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15/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19273

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 juin 2005, 19273


Tribunal administratif Numéro 19273 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 février 2005 Audience publique du 15 juin 2005

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Recours formé par Madame … et consorts, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19273 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 février 2005 par Maître Jean-Georges GREMLING, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre

des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à Skopje (Macédoine), agissant tant en son nom perso...

Tribunal administratif Numéro 19273 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 février 2005 Audience publique du 15 juin 2005

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Recours formé par Madame … et consorts, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19273 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 février 2005 par Maître Jean-Georges GREMLING, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à Skopje (Macédoine), agissant tant en son nom personnel qu’en celui de ses enfants …, tous de nationalité macédonienne, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration intervenue le 8 novembre 2004 rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, telle que cette décision a été confirmée par le même ministre le 7 janvier 2005, suite à un recours gracieux de la demanderesse ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 avril 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Nicolas CHELY, en remplacement de Maître Jean-Georges GREMLING, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives.

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Le 18 février 2004, Monsieur …, né le … à Tutin (Etat de Serbie-et-Monténégro) et son épouse, Madame …, née le … à Skopje (Macédoine), agissant tant leur nom personnel qu’en celui de leurs enfants …, introduisirent une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, les époux … furent entendus par un agent de la police grand-ducale sur leur identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Etant relevé que les époux … se séparèrent par la suite, Madame … fut entendue en date des 2 avril et 3 mai 2004 par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 8 novembre 2004, notifiée par pli recommandé du 15 suivant, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa Madame … que sa demande avait été refusée. Cette décision est libellée comme suit :

« Il résulte de vos déclarations que vous auriez quitté Sofia / Bulgarie le 15 février 2004 en prenant un avion pour Francfort. Vous y seriez restée deux jours avant de venir au Luxembourg.

Vous avez déposé votre demande en obtention du statut de réfugié le 18 février 2004.

Vous dites que votre mari a eu des problèmes en Macédoine et que vous auriez quitté Skopje avec votre famille pour vivre à Tutin, de 2001 à votre départ en 2004. Vous dites que votre mari serait un délinquant notoire en Macédoine, qu’il aurait travaillé avec la mafia bulgare et avec Arkan. Il aurait enlevé et séquestré des enfants, il aurait menacé un commissaire de police de mort. Il serait recherché depuis cinq ou six ans. Vous ajoutez que vous le craignez car il vous aurait menacée de mort ainsi que votre famille.

Je vous informe que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi, et surtout, par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécutions au sens de la Convention de Genève.

Je vous rends attentive au fait que, pour invoquer l’article 1er A,2 de la Convention de Genève, il faut une crainte justifiée de persécutions en raison de vos opinions politiques, de votre race, de votre religion, de votre nationalité ou de votre appartenance à un groupe social et qui soit susceptible de vous rendre la vie intolérable dans votre pays.

Je constate d’abord que votre récit diverge de celui de votre époux sur certains points.

Il ressort de ce récit que vous n’avez subi personnellement aucune persécution au sens de la Convention de Genève, mais que vous éprouvez un sentiment d’insécurité qui n’entre pas non plus dans le cadre de la Convention précitée.

De plus, vous avez vécu en Serbie-Monténégro pendant quatre ans sans que des problèmes liés à votre race, religion, ethnie ou opinion se soient présentés. Il ne ressort pas de votre dossier qu’il vous aurait été impossible de vous y établir.

Je dois donc constater qu’aucune de vos assertions ne saurait fonder une crainte de persécutions entrant dans le cadre de l’article 1er A,2 de la Convention de Genève, c’est-à-

dire une crainte justifiée de persécutions en raison de vos opinions politiques, de votre race, de votre religion, de votre nationalité ou de votre appartenance à un groupe social et qui soit susceptible de vous rendre la vie intolérable dans votre pays.

Par conséquent, votre demande en obtention du statut de réfugié est refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne sauriez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève (…) ».

Le 8 décembre 2004, Madame …, agissant tant en son nom personnel qu’en celui de ses enfants …, formula, par le biais de son mandataire, un recours gracieux auprès du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration à l’encontre de cette décision ministérielle.

Le 7 janvier 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration confirma sa décision initiale, « à défaut d’éléments pertinents nouveaux ».

Le 7 février 2005, Madame …, agissant tant en son nom personnel qu’en celui de ses enfants …, a introduit un recours en réformation contre les décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration des 8 novembre 2004 et 7 janvier 2005.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire, prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre les décisions ministérielles entreprises.

Le recours est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond, la demanderesse fait en premier lieu état de ce que la situation générale resterait « pour le moins inquiétante » en Macédoine, étant donné que des conflits inter-

ethniques seraient toujours à l’ordre du jour. Sur ce, elle soutient avoir peur de rentrer dans son pays, au motif qu’elle et ses enfants y risqueraient de subir « des représailles et ce du fait de leur appartenance religieuse ».

Elle fait encore état de l’état de délinquance de son mari qui aurait notamment travaillé pour la mafia, commis des enlèvements et d’autres brutalités et faits répréhensibles, notamment à son égard, et elle soutient, sans autre précision, que ce « passé délinquant assez chargé » « suffirait clairement à établir l’existence de risque de persécution envers » elle-

même et ses enfants. - Il convient encore de préciser qu’il se dégage par ailleurs du dossier que la demanderesse vit séparée de son mari, mais que la demanderesse redoute ses faits et gestes, soutenant qu’il serait capable des pires excès à son égard, de même qu’à l’égard de leurs enfants.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse et de ses enfants, de sorte qu’elle serait à débouter de son recours.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par la demanderesse lors de ses auditions, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse, ainsi que les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que la demanderesse reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, une crainte de persécution doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considérés individuellement et concrètement, le demandeur d’asile risque de subir des persécutions et force est de constater que l’existence de pareils éléments ne se dégage pas des éléments d’appréciation soumis au tribunal.

Ainsi, il appert des éléments d’information produits en cause que le mari de la demanderesse, dont elle s’est séparée entre-temps, – sans préjudice quant à la gravité des brutalités et des excès mis en avant pas la demanderesse, qui, à les supposer vrais, se doivent d’être poursuivis et sanctionnés adéquatement par les instances compétentes - ne saurait pas être considéré comme agent de persécution au sens de la Convention de Genève.

En outre, la demanderesse n’ayant pas personnellement été victime de mauvais traitements ou de persécutions au sens de la Convention de Genève en Macédoine, ses craintes relativement à la situation générale y régnant, situation que la demanderesse qualifie d’insuffisamment stabilisée, s’analysent uniquement en un sentiment général d’insécurité, mais non pas en la preuve de ce que sa vie et celle de ses enfants y ait été ou soit intolérable.

Par ailleurs, les craintes envers des mafieux, anciens partenaires ou adversaires de son mari, respectivement envers les victimes de son mari, qui, en cas de retour en Macédoine, risqueraient de s’en prendre à elle ou à ses enfants, se révèlent purement hypothétiques et non sous-tendus par des éléments concrets et plausibles. Par ailleurs, même si tel devait être le cas, aucun élément de la cause n’établit que la demanderesse ne saurait rechercher la protection des autorités en place dans son pays d’origine, respectivement que ces autorités ne seraient pas en mesure ou n’auraient pas la volonté de lui assurer une protection suffisante.

Il suit de ce qui précède que la demanderesse n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 15 juin 2005, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19273
Date de la décision : 15/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-06-15;19273 ?

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