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15/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19183

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 juin 2005, 19183


Tribunal administratif N° 19183 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 janvier 2005 Audience publique du 15 juin 2005 Recours formé par Madame … et consorts contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19183 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 janvier 2005 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’

Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … (Monténégro / Etat de Serbie ...

Tribunal administratif N° 19183 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 janvier 2005 Audience publique du 15 juin 2005 Recours formé par Madame … et consorts contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19183 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 janvier 2005 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … (Monténégro / Etat de Serbie et Monténégro), agissant tant en son nom personnel qu’en nom et pour compte de ses enfants mineurs …, né le … et …, né le … , tous de nationalité serbo-

monténégrine, demeurant actuellement ensemble à L- … , tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 18 octobre 2004 leur refusant une autorisation de séjour pour le Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 mars 2005 ;

Vu le mémoire en réplique, intitulé « mémoire en réponse » déposé par Maître Nicky STOFFEL au nom des demandeurs au greffe du tribunal administratif le 11 avril 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 23 mai 2005, Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH s’étant rapporté aux écrits de la partie publique, Maître Nicky STOFFEL pour sa part n’ayant été ni présente ni représentée.

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Madame … introduisit en date du 21 mai 1999 une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, demande qui fut rejetée par décision du ministre de la Justice du 5 janvier 2000.

Sa demande en obtention du statut de réfugié politique fût définitivement rejetée par jugement du tribunal administratif du 17 mai 2000, numéro 11936 du rôle.

Par courrier du 7 juillet 2004 à l’adresse du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration, Madame … formula, par l’intermédiaire de son conseil juridique, une demande en obtention d’une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires, en relevant le fait que ses deux enfants seraient atteints de problèmes respiratoires, nécessitant un contrôle médical régulier ainsi que le fait qu’elle devrait élever seule ses deux enfants, leur père les ayant quitté.

Par décision du 18 octobre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration les informa que leur demande avait été refusée. Cette décision est libellée comme suit :

« Maître, J’ai l’honneur de me référer à votre demande d’autorisation de séjour du 7 juillet 2004 en faveur de vos mandants.

Je suis cependant amené à constater que vos mandants ne disposent pas de moyens d’existence personnels suffisants conformément à l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers.

Par ailleurs, je suis amené à constater qu’ils ne font pas état de raisons humanitaires justifiant une autorisation de séjour au Luxembourg.

Par conséquent, je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande.

Je vous prie, Maître, de croire en l’expression de ma considération distinguée. » Suite à un recours gracieux non motivé formulé par le mandataire de Madame … suivant courrier du 19 novembre 2004 à l’encontre de la décision ministérielle précitée, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration confirma le 9 décembre 2004, à défaut d’éléments pertinents nouveaux, sa décision initiale du 18 octobre 2004.

Le 17 janvier 2005, Madame … a introduit un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre de la décision initiale de refus du 18 octobre 2004.

Le délégué du Gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation, introduit en ordre principal, au motif qu’un tel recours n’est pas prévu en la matière.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (cf. trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 2004, V° Recours en réformation, n° 5 et autres références y citées).

Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande principale en réformation de la décision critiquée.

Le recours subsidiaire en annulation est pour sa part recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours la demanderesse expose avoir pour seule famille au Monténégro ses père et mère, tandis que l’un de ses frères ainsi que l’une de ses sœurs habiterait à Luxembourg. Elle précise encore que ses enfants mineurs seraient nés au Luxembourg et n’auraient jamais connu le Monténégro, ni les conditions de vie difficiles y existant.

Elle souligne « pour le surplus » que ses enfants auraient des problèmes respiratoires aigus qui nécessiteraient un suivi médical régulier, exigence impossible à garantir au Monténégro.

Enfin, elle relève que l’aîné de ses enfants « pourra dans une année introduire une demande en vue d’acquérir la nationalité luxembourgeoise ».

Elle conclut dès lors remplir « les conditions formelles exigées par la loi du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers », au motif qu’elle ferait état de raisons humanitaires légitimes.

Subsidiairement, elle estime remplir les conditions requises pour rester au Luxembourg dans le cadre d’un regroupement familial avec son frère et sa sœur, et se prévaut à ce sujet de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Le délégué du Gouvernement estime que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse et il rappelle qu’une autorisation de séjour peut être refusée en cas d’absence de moyens d’existence personnel suffisants.

En ce qui concerne la demande ayant trait à un regroupement familial avec le frère et la sœur de la demanderesse, il souligne qu’un tel regroupement exige une vie familiale effective préexistante, ce qui ne serait pas établi en l’espèce.

Dans le cadre de son mémoire en réplique, la demanderesse relève, au titre des raisons humanitaires devant justifier l’octroi de l’autorisation de séjour sollicitée, le fait qu’elle appartient à la minorité bosniaque du Monténégro qui ferait l’objet « des pires discriminations de la part des autorités serbes ».

Quant à la question du regroupement familial, elle précise entretenir des liens très étroits avec sa famille au Luxembourg.

Conformément aux dispositions de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main d’œuvre étrangère « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourrant être refusées à l’étranger :

- qui est dépourvu de papiers de légitimation prescrits, et de visa si celui-ci est requis, - qui est susceptible compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics, - qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour. » Force est au tribunal de constater que la décision litigieuse est fondée sur le fait non utilement contesté en cause que la demanderesse ne dispose pas de moyens d’existence personnels, de sorte que le ministre a valablement pu lui refuser l’autorisation de séjour en se fondant sur le prédit motif.

En ce qui concerne les raisons, qualifiées d’humanitaires, et avancées par la demanderesse aux fins de justifier l’obtention de l’autorisation de séjour sollicitée, il y a lieu de constater que nonobstant le fait que la demanderesse affirme péremptoirement que ce faisant elle remplirait « les conditions formelles exigées par la loi du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers », la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée ne comporte aucune disposition imposant, voire prévoyant l’octroi d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires.

Si une disposition permettant de contester pour des raisons humanitaires la légalité d’un refus d’autorisation de séjour peut le cas échéant être recherchée dans l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme, article qui prohibe les traitements inhumains ou dégradants, les motifs tels qu’avancés par la demanderesse, relatifs à des problèmes de santé de ses enfants - en l’espèce des bronchites chroniques -, à sa situation sociale de mère abandonnée par le père de ses enfants et à l’absence d’attache et de logement dans leur pays d’origine, ne rentrent cependant pas dans le champ d’application du prédit article 3.

En ce qui concerne le regroupement familial sollicité, force est de constater, outre que la demanderesse reste en défaut d’étayer sa demande du moindre élément concret permettant de conclure à l’existence d’une vie familiale effective préexistante au moment de la prise de la décision litigieuse, qu’elle n’a fait état d’une telle demande ni dans le cadre de sa demande initiale en obtention d’une autorisation de séjour du 7 juillet 2004, ni dans le cadre du courrier de son mandataire du 19 novembre 2004, qualifié de recours gracieux mais dépourvu d’une quelconque motivation, de sorte que le tribunal, amené en tant que juge de l’annulation à analyser la décision au jour où elle a été prise, ne saurait actuellement prendre cet élément en considération, étant donné qu’il n’a pas été soumis au ministre au moment de la prise de la décision litigieuse en date du 18 octobre 2004.

Il en est de même de l’invocation de la situation incertaine de la minorité bosniaque au Monténégro, les conséquences de l’insécurité alléguée en ce qui concerne la demanderesse ayant d’ailleurs d’ores et déjà fait l’objet du jugement précité du tribunal administratif du 17 mai 2000 rejetant sa demande en obtention du statut de réfugié politique.

De tout ce qui précède, il convient de conclure que le recours en annulation est à rejeter.

La procédure devant les juridictions administratives étant essentiellement écrite, le tribunal est appelé à statuer contradictoirement en l'espèce, encore que la demanderesse n'était pas représentée à l'audience publique à laquelle l'affaire fut plaidée.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;

reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 15 juin 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19183
Date de la décision : 15/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-06-15;19183 ?

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