La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19353

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 juin 2005, 19353


Tribunal administratif N° 19353 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 février 2005 Audience publique du 9 juin 2005

===========================

Recours introduit par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

-----------------


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19353 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 février 2005 par Maître Daniel BAULISCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre d

es avocats à Diekirch, assisté de Maître Michel SINNER, avocat, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats ...

Tribunal administratif N° 19353 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 février 2005 Audience publique du 9 juin 2005

===========================

Recours introduit par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

-----------------

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19353 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 février 2005 par Maître Daniel BAULISCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, assisté de Maître Michel SINNER, avocat, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Dasilameh (Gambie), de nationalité gambienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 16 novembre 2004 par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 25 janvier 2005 prise sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 avril 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions ministérielles litigieuses ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Michel SINNER, en remplacement de Maître Daniel BAULISCH, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Le 5 décembre 2003, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent de la police grand-ducale sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Il fut encore entendu en date du 6 mai 2004 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration l’informa par lettre du 16 novembre 2004, notifiée par pli recommandé du 24 novembre 2004, que sa demande avait été rejetée comme n’étant pas fondée aux motifs énoncés comme suit :

« Il ressort du rapport de Service de Police Judiciaire que vous auriez quitté votre pays d’origine qui serait très pauvre et où il n’y aurait aucun travail, vos parents seraient morts de faim. Vous auriez quitté la Gambie le 11 novembre 2003 à partir de Banjul à bord d’un bateau pour arriver en France, puis vous auriez été conduit ici en voiture.

Il résulte de vos déclarations que vous auriez été arrêté en 2000 lors d’une manifestation estudiantine par les militaires qui vous auraient emprisonné durant 9 jours en raison du caractère prohibé de la manifestation. Puis vous auriez été relâché et vous seriez rentré chez vous, sans plus avoir aucun problème depuis à ce sujet. Vos parents seraient morts de faim en 2003. Vous déclarez avoir quitté votre pays d’origine en raison du manque de nourriture. Vous n’auriez jamais travaillé, ni cherché à travailler eu égard à votre bas niveau d’éducation. Vous ajoutez aussi avoir peur d’être à nouveau repris par les militaires et battu par eux.

Enfin, vous n’êtes membre d’aucun parti politique.

Tout d’abord, il convient de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Je vous rends attentif au fait que, pour invoquer l’article 1er A,2 de la Convention de Genève, il faut une crainte justifiée de persécutions en raison de vos opinions politiques, de votre race, de votre religion, de votre nationalité ou de votre appartenance à un groupe social et qui soit susceptible de vous rendre la vie intolérable dans votre pays.

Par contre, selon l’article 9, alinéa 1 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile. » Je vous informe qu’une demande d’asile qui peut être déclarée manifestement infondée peut, a fortiori, être déclarée non fondée pour les mêmes motifs.

Force est de constater que votre demande d’asile repose principalement sur des considérations économiques et personnelles, à savoir le désir de travailler, pouvoir vous nourrir et l’absence de famille, qui ne rentrent en aucun cas dans le cadre de la Convention de Genève.

Concernant votre emprisonnement il ne saurait à lui seul justifier une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève étant donné que cet incident est isolé puisque depuis 2000 vous n’avez plus eu de problèmes, mais de plus ce fait est trop éloigné dans le temps pour être pris en considération. Votre crainte des militaires se trouve être générale et non justifiée et raisonnable. Cette peur traduit plus un sentiment général d’insécurité qu’une crainte de persécution au sens de la prédite Convention.

Par conséquent, vous restez en défaut d’établir une crainte justifiée de persécutions en raison de vos opinions politiques, de votre race, de votre religion, de votre nationalité ou de votre appartenance à un groupe social et qui soit susceptible de vous rendre la vie intolérable dans votre pays.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Suite à un recours gracieux formulé par lettre de son mandataire du 13 décembre 2004 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration confirma sa décision initiale le 25 janvier 2005.

Par requête déposée le 23 février 2005, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation des décisions précitées du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration des 16 novembre 2004 et 25 janvier 2005.

Le recours en réformation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Le demandeur reproche au ministre compétent d’avoir commis une erreur d’appréciation en refusant sa demande d’asile, soutenant que sa situation lui serait intolérable dans son pays d’origine, dès lors qu’en 2000, il aurait été arrêté et brutalisé par des militaires en raison de sa participation à une manifestation estudiantine prétendument prohibée, militaires qui l’auraient même injustement retenu pendant 9 jours et qu’il ne serait pas exclu qu’il subisse un sort identique en cas de retour en Gambie.

Le représentant étatique soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, force est de constater que le demandeur n’a pas fait état à suffisance de droit d’un état de persécution ou d’une crainte de persécution correspondant aux critères de fond définis par la Convention de Genève, le récit du demandeur étant essentiellement empreint de considérations d’ordre matériel et économique, qui ne constituent pas un motif d’obtention du statut de réfugié, d’une part, et les prétendus arrestations et mauvais traitements en relation avec sa participation à une manifestation prohibée, même à les supposer établis, quod non, constituent, comme l’a relevé à juste titre le ministre compétent, un fait resté isolé et trop éloigné dans le temps pour justifier une crainte de persécution concrète et actuelle, c’est-à-dire qu’il s’en dégage tout au plus un sentiment général d’insécurité, mais non pas la preuve de ce que la vie lui a été ou serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Schroeder, premier juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 9 juin 2005, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19353
Date de la décision : 09/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-06-09;19353 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award