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15/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19474

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 juin 2005, 19474


Tribunal administratif N° 19474 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 mars 2005 Audience publique du 15 juin 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19474 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 mars 2005 par Maître Gilles PLOTTKE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des a

vocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Sierra Leone), de nationalité sierra léon...

Tribunal administratif N° 19474 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 mars 2005 Audience publique du 15 juin 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19474 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 mars 2005 par Maître Gilles PLOTTKE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Sierra Leone), de nationalité sierra léonaise, demeurant actuellement à L- .., tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 24 janvier 2005 déclarant sa demande en obtention du statut de réfugié non fondée, ainsi que d’une décision confirmative rendue sur recours gracieux par le même ministre en date du 21 février 2005 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 mai 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif par Maître Gilles PLOTTKE le 3 juin 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 13 juin 2005, en présence de Maître Radu DUTA en remplacement de Maître Gilles PLOTTKE et de Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES qui se sont rapportés aux écrits de leurs parties respectives.

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Le 8 mars 2004, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Il fut encore entendu en date des 7 et 28 juillet 2004 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande.

Par décision du 24 janvier 2005, notifiée par voie de courrier recommandé expédié le 27 janvier 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, entre-temps en charge du dossier informa Monsieur … de ce que sa demande avait été rejetée comme non fondée de sorte qu’il ne saurait bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. Le ministre remarqua premièrement que selon ses renseignements il a quitté illégalement le territoire luxembourgeois pour se rendre en France et où il a déclaré auprès des autorités françaises un autre nom et une autre date de naissance et enfin une autre nationalité, de sorte que des doutes sérieux doivent être émis au sujet de son identité. En deuxième lieu, le ministre releva qu’il est confirmé que Monsieur … a délibérément menti quant à son âge puisque le certificat médical daté du 25 juin 2004 atteste qu’il n’est pas mineur et qu’il est beaucoup plus âgé que l’âge qu’il indique. En troisième lieu, le ministre souligne que le récit tel que relaté par Monsieur … se trouve être peu convaincant, dans la mesure où dans la seconde audition il a annoncé avoir des problèmes avec les membres d’une société sans être en mesure de donner le nom de cette société ni d’apporter des détails la concernant. En plus, au niveau des dates indiquées dans les auditions, il se révèle qu’il aurait dû demander l’asile au Luxembourg environ en 2002 or ce n’est qu’en mars 2004 qu’il y a présenté une demande d’asile. Enfin, en ce qui concerne les déclarations à propos du voyage effectué celles-ci diffèrent de celles du rapport du service de police judiciaire notamment au sujet du coût et de son arrivée en Europe à propos de son voyage en bus. Le ministre conclut que ces remarques entraînent de sérieux doutes quant à la crédibilité de son récit. Ce n’est qu’en dernier lieu que le ministre prend position par rapport au fond de la demande d’asile pour arriver à la conclusion que les faits allégués par Monsieur … ne correspondent à aucun des critères de fonds définis par la Convention de Genève.

Suite à un recours gracieux introduit par le mandataire de Monsieur … par courrier du 8 février 2005, le ministre prit une décision confirmative datée du 21 février 2005 qui lui fut notifiée par courrier recommandé expédié le 22 février 2005. Dans le cadre de ce recours gracieux le mandataire de Monsieur … ne prend aucunement position sur les mensonges et contradictions expressément soulignés par le ministre pour n’aborder que le fond de la demande d’asile.

Monsieur … a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation sinon à l’annulation des deux décisions ministérielles prévisées des 24 janvier et 21 février 2005 par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 14 mars 2005.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre les décisions ministérielles entreprises. Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire est dès lors irrecevable.

Dans le cadre de son recours contentieux Monsieur … résuma d’abord les faits par lui relatés lors de ses auditions respectives et estime qu’eu égard aux éléments de son récit il aurait indéniablement fait état d’éléments dont il aurait eu à souffrir personnellement et qu’il serait dès lors manifeste de constater qu’il nourrirait une crainte légitime en cas d’un retour forcé en Sierra Léone, de sorte qu’il remplirait les critères prévus par la Convention de Genève et que les décisions sous analyse devaient être annulées pour violation de la loi sinon pour erreur manifeste d’appréciation des faits.

Le délégué du Gouvernement estime pour sa part que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte qu’il serait à débouter de son recours et fait préciser que la décision du 24 janvier 2005 démontrerait suffisamment que les déclarations de Monsieur … manqueraient de crédibilité.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de ses auditions, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Force est en effet de constater que la décision ministérielle litigieuse du 24 janvier 2005 telle que confirmée le 21 février 2005 est basée notamment sur les déclarations faites auprès des autorités françaises quant à l’identité du demandeur, sur le fait qu’il a délibérément menti sur son âge et enfin sur le manque de crédibilité du récit présenté par le demandeur, de manière à reposer sur le constat que constatations entraînent de sérieux doutes quant à la crédibilité de son récit. Bien que ces mensonges et le manque de crédibilité furent ainsi expressément et explicitement relevés à l’appui de la décision de refus litigieuse initiale, le tribunal constate que le demandeur aussi bien dans le cadre de son recours gracieux que dans le cadre de la procédure contentieuse sous examen reste en défaut de rencontrer, ne serait-ce que par un début d’explication, la motivation ainsi retenue à la base de la décision litigieuse.

En effet, au-delà de réexposer ce qu’il a déclaré dans le cadre de son audition, il n’a fourni aucun élément susceptible d’éclaircir les doutes pourtant concrètement libellés par le ministre à l’appui de sa décision, de sorte que le tribunal, appelé à apprécier le bien-fondé d’une décision lui soumise dans le cadre des moyens présentés pour justifier une réformation éventuelle, n’a pas été utilement mis en mesure de constater une éventuelle erreur d’appréciation commise par le ministre lors de l’évaluation de la crédibilité de la situation personnelle et du récit présenté par Monsieur ….

Au vu des considérations qui précèdent, le recours en réformation laisse partant d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, déclare le recours non justifié et en déboute, déclare le recours en annulation irrecevable, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 15 juin 2005 par :

Mme Lamesch, juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lamesch 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19474
Date de la décision : 15/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-06-15;19474 ?

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