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15/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19347

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 juin 2005, 19347


Tribunal administratif N° 19347 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 février 2005 Audience publique du 15 juin 2005 Recours formé par Monsieur …, … (F) contre deux décisions du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisation d’établissement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19347 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 22 février 2005 par Maître Laurence JACQUES, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, … ,

demeurant à F-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation des décisions du ministre ...

Tribunal administratif N° 19347 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 février 2005 Audience publique du 15 juin 2005 Recours formé par Monsieur …, … (F) contre deux décisions du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisation d’établissement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19347 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 22 février 2005 par Maître Laurence JACQUES, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, … , demeurant à F-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation des décisions du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement prises en dates respectivement des 25 octobre et 23 novembre 2004 portant successivement refus de l’autorisation d’établissement par lui sollicitée pour l’activité d’expert-comptable indépendant, compte tenu de ses demandes et recours gracieux respectivement introduits les 23 septembre et 11 novembre 2004 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 avril 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Laurence JACQUES et Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES s’étant rapportées aux écrits de leurs parties respectives à l’audience publique du 13 juin 2005.

Considérant que par courrier du 27 septembre 2004, Monsieur … sollicita l’autorisation d’établissement en vue de l’exercice de l’activité d’expert-comptable auprès du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement, ci-après désigné par « le ministre ».

Que le 21 octobre 2004, la commission prévue à l’article 2 de la loi modifiée du 28 décembre 1988 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel, ainsi qu’à certaines professions libérales, ci-après dénommée « la loi d’établissement », émit un avis unanimement défavorable concernant l’accomplissement de la condition de qualification professionnelle par Monsieur … ;

Que le ministre, se ralliant au prédit avis, a, par décision du 25 octobre 2004, refusé de faire droit à la demande d’autorisation pour défaut d’accomplissement des conditions de capacité professionnelle requises en l’absence de diplôme sanctionnant un cycle unique et complet d’au moins trois années d’études supérieures en science économiques ou commerciales ou en sciences financières conformément aux exigences de l’article 19, (1), c) de la loi d’établissement ;

Que sur recours gracieux de Monsieur … du 11 novembre 2004, la commission prévue à l’article 2 de la loi d’établissement réitéra, à l’unanimité, son avis défavorable pour les mêmes raisons d’absence de qualification professionnelle concernant l’activité d’expert-

comptable ;

Que parallèlement, elle émit, à l’unanimité, un avis favorable concernant l’activité de comptable ;

Que par décision du 23 novembre 2004, le ministre confirma son refus initial pour les mêmes raisons de défaut de qualification professionnelle concernant l’activité d’expert-

comptable ;

Que parallèlement il accorda à Monsieur … l’autorisation d’établissement pour l’activité de comptable ;

Considérant que par recours déposé en date du 22 février 2005, Monsieur … a sollicité la réformation, sinon l’annulation des deux décisions ministérielles précitées des 25 octobre et 23 novembre 2004 dans la mesure où elles portent refus de l’autorisation d’établissement sollicitée pour l’activité d’expert-comptable indépendant ;

Considérant que le délégué du Gouvernement conclut à l’incompétence du tribunal pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal ;

Considérant que l’article 2 alinéa final de la loi d’établissement prévoyant expressément un recours en annulation en la matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal ;

Considérant que le recours en annulation formé en ordre subsidiaire est recevable pour avoir été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi ;

Considérant que l’argumentaire de Monsieur …, tel que produit à travers la requête introductive d’instance, aucune réplique n’ayant été fournie, s’articule comme suit :

« La décision de Monsieur le Ministre des Classes Moyennes, du Tourisme et du Logement du 23 novembre 2004, doit être réformée, sinon annulée.

A ce titre, le requérant se rapport aux arguments développés dans son recours gracieux daté du 11 novembre 2004, lesquels sont censés être reproduits à la présente pour en faire partie intégrante.

Le Ministre des Classes Moyennes, du Tourisme et du Logement a basé sa décision sur un examen non approfondi de la situation personnelle du requérant et il n’a pas pris en considération les diplômes que le requérant a obtenu au Grand-Duché de Luxembourg, ni même du fait que ce dernier a introduit, auprès des autorités françaises, une procédure de validation des acquis par l’expérience qui lui permettra d’obtenir un diplôme d’études supérieures sanctionnant un cycle de 4 années d’études supérieures, ce qui entre dans les critères de l’article 19, (1), c) de la loi modifiée du 28 décembre 1988.

Au vu des éléments susvisés, il apparaît qu’il n’a été procédé qu’à une étude sommaire de la demande du requérant, sans rapport direct avec sa situation particulière.

En tout état de cause, il y a lieu de considérer que le requérant remplit les conditions posées par la loi modifiée du 28 décembre 1988 pour bénéficier de l’autorisation d’exercer l’activité d’expert-comptable.

Il y a lieu, en conséquence, de réformer sinon d’annuler les décisions des 25 octobre 2004 du 23 novembre 2004 et d’autoriser Monsieur … à exercer la profession d’expert-

comptable indépendant » ;

Considérant qu’à titre liminaire, le tribunal est amené à faire remarquer que si d’après l’article 1er, alinéa second, troisième tiret de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, la requête introductive d’instance contient l’exposé sommaire des faits et des moyens invoqués, cette exigence légale entraîne qu’en principe les moyens énoncés par référence à d’autres pièces non contenues dans la requête introductive d’instance n’y sont tout simplement pas contenus, de sorte que le tribunal ne sera pas appelé à en tenir compte, le renvoi étant inopérant dans la mesure où les moyens en question ne sont pas contenus dans la requête, seule portée officiellement à la connaissance de la partie défenderesse et, le cas échéant, des parties tierces intéressées ;

Que cependant en l’occurrence, le tribunal n’est pas amené à tirer une conséquence des principes sus-énoncés dans la mesure où le demandeur a repris, certes sommairement, à travers son argumentaire contenu dans la requête introductive d’instance, l’ensemble de son argumentaire contenu dans le recours gracieux auquel il est fait référence, en ce qu’il reproche au ministre de ne pas avoir pris en considération les diplômes qu’il a obtenus au Grand-Duché de Luxembourg, ni le fait qu’il a introduit auprès des autorités françaises une procédure de validation des acquis par l’expérience ;

Considérant que dans la mesure ou, dans le cadre d’un recours en annulation, le tribunal est amené à statuer par rapport à la situation de fait et de droit telle qu’elle a existé au moment où le ministre a émis ses décisions, aucune conséquence juridique n’a pu être valablement tirée de la simple demande effectuée en France concernant la validité des acquis par l’expérience, à défaut de pareille validation obtenue aux dates en question ;

Qu’aucun reproche afférent ne saurait dès lors être utilement porté à l’encontre des décisions ministérielles déférées ;

Considérant que de même, il ne saurait être reproché utilement au ministre de ne pas avoir procédé à une étude approfondie de la demande de Monsieur … dans la mesure où le ministre, spontanément, a poussé son investigation dans le sens d’une délivrance d’autorisation d’établissement pour l’activité de comptable, demande non expressément formulée par ailleurs par Monsieur … ;

Considérant qu’il ne saurait non plus être reproché au ministre de ne pas avoir tenu compte des diplômes obtenus par l’intéressé au Grand-Duché de Luxembourg, alors que le ministre a été amené à toiser la question sur un autre plan en statuant par rapport aux exigences de l’article 19 (1) c) de la loi d’établissement ;

Considérant que sous peine de statuer ultra petita le tribunal est amené à analyser les moyens proposés par le demandeur dans la limite par lui tracées, sauf les questions d’ordre public à soulever d’office ;

Considérant qu’il est constant qu’en l’espèce le demandeur invoque la nullité des décisions ministérielles déférées pour violation de la seule loi d’établissement, sans fournir aucun moyen tiré de la législation communautaire en la matière ;

Que bien que le délégué du Gouvernement, dans un « souci de transparence », ait pris position par rapport à la directive 89/48/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 relative à un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionne des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans, le tribunal n’est pas amené à analyser le recours sous cet aspect, faute de moyen afférent proposé par le demandeur ;

Considérant qu’en l’espèce, il n’est pas contesté par le demandeur que son diplôme universitaire de technologie, spécialité gestion des entreprises et administrations, option finance-comptabilité lui décerné par le président de l’université de Metz en date du 28 juillet 1990 sanctionne un cycle d’études de deux années ;

Considérant que le seul moyen invoqué par le demandeur consiste à dire qu’il remplit les conditions posées par la loi d’établissement pour bénéficier de l’autorisation d’exercer l’activité d’expert-comptable, compte tenu de son diplôme français précité, ensemble tous les diplômes obtenus par lui au Grand-Duché de Luxembourg, étant constant que la procédure de validation des acquis par l’expérience n’avait pas encore abouti au moment de la prise des deux décisions déférées ;

Considérant qu’il n’est point contesté non plus que durant les années 2000 à 2004, Monsieur … a décroché non moins de huit certificats de formation professionnelle continue délivrés par le ministère de l’Education nationale et de la Formation professionnelle Luxembourg portant essentiellement sur des matières de fiscalité et de comptabilité, ainsi qu’un certificat de formation intensive en langue luxembourgeoise délivré par l’office luxembourgeois pour l’amélioration de la productivité asbl ;

Considérant qu’au titre de la loi d’établissement, seule invoquée par le demandeur à l’appui de son moyen, l’article 19 (1) c), tel que résultant de la modification apportée à travers la novelle du 9 juillet 2004, dispose que : « la qualification professionnelle des experts-

comptables résulte de la possession d’un diplôme universitaire ou d’enseignement supérieur ou d’un certificat de fins d’études universitaires ou d’enseignement supérieur, délivré par un établissement d’enseignement supérieur reconnu par l’Etat du siège de l’établissement et sanctionnant l’accomplissement d’un cycle complet de trois années d’études en sciences économiques, commerciales, financières ou certifiant la qualification professionnelle pour l’exercice de la profession d’expert-comptable » ;

Considérant qu’en l’espèce il est constant que Monsieur … n’a pas accompli un cycle complet de trois années d’études en sciences économiques, commerciales ou financières ;

Que l’article sous revue envisage cependant deux hypothèses distinctes, à savoir :

la justification d’un diplôme ou d’un certificat délivré par un établissement d’enseignement supérieur reconnu par l’Etat du siège de l’établissement :

et - sanctionnant l’accomplissement d’un cycle complet de trois années d’études en sciences économiques, commerciales, financières, ou - certifiant la qualification professionnelle pour l'exercice de la profession d’expert-comptable (cf. trib. adm. 11 mai 2005, n° 19017 du rôle, disponible sur internet www.ja.etat.lu) ;

Considérant que s’il est patent qu’à la suite des avis formulés par la commission prévue à l’article 2 de la loi d’établissement, le ministre a, à chaque fois motivé son refus de façon quantitative du fait de l’inexistence d’un diplôme ou certificat délivré par un établissement d’enseignement supérieur reconnu par l’Etat du siège de l’établissement sanctionnant l’accomplissement d’un cycle complet de trois années d’études dans les matières prévues par l’article 19 (1) c) de la loi d’établissement prérelaté, il n’en reste pas moins que ni l’analyse ministérielle, ni d’ailleurs celle du délégué du Gouvernement en procédure contentieuse n’ont porté sur la question d’ordre qualitatif de savoir si le diplôme soumis à l’autorité de décision pouvait suffire à la deuxième hypothèse pourtant formellement envisagée par l’article 19 paragraphe 1) c) prérelaté in fine, à savoir celle de savoir s’il certifie la qualification professionnelle pour l’exercice de la profession d’expert-comptable ;

Qu’il s’ensuit que le juge administratif, saisi d’un recours en annulation, est mis dans l’impossibilité d’exercer son contrôle de la légalité par rapport à cette hypothèse légale spécifique ;

Que partant les décisions litigieuses encourent l’annulation dans la mesure où elles sont déférées ;

Par ces motifs :

le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

déclare le recours en annulation recevable ;

au fond le dit justifié ;

partant annule les décisions telles que déférées et renvoie le dossier en prosécution de cause devant le ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 15 juin 2005 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lamesch, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delapor 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19347
Date de la décision : 15/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-06-15;19347 ?

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