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15/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19405

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 juin 2005, 19405


Tribunal administratif N° 19405 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 février 2005 Audience publique du 15 juin 2005

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Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision prise par le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 19405 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 février 2005 par Maître Réguia AMIALI, avocat à la Cour, inscrite au tablea

u de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, de nationalité serbo-

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Tribunal administratif N° 19405 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 février 2005 Audience publique du 15 juin 2005

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Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision prise par le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 19405 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 février 2005 par Maître Réguia AMIALI, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, de nationalité serbo-

monténégrine, à l’époque détenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière sis à Schrassig, actuellement sans adresse connue, tendant à l’annulation sinon à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 31 janvier 2005 en ce qu’elle matérialise une décision implicite de refus d’entrée et de séjour au Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu l’ordonnance du président du tribunal administratif du 16 mars 2005 portant rejet d’une demande de sursis à exécuter de l’arrêté de refus d’entrée et de séjour prévisé sinon en institution d’une mesure de sauvegarde telle qu’introduite par Monsieur … le 15 mars 2005 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 avril 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Virginie VERDANET, en remplacement de Maître Réguia AMIALI, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives.

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Par décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 31 janvier 2005, Monsieur … fut placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d'un mois à partir de la notification de ladite décision dans l'attente de son éloignement du territoire luxembourgeois.

Ladite décision repose sur les considérations suivantes:

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu le rapport no 2005/7118/123 du 31 janvier 2005 établi par la Police grand-ducale, SREC, Esch/Alzette ;

Considérant que l'intéressé est dépourvu du visa requis ;

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qu'il ne dispose pas de moyens d'existence personnels ;

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qu'il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant que l'éloignement de l'intéressé sera organisé dans les meilleurs délais ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite, alors que l'intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d'éloignement ; (…) ».

Par requête déposée le 28 février 2005, Monsieur … a fait introduire un recours contentieux tendant à l’annulation sinon à la réformation de ladite décision ministérielle dans la mesure où elle matérialise une décision implicite de refus d’entrée et de séjour au Grand-

Duché de Luxembourg à son encontre.

Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la présente matière, c’est à juste titre que le délégué du gouvernement soulève l’incompétence du tribunal pour connaître du recours en réformation introduit en ordre subsidiaire, l’examen de cette question étant préalable dès lors que l’existence d’une possibilité d’exercer un recours en réformation contre une décision administrative rend irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

Le recours principal en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. – En effet, le tribunal ne saurait suivre l’argumentation développée par le délégué du gouvernement relativement à une irrecevabilité du recours pour défaut d’objet ou de libellé obscur, étant donné que s’il est vrai que prima facie, la décision visée paraît uniquement ordonner une mesure de placement, force est cependant de constater qu’à défaut de prise sinon de matérialisation d’une décision explicite séparée, le courrier matérialise nécessairement une décision implicite d’éloignement. Cette conclusion est confirmée par le fait même que le ministre libelle différents motifs (absence de visa, moyens de subsistance) étrangers à la prise d’une décision de placement proprement dite, mais ayant indubitablement trait aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers sur le territoire luxembourgeois. - Admettre le contraire serait par ailleurs remettre en cause l’efficacité des voies de recours contre une décision d’éloignement, dès lors que l’administration ne lui confère pas une autre matérialisation.

A l’appui de son recours, le demandeur fait exposer qu’il résiderait au Luxembourg depuis 1996 et qu’une première décision de placement décidée à son encontre en 2003 aurait été révoquée par l’administration, laquelle aurait par la suite toléré qu’il séjourne librement au pays, de sorte qu’elle ne saurait plus invoquer son séjour irrégulier au pays. Il fait encore ajouter que son frère détiendrait 1.500.- € pour son compte et qu’il bénéficierait d'une promesse d'embauche, de sorte à remplir toutes les conditions pour faire l'objet d'une régularisation, étant précisé que pareille régularisation lui permettrait d’acquérir légalement des moyens d’existence personnels suffisants. Enfin, le demandeur fait soutenir qu’il ne présenterait pas un danger pour l’ordre et la sécurité publics et qu’il n’existerait aucun « danger de fuite » dans son chef.

Au vœu de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : (…) – [qui] ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ».

Il se dégage de cette disposition légale qu’une autorisation de séjour peut être refusée lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour.

Etant donné que la légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait existant au jour où elle a été prise et qu’il appartient au juge de vérifier, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, si les faits sur lesquels s’est fondée l’administration sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute, il y a lieu de constater qu’en l’espèce, Monsieur …, qui n’était pas titulaire d’un permis de séjour octroyé en bonne et due forme, ne disposait pas de moyens personnels suffisants susceptibles de lui permettre de subvenir à ses besoins de subsistance au pays, le fait de disposer d’une somme de 1.500.- € n’étant manifestement pas de nature à permettre un établissement voire d’assurer l’existence d’une personne désireuse de séjourner de façon prolongée au Luxembourg, d’une part, et qu’il ne disposait pas non plus d’un permis de travail, de sorte qu’il n’était pas autorisé à s’adonner à une activité salariée au Luxembourg, la simple expectative d’un travail, aussi longtemps que le ministre compétent n’a pas délivré d’autorisation de travail, étant à elle seule insuffisante.

Il s’ensuit que c’est à bon droit et sans commettre une erreur manifeste d’appréciation que le ministre compétent a pu se baser sur le défaut de moyens personnels propres légalement acquis au moment de la prise de la décision litigieuse pour refuser l’entrée et le séjour au pays à Monsieur ….

Cette conclusion n’est ni ébranlée par le fait qu’au mois de mars 2003, l’autorité administrative compétente, mettant fin à une mesure de placement de l’intéressée, l’a remis en liberté, voire une tolérance prolongée de son séjour, ces considérations restant sans incidence sur la légalité de la décision de refus d'autorisation de séjour actuellement litigieuse.

Enfin, eu égard au fait qu'une décision de refus d'entrée et de séjour peut être basée sur la seule absence de moyens d'existence personnels, situation vérifiée en l’espèce, ainsi qu’il se dégage des considérations qui précèdent, l'absence de risque que le demandeur compromette l'ordre ou la sécurité publics ne porte pas à conséquence concernant le refus d'entrée et de séjour, d’une part, la question de l'existence ou non d'un « danger de fuite » restant quant à elle sans aucune pertinence dans le cadre d'un recours dirigé contre une décision de refus d'autorisation de séjour, d’autre part.

Il se dégage de l'ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé et que le demandeur est à en débouter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant le rejette ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge et lu à l’audience publique du 15 juin 2005 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19405
Date de la décision : 15/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-06-15;19405 ?

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