

Force est partant de constater qu’à sa base, la crainte invoquée par la demanderesse à l’appui du recours est exclusivement d’ordre privé en ce qu’elle se dégage directement de sa relation avec sa propre famille et avec son prétendant, et qu’elle ne trouve de surcroît pas son origine dans la race, la religion, la nationalité, l’appartenance à un groupe social ou les opinions politiques de la demanderesse.

Il s’ensuit que le seul élément concret dont la demanderesse fait état ne permet pas de retenir dans son chef un risque de persécution au sens de la Convention de Genève qui, faut-il le rappeler, ne trouve pas à s’appliquer à toute persécution ou risque de persécution quelconque, mais uniquement en cas de persécution ou de risque de persécution pour des motifs d’ordre ethnique, religieux, de nationalité, social ou politique. C’est partant à juste titre que le ministre a déclaré la demande d’asile sous analyse comme étant manifestement infondée.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours formé par la demanderesse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 15 juin 2005 par :

Mme Lamesch, juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lamesch 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19825
Date de la décision : 15/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-06-15;19825 ?

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