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15/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19270

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 juin 2005, 19270


Tribunal administratif N° 19270 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 février 2005 Audience publique du 15 juin 2005 Recours formé par Monsieur …, Luxembourg contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19270 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 février 2005 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordr

e des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo / Etat de Serbie et Monténé...

Tribunal administratif N° 19270 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 février 2005 Audience publique du 15 juin 2005 Recours formé par Monsieur …, Luxembourg contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19270 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 février 2005 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo / Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 7 janvier 2005, confirmant sur recours gracieux une décision du même ministre du 18 novembre 2004 ayant porté refus de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 avril 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 6 juin 2005 en présence de Maître Louis TINTI et de Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK qui se sont tous les deux rapportés à leurs écrits respectifs.

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Le 13 septembre 2004, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, il fut entendu par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Il fut entendu en outre le 12 octobre 2004 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 18 novembre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa Monsieur … de ce que sa demande avait été rejetée au motif que le fait d’avoir été « racketté » au marché ne suffirait pas pour obtenir l’asile politique, étant donné qu’il s’agirait d’une infraction de droit commun et que la crainte alléguée d’Albanais qui auraient participé à une manifestation serait également insuffisante à cette fin, alors que ces personnes ne sauraient être considérées comme des agents de persécution au sens de la Convention de Genève.

Le ministre a relevé en outre que si Monsieur … s’était senti à ce point menacé dans son quartier ou dans sa ville d’origine, il aurait pu chercher à s’établir ailleurs au Kosovo ou en Serbie et Monténégro. Il a signalé par ailleurs que la situation économique et le coût élevé des soins de santé invoqués par Monsieur … s’analyseraient en des motifs économiques n’entrant pas dans les prévisions de la Convention de Genève.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre du 20 décembre 2004 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre prit une décision confirmative le 7 janvier 2005.

Le 7 février 2005, Monsieur … a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation des deux décisions ministérielles prévisées des 18 novembre 2004 et 7 janvier 2005.

A l’appui de son recours, il reproche au ministre de ne pas avoir tiré les conséquences qui se seraient imposées du fait des persécutions dont il aurait été victime ou risquerait d’être victime au cas de retour dans son pays d’origine. Il signale que les faits par lui relatés renseigneraient de façon non équivoque que c’est en raison d’un comportement ayant consisté dans la vente de livres concernant notamment le dénommé Tahir Zemaj ou encore son refus de participer à une manifestation anti-serbe, qu’il aurait été violenté et menacé et que pareil comportement serait susceptible d’être encore interprété à l’heure actuelle par les Albanais du Kosovo comme l’expression d’un sentiment anit-albanais, susceptible de lui valoir des persécutions. Il relève encore que malgré le fait d’avoir demandé protection aux autorités en place, il se serait vu notifier par ces mêmes autorités une fin de non-recevoir.

Le délégué du Gouvernement estime que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte que celui-ci serait à débouter de son recours.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le recours en réformation, introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Quant au fond, l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Tel que relevé à juste titre par le ministre et confirmé par le délégué du Gouvernement, le demandeur reste en défaut d’établir à suffisance de droit avoir recherché la protection des autorités de son pays d’origine, ainsi qu’un refus ou une impossibilité de pouvoir obtenir une protection d’une efficacité suffisante, étant relevé que la protection des habitants d’un pays contre des agissements de groupes de la population n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission matérielle d’un acte criminel et qu’il y a lieu de prendre en compte une persécution commise par des tiers uniquement en cas de défaut de protection dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

En effet, il se dégage des déclarations de Monsieur … qu’il n’a pas porté plainte relativement aux éléments invoqués remontant à l’année 2003, de même que les précisions par lui apportées permettent de dégager que certains des agresseurs ont néanmoins pu être appréhendés par les autorités policières.

Pour le surplus, il se dégage de l’ensemble du dossier que les raisons ayant poussé le demandeur à quitter son pays d’origine ont trait d’une manière générale au malaise caractérisant les relations inter-ethniques au Kosovo et que partant sa situation individuelle ne se distingue pas fondamentalement de celle de ses concitoyens globalement considérés qui, même si c’est à des degrés variables, doivent tous faire face aux difficultés d’une situation d’après-guerre.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, déclare le recours non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 15 juin 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Lamesch, juge, Mme. Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19270
Date de la décision : 15/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-06-15;19270 ?

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