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15/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19532

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 juin 2005, 19532


Tribunal administratif N° 19532 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 mars 2005 Audience publique du 15 juin 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19532 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 mars 2005 par Maître Philippe STROESSER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des

avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, né le … (Gambie), de nationalité gambienne, ac...

Tribunal administratif N° 19532 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 mars 2005 Audience publique du 15 juin 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19532 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 mars 2005 par Maître Philippe STROESSER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, né le … (Gambie), de nationalité gambienne, actuellement détenu au Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, tendant à la réformation et sinon à l’annulation d’une décision du 16 novembre 2004 du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, déclarant sa demande en obtention du statut de réfugié non fondée, ainsi que contre une décision de refus du même ministre, du 21 février 2005, suite à un recours gracieux introduit le 3 février 2005 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 mai 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Philippe STROESSER et Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 juin 2005.

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Le 4 avril 2003, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Monsieur … fut entendu en date du 15 juillet 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande.

Par décision datant du 16 novembre 2004, lui notifiée en mains propres le 5 janvier 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, entre-temps en charge du dossier, l’informa de ce que sa demande avait été rejetée comme étant non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, au motif qu’il ne ferait valoir aucune crainte raisonnable de persécution pour une des raisons prévues par la Convention de Genève.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre du 3 février 2005 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prit une décision confirmative le 21 février 2005, notifiée à Monsieur … en date du 10 mars 2005.

Monsieur … a fait introduire par requête déposée en date du 22 mars 2005 un recours contentieux tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des décisions ministérielles précitées.

Le délégué du Gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours subsidiaire en annulation au motif que seul un recours au fond est prévu par la loi en la matière.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1.

d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître en tant que juge du fond de la demande introduite contre les décisions ministérielles déférées. Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Le recours en annulation, formulé à titre subsidiaire, est pour sa part irrecevable.

A l’appui de son recours, le demandeur affirme avoir fait l’objet de persécutions en Gambie suite à une bagarre entre divers partis politiques en octobre 2002, et avoir notamment été emprisonné pendant 4 mois ; il conteste dès lors l’appréciation de son récit faite par le ministre et estime que ses déclarations rendraient les faits avancés pour obtenir la protection prévue par la Convention de Genève « plausibles, précis et suffisamment précis ».

Le délégué du Gouvernement estime pour sa part que le ministre a fait une saine appréciation de la situation et de la crédibilité du demandeur, de sorte que celui-ci serait à débouter de son recours.

Le délégué du Gouvernement relève en particulier le défaut de crédibilité du récit du demandeur, en soulignant que « selon de récents renseignements » le demandeur serait connu des autorités suisses et françaises en tant que demandeur d’asile, sous d’autres identités que celle déclarée au Luxembourg.

Le tribunal tient à relever à titre liminaire que les décisions ministérielles litigieuses, outre d’être motivées quant au fond par la considération que les motifs de persécution invoqués par le demandeur ne sauraient pas, de par leur nature, être utilement retenus pour justifier une demande en obtention du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève, sont d’abord basées sur le constat d’un défaut de crédibilité et de cohérence au niveau du récit présenté par le requérant à l’appui de sa demande, le ministre, dans sa décision initiale, ayant fait état à cet égard de toute une série d’incohérences et d’éléments mettant en doute la crédibilité des déclarations du requérant.

Il échet encore de relever qu’il ressort tant du mémoire en réponse de la partie étatique que du dossier administratif, et plus particulièrement d’un rapport de la section stupéfiants de la police grand-ducale que le demandeur séjournait sous l’identité de « …», de nationalité libérienne, en février 1995 à Zurich (Suisse), et sous le nom de « …», de nationalité gambienne, en mars 2003 à Schaffhausen (Suisse) et en avril 2003 à Bâle (Suisse) et à Mulhouse (France).

Force est cependant au tribunal de constater que le demandeur se prévaut pourtant, tant dans le cadre de la procédure administrative que dans celui de la procédure contentieuse, de faits, qualifiés de persécutions au sens de la Convention de Genève, qu’il aurait vécus en Gambie d’octobre 2002 à fin février 2003, en l’occurrence son emprisonnement dans une prison de l’Etat gambien, faits qui auraient justifié sa fuite vers l’Europe, et plus précisément le Luxembourg, où il serait arrivé le 3 avril 2003, après un voyage en bateau d’environ un mois.

Or il résulte du dossier administratif à disposition du tribunal que le demandeur se trouvait au moment de son prétendu périple en bateau en fait d’ores et déjà en Europe.

Force est encore de constater que le demandeur a affirmé, dans le cadre de son audition, ne jamais avoir été précédemment dans un autre pays d’Europe, ni n’avoir antérieurement demandé l’asile, et ce malgré le fait qu’il ressort à l’exclusion de tout doute des pièces versées en cause que le demandeur a vécu précédemment de septembre 1991 à juillet 1993 en tant que demandeur d’asile en Allemagne.

Il est encore constant que le demandeur, confronté aux contradictions et invraisemblances précitées, n’a pas fourni d’explications cohérentes y relatives.

Or il appartient à un demandeur d’asile, à défaut de pièces, de présenter du moins un récit crédible et cohérent. En l’espèce cependant, à partir des éléments ci-avant relatés, à savoir du caractère manifestement incrédible du récit du demandeur, constellé d’incohérences et de contradictions, le tribunal est amené à constater que les déclarations et le récit du demandeur n’emportent pas sa conviction quant aux persécutions ou craintes de persécutions alléguées, de sorte que le ministre a valablement pu retenir que le demandeur n’a pas fait état, de façon crédible, de persécutions vécues ou de craintes au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef.

Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours en annulation irrecevable, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 15 juin 2005 par :

Mme Lamesch, juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lamesch 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19532
Date de la décision : 15/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-06-15;19532 ?

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