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09/06/2005 | LUXEMBOURG | N°18675

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 juin 2005, 18675


Numéro 18675 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 septembre 2004 Audience publique du 9 juin 2005 Recours formé par la société de droit irlandais Q. Ltd, … (IRL) contre un bulletin d’impôt émis par le bureau d'imposition sociétés 5 en matière d’impôt sur le revenu des collectivités

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18675 du rôle, déposée le 29 septembre 2004 au greffe du tribunal adm

inistratif par Maître René FALTZ, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocat...

Numéro 18675 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 septembre 2004 Audience publique du 9 juin 2005 Recours formé par la société de droit irlandais Q. Ltd, … (IRL) contre un bulletin d’impôt émis par le bureau d'imposition sociétés 5 en matière d’impôt sur le revenu des collectivités

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18675 du rôle, déposée le 29 septembre 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître René FALTZ, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société de droit irlandais Q. Ltd, établie et ayant son siège social à …, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’un bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités pour l’année 2002 émis le 30 octobre 2003 par le bureau d'imposition sociétés 5;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 décembre 2004;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 31 janvier 2005 par Maître René FALTZ pour compte de la société Q. Ltd;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 février 2005;

Vu les pièces versées en cause et notamment le bulletin critiqué;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Kimty PLENNEVAUX, en remplacement de Maître René FALTZ, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 16 mars 2005.

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Au cours de l’année 1989, la société de droit irlandais Q. Ltd, préqualifiée, ci-après désignée par la « société Q. », acquit deux étages d’un immeuble sis à Luxembourg, 41, avenue de la Gare, et les donna en location.

Pour les années d’imposition 1996 à 1998, le bureau d'imposition sociétés 5 refusa, à travers des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités pour ces trois années émis le 5 octobre 2000, dans le chef de la société Q. le report des pertes réalisées au cours de ces exercices. Une réclamation de la société Q. du 28 décembre 2000 contre ces trois bulletins d’impôt fut déclarée irrecevable par une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 7 juin 2001 au motif que les bulletins d’impôt en cause ont tous fixé des cotes d’impôt égales à zéro et que la société Q. serait ainsi sans intérêt pour les critiquer.

Après avoir, à travers un courrier de son mandataire du 13 août 2001, sollicité dudit directeur une prise de position quant à la question de savoir si des pertes par elle réalisées au cours des années 1999 et 2000 seraient reportables sur un bénéfice éventuellement dégagé durant l’année 2001, demande apparemment restée sans réponse, la société Q. soumit le 2 avril 2003 ses déclarations pour l’impôt sur le revenu des collectivités pour les années 1999 à 2002.

Après avoir obtenu des éléments complémentaires, le bureau d'imposition sociétés 5 informa, par lettre du 25 juillet 2003, la société Q. des points sur lesquels il entendait s’écarter de ses déclarations dans les termes suivants :

« Monsieur, En vertu du paragraphe 205, alinéa 3 de la loi générale des impôts (AO), je vous informe, préalablement à l’imposition, qu’il sera dérogé à vos déclarations pour l’impôt sur le revenu des collectivités des années 1999-2002 sur les points suivants :

- étant donné que les revenus réalisés par Q. Limited sont considérés comme revenus provenant de la location de biens et que par conséquent l’article 157 (2) L.I.R. ne sort pas ses effets, le report de pertes est refusé.

- redressement du taux d’amortissement sur la construction (1,5 %), l’amortissement déductible est de 545.472,- Luf pour les années 1999-2001 et 13.521,90 € pour l’année 2002, - les différences de change sur le prêt BBL ne constituent pas des frais d’obtention et sont ajoutées au résultat déclaré (1999 : + 2.110.425 Luf, 2000 : + 3.475,- Luf et 2001 : + 848,- Luf), - la différence de change sur le prêt BBL ne constitue pas une recette imposable et sera donc déduite du résultat déclaré.

Je vous invite à fournir vos objections y afférentes pour le 18.08.2001 au plus tard, ce délai passé, l’imposition des exercices 1999-2002 sera établie en tenant compte des redressements envisagés ».

Suite à une prise de position de la société Q. par courrier de son mandataire du 8 août 2003, le bureau d'imposition sociétés 5 émit le 30 octobre 2003 les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités pour les années 1999 à 2002 opérant, suite au courrier précité du 25 juillet 2003, par rapport aux déclarations d’impôt soumises les redressements ainsi précisés :

« Etant donné que les revenus réalisés par Q. LIMITED sont considérés comme revenus provenant de la location de biens et que par conséquent l’article 157 (2) LIR ne sort pas ses effets, le report de pertes est refusé.

Amortissement de la construction : 545.472 LUF.

La différence de change sur le prêt BBL ne constitue pas des frais d’obtention ».

Les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités pour les années 1999 à 2001 retiennent tous dans le chef de la société Q. un résultat négatif pour ces exercices, tandis que le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités pour l’année 2002 fixe un revenu imposable arrondi de 38.250.- € et une cote d’impôt sur le revenu des collectivités de 8.415.-

€.

Sa réclamation du 30 janvier 2004 à l’encontre du bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités pour l’année 2002 étant restée sans réponse de la part du directeur de l’administration des Contributions directes, la société Q. a fait introduire, par requête déposée le 29 septembre 2004, un recours contentieux tendant à la réformation, sinon à l’annulation dudit bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités pour l’année 2002 du 30 octobre 2003.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3) 3. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre un bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités en l’absence d’une décision du directeur de l’administration des Contributions direct ayant statué sur les mérites d’une réclamation contre ce même bulletin. Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en réformation, lequel est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Le recours subsidiaire en annulation est en conséquence irrecevable.

Si c’est à juste titre que le délégué du gouvernement entend voir préciser que le bulletin d’impôt critiqué n’a pas été émis par « l’Administration des Contributions directes », mais par le bureau d'imposition sociétés 5, il y a lieu de suivre la société demanderesse dans son argumentation que cette identification erronée de l’autorité ayant émis le bulletin d’impôt critiqué n’affecte pas la recevabilité du recours, étant donné qu’un recours contentieux est dirigé contre l’acte ayant fait l’objet de la réclamation et non pas contre l’autorité ayant émis cet acte.

Quant au report de pertes Quant à l’application de la loi luxembourgeoise A l’appui de son recours, la société demanderesse soutient que les deux conditions posées par l’article 157 (2) de la loi modifiée du 6 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, en abrégé « LIR », pour un report de pertes, à savoir que les pertes en question soient visées par l’article 109 (1) LIR et qu’elles soient en relation économique avec des revenus indigènes se trouveraient réunies en l’espèce. Elle conteste l’interprétation donnée par le bureau d'imposition que ses revenus luxembourgeois seraient à qualifier de revenus de location de biens, pour lesquels un report de pertes ne serait pas possible, et non pas, tel qu’il serait le cas pour une société commerciale résidente, un bénéfice commercial en raison de la forme commerciale de la société. Elle estime que son revenu luxembourgeois devrait être qualifié de bénéfice commercial au sens de l’article 14 LIR au motif que les quatre critères positifs et les deux critères négatifs se trouveraient vérifiés dans son chef.

Afin de résoudre le litige divisant les parties à l’instance, il y a d’abord lieu de dégager la qualification du revenu réalisé par la société demanderesse à travers la mise en location des deux étages de l’immeuble prémentionné qui lui appartiennent.

L’article 156 LIR dispose notamment comme suit :

« Sont considérés comme revenus indigènes des contribuables non résidents 1. le bénéfice commercial au sens des articles 14 et 15 :

a) lorsqu’il est réalisé directement ou indirectement par un établissement stable ou un représentant permanent au Grand-Duché, excepté toutefois lorsque le représentant permanent est négociant en gros, commissionnaire ou représentant de commerce indépendant ;

b) lorsque le contribuable non résident exerce au Grand-Duché une activité soumise à une autorisation préalable en vertu des lois de colportage et les professions ambulantes ;

c) lorsqu’il est retiré d’une activité exercée au Grand-Duché de façon personnelle par des professionnels du spectacle ou des sportifs professionnels ; (..).

7. les revenus provenant de la location de biens au sens de l’article 98, lorsque les biens, droits ou informations y visés sont situés dans le pays, sont inscrits sur un registre public indigène ou sont mis en valeur dans un établissement stable indigène ».

Les travaux préparatoires de la loi précitée du 6 décembre 1967 commentent la question de la qualification de revenus réalisés au pays par des contribuables non résidents comme suit :

« On sait que les revenus provenant de capitaux mobiliers, les revenus provenant de la location de biens, les revenus de réalisation de participations visés sub 2b de l’article 117 et les bénéfices réalisés lors de la cession de substances minérales, lorsqu’ils sont compris dans le bénéfice commercial, le bénéfice agricole et forestier ou dans le bénéfice provenant de l’exercice d’une profession libérale ou assimilée, sont imposables dans ces dernières catégories de revenu. Il est évident que les dispositions afférentes, en tant qu’elles s’appliquent aux contribuables étrangers, ne peuvent concerner un bénéfice non imposable au Grand-Duché comme provenant p.ex. d’une exploitation qui n’y possède ni établissement stable, ni représentant permanent, les faits et circonstances ne rentrant pas dans le champ d’application du projet de loi devant rester indifférents. Ces dispositions peuvent donc jouer seulement lorsque le contribuable étranger est soumis à l’impôt indigène du chef d’un bénéfice. Dans le cas contraire, les revenus en question sont à soumettre à l’impôt comme s’ils avaient été réalisés en dehors d’une exploitation » (projet de loi concernant l’impôt sur le revenu, doc. parl 5714, ad art. 200, p. 320).

Il s’en dégage que le législateur luxembourgeois, en adoptant la loi prévisée du 6 décembre 1967, a entendu appliquer le principe de la territorialité de la loi fiscale en consacrant le principe de la considération isolée des revenus de source luxembourgeoise, d’après lequel la question de l’attribution d’un revenu de source luxembourgeoise d’un contribuable non résident à l’une des catégories prévues par l’article 156 LIR doit être opérée au regard des seuls caractères propres de l’activité exercée au Luxembourg, entraînant que les éléments relatifs à l’activité du contribuable à l’étranger, exercée ainsi en dehors du champ d’application de la loi fiscale luxembourgeoise, ne sont pas pris en considération dans ce cadre.

Par voie de conséquence, une société de capitaux étrangère n’exerçant au Luxembourg aucune activité commerciale à travers un établissement stable ou un représentant permanent et cantonnant son activité luxembourgeoise à la location de biens immobiliers dont elle est propriétaire est considérée au Luxembourg comme réalisant un revenu de location, étant donné qu’il y a lieu de faire abstraction du caractère commercial de l’activité à l’étranger de la société en question (cf. ETUDES FISCALES n° 39/40, Henri MICHELS : L’Impôt sur le Revenu des Collectivités, p. 26 ; Jean-Pierre WINANDY : Les impôts sur le revenu et sur la fortune, 4e édit., n° 526, p. 498).

Force est donc de conclure dans un premier temps que le revenu provenant de la location des deux étages en cause est en principe à qualifier de revenu de location de biens.

S’il est vrai que la société demanderesse affirme que les critères pour qualifier ce même revenu de bénéfice commercial se trouveraient vérifiées en l’espèce, il échet de rappeler que la location d’un immeuble constitue la simple gestion d’un patrimoine privé et qu’elle ne devient une activité commerciale que si la location s’accompagne d’autres prestations ou aménagements et si l’activité globale dépasse les limites de la gestion d’un patrimoine privé pour se présenter globalement comme celle d’un commerçant parce que la location devient l’accessoire et que le propriétaire déploie une activité apparente.

Or, au-delà de son affirmation de principe tendant à voir reconnaître la qualification commerciale de son activité de location d’un bien immobilier, la société demanderesse ne fait point état d’autres prestations ou aménagements spécifiques de sa part en relation avec cette même location et dont l’importance serait de nature à affecter la qualification du résultat financier de cette location comme revenu de location de biens.

Il en découle que c’est à bon droit que le bureau d'imposition sociétés 5 a qualifié le revenu net dégagé par la société demanderesse à travers la mise en location des deux étages de l’immeuble prévisé de revenu de location de biens.

En ce qui concerne la déduction de pertes antérieures par un contribuable non résident, l’article 157 (2) LIR dispose que « … les dispositions de l’article 109, alinéa 1er, numéro 4 sont applicables à condition que les pertes y visées soient en relation économique avec des revenus indigènes ».

Or, aux termes dudit article 109 (1) 4. LIR, sont déductibles du total des revenus nets « les pertes antérieures reportées pour autant qu’elles répondent aux conditions fixées à l’article 114 ».

Ledit article 114 (1) LIR détermine les conditions de déduction de pertes antérieures comme suit :

« Le contribuable peut, dans les conditions définies au second alinéa, déduire à titre de dépenses spéciales, les pertes survenues au cours des exercices d’exploitation clôturées après le 31 décembre 1990 dans son entreprise commerciale, dans son exploitation agricole ou forestière ou dans l’exercice de la profession libérale ».

Cette disposition légale restreint partant le cercle des pertes éligibles pour un report sur le total des revenus nets d’une année d’imposition subséquente à celles accrues dans les trois catégories de revenus nets limitativement énumérées du bénéfice commercial, du bénéfice agricole et forestier et du bénéfice provenant de l’exercice d’une profession libérale. Il s’ensuit a contrario qu’au vœu de l’article 114 (1) LIR, les pertes antérieures découlant de l’activité de location de biens sont exclues du report sur le total des revenus nets d’une année d’imposition subséquente.

Il s’ensuit que c’est par une juste application de la loi luxembourgeoise que le bureau d'imposition sociétés 5 a refusé le report des pertes de location des exercices antérieurs sur le revenu positif de location de biens dégagé par la société demanderesse au cours de l’année 2002 et que le moyen de la société demanderesse relatif à une mauvaise application de la loi interne est à rejeter.

Quant à la conformité au droit communautaire La société demanderesse conclut encore que, dans la mesure où le report de pertes lui semble être refusé du fait de sa qualité de société commerciale irlandaise et où une société commerciale indigène bénéficierait d’un tel report de pertes, une telle différence de traitement entre sociétés selon le lieu de leur siège social serait contraire à l’article 52 du Traité de Rome et elle demande le cas échéant de soumettre une question préjudicielle afférente à la Cour de Justice des Communautés européennes.

A cet égard, il y a lieu de relever que la catégorie des revenus de location de biens fait partie de la catégorie de revenus déterminés par comparaison des recettes et dépenses (« Ertragssteuerrecht »), dans le cadre desquels le report de pertes d’années antérieures est exclu, tandis que le bénéfice commercial fait partie des catégories de revenus déterminés sur base d’une comptabilité d’engagement (« Bilanzsteuerrecht »), dans le cadre desquels le report de pertes d’années antérieures est admis. Ces deux catégories de revenus sont ainsi soumises à des régimes fondamentalement différents qui présentent à plusieurs égards des avantages et désavantages respectifs suivant la situation personnelle d’un contribuable. Par voie de conséquence, afin d’examiner la question de conformité au droit communautaire soulevée par la société demanderesse, la question du droit au report de pertes d’années antérieures ne peut pas être considérée isolément, mais il faut prendre en considération au-

delà de cet élément isolé toutes les caractéristiques des deux régimes et une non-conformité au droit communautaire ne saurait être retenue que si le régime des revenus de location de biens, applicable à l’activité de location d’une société commerciale étrangère, présente en ses éléments essentiels une inégalité de traitement par rapport au régime du bénéfice commercial régissant l’activité de location d’une société commerciale indigène.

Or, la société demanderesse incrimine exclusivement l’interdiction du report de pertes antérieures lui appliquée c’est-à-dire qu’elle néglige tant les autres modalités contre-

balançant ladite interdiction du régime des revenus de location de biens, de même qu’elle omet la prise en considération des modalités autres que le report de pertes dans le régime du bénéfice commercial, de manière que la preuve d’une situation discriminatoire laisse d’être établie, la question préjudicielle suggérée étant quant à elle à écarter pour manquer de pertinence.

Quant au taux d’amortissement La société demanderesse critique ensuite le redressement par le bureau d'imposition sociétés 5 du taux d’amortissement de 2% par elle appliqué au bien immobilier en cause lui appartenant par celui de 1,5% en soulevant que la fixation de ce taux reviendrait à considérer une durée de vie d’un bâtiment allant au-delà de 50 ans, alors que la durée de vie couramment admise serait de 20 à 50 ans. Elle ajoute qu’on pourrait constater partout sur le territoire de la Ville de Luxembourg, et notamment dans le quartier de la Gare, que des bâtiments construits depuis 30 à 40 ans seraient détruits pour être remplacés par de nouveaux centres et que l’immeuble abritant les deux étages lui appartenant et répondant à cette situation devrait dès lors être considéré comme ayant une durée de vie de 30 à 40 ans. La société demanderesse offre encore de prouver notamment par expertise que l’immeuble en cause, compte tenu de situation géographique, de son ancienneté actuelle et de son affectation, n’aurait pas une durée de vie supérieure à 40 ans.

Dans la mesure où le revenu de location indigène de la société demanderesse a été correctement qualifié de revenu de location de bien, il y a lieu de faire application, en ce qui concerne le régime de l’amortissement à déduire, de l’article 105 (2) 3. LIR qui fait rentrer l’amortissement pour usure ou pour diminution de substance, tel que prévu à l’article 106 LIR, parmi les frais d’obtention déductibles dans le cadre des revenus de location de biens.

L’article 106 LIR ne formule, quant au bien en cause en l’espèce, pas des règles autonomes concernant la fixation de la durée d’amortissement, mais habilite à travers son paragraphe (4) le Grand-Duc à fixer forfaitairement la base ou le taux d’amortissement des immeubles bâtis ou de certaines catégories de ceux-ci.

Le règlement grand-ducal modifié du 19 novembre 1999 portant exécution de l’article 106 alinéas 3 et 4 LIR dispose dans son article 2 (1) que « les taux d’amortissement fixés ci-après s’appliquent à la base respective telle qu’elle est déterminée par l’article 1er.

Les taux se différencient selon l’âge, l’affectation et la base d’amortissement des immeubles conformément au tableau de l’alinéa 2 ». Etant donné que l’immeuble litigieux en l’espèce a été, d’après les déclarations d’impôt de la société demanderesse, construit en 1987 et acquis par elle en 1989, l’article 2 (2) 1. fixe le taux d’amortissement pour un tel immeuble dont l’achèvement au 1er janvier 2002 remonte à moins de 30 ans en principe à 1,5% et admet un taux de 2% pour « usure plus forte dûment justifiée ». Il y a lieu d’ajouter qu’au vu de la date d’acquisition les taux majorés prévus au point 2. du tableau de l’article 2 (2) ne trouvent pas application, tout comme il n’est ni allégué, ni établi en cause que les étages loués par la société demanderesse sont affectés au logement locatif, de manière que les taux spéciaux du point 3. du tableau de l’article 2 (2) ne sauraient non plus être invoqués.

En imprimant à travers l’article 106 (4) LIR un caractère forfaitaire aux taux d’amortissement déterminés par le règlement grand-ducal précité du 19 novembre 1999, le législateur a clairement entendu exclure, contrairement au régime d’amortissement prévu par l’article 32 LIR, toute discussion sur la durée usuelle d’utilisation et a conféré au pouvoir réglementaire le droit de fixer des taux d’amortissement uniformément applicables à tout immeuble bâti ne faisant pas partie d’un actif net investi. La seule différenciation du taux d’amortissement admise par l’article 2 (2) du règlement grand-ducal précité du 19 novembre 1999 est celle de savoir si l’immeuble est soumis à une usure plus forte, mais, en disposant que cette usure plus forte doit être « dûment justifiée », cette disposition impute au contribuable concerné la charge de prouver concrètement une usure plus forte qui justifierait l’application du taux majoré y prévu.

Il s’ensuit en l’espèce que la fixation par le bureau d'imposition sociétés 5 du taux d’amortissement de 1,5% au bien immobilier litigieux de la société demanderesse est conforme à l’article 2 (2) 1. du règlement grand-ducal prévisé du 19 novembre 1999 et que cette dernière ne peut prétendre à l’application du taux de 2% qu’en justifiant une usure plus forte de son bien immobilier.

Or, force est de constater que la société demanderesse, en se basant notamment sur le constat empirique de la destruction de nombre de bâtiments d’un certain âge en vue de leur remplacement et sur une durée de vie couramment admise, entend essentiellement contester la durée usuelle d’utilisation à la base du taux d’amortissement de 1,5%, discussion qui n’est cependant pas pertinente au vu du caractère forfaitaire de ce taux d’amortissement. Par contre, la société demanderesse n’a soumis au tribunal ni des éléments concrets, ni un exposé dans ses mémoires en ce qui concerne les caractéristiques techniques de son bien immobilier en cause, son affectation et les circonstances qui seraient de nature à entraîner une usure supérieure à celle d’usage normal et justifier dès lors l’application du taux de 2%, mais se limite à formuler une offre de preuve par voie d’expertise.

Pourtant, ce n’est que lorsque des éléments concordants résultant du dossier font croire aux faits dont un demandeur offre de rapporter la preuve que le tribunal fait droit à pareille demande, une telle mesure d’instruction ne devant pas permettre à une partie de suppléer aux carences de l’exposé de son moyen ou des preuves qu’elle serait en mesure de fournir par ses propres moyens. Comme de tels éléments concordants ne se dégagent pas du dossier, la demande en institution d’une mesure d’instruction est à écarter.

Il s’ensuit que la prétention de la société demanderesse quant à l’application d’un taux d’amortissement supérieur à celui admis par le bureau d'imposition sociétés 5 laisse également d’être justifiée.

N’étant fondé en aucun de ses moyens, le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

La demande de la société demanderesse en allocation d’une indemnité de procédure de 1.000 € est également à rejeter, les conditions légales afférentes ne se trouvant pas réunies en l’espèce.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, reçoit le recours principal en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable, rejette la demande de la société demanderesse en allocation d’une indemnité de procédure de 1.000 €;

condamne la société demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. CAMPILL, vice-président, M. SCHROEDER, premier juge, M. SPIELMANN, juge, et lu à l’audience publique du 9 juin 2005 par le vice-président en présence de M.

LEGILLE, greffier.

LEGILLE CAMPILL 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 18675
Date de la décision : 09/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-06-09;18675 ?

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