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08/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19365

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 juin 2005, 19365


Tribunal administratif N° 19365 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 février 2005 Audience publique du 8 juin 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision en matière de police des étrangers

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19365 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 février 2005 par Maître Chris SCOTT, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … , de nationalité tanzanienne, demeurant actuellement L-…, tendant à la réformatio

n, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigrati...

Tribunal administratif N° 19365 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 février 2005 Audience publique du 8 juin 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision en matière de police des étrangers

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19365 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 février 2005 par Maître Chris SCOTT, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … , de nationalité tanzanienne, demeurant actuellement L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 6 janvier 2005 lui refusant une autorisation de séjour au Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 mars 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 13 avril 2005 par Maître Chris SCOTT ;

Vu les pièces versées en cause ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 23 mai 2005, Maître Sandra CORTINOVIS, en remplacement de Maître Chris SCOTT et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH s’étant rapportés aux écrits de leurs parties.

En date du 5 mars 2001, Monsieur … introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève.

Par une décision du 21 octobre 2003, confirmée le 8 décembre 2003, le ministre de la Justice refusa à Monsieur … le statut de réfugié.

Par un arrêt du 7 octobre 2004 (n° du rôle 18184C) la Cour administrative a confirmé un jugement du tribunal administratif du 12 mai 2004 (n° du rôle 17429) déclarant le recours introduit par Monsieur … à l’encontre la décision ministérielle lui refusant le statut de réfugié non fondé.

Le 28 octobre 2004, l’association de soutien aux travailleurs immigrés (ASTI) introduisit auprès du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande tendant à l’obtention d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires en faveur de Monsieur … au motif qu’au vu de la situation actuelle en Tanzanie, il serait impossible de le renvoyer dans son pays d’origine et qu’il serait capable de s’intégrer sur le marché du travail luxembourgeois, une fois en possession d’une autorisation de séjour.

Le 6 janvier 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration refusa l’autorisation de séjour à Monsieur … aux motifs qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels suffisants et que, par ailleurs, il n’a pas fait état de raisons humanitaires justifiant dans son chef une autorisation de séjour.

Par requête déposée en date du 24 février 2005 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision ministérielle du 6 janvier 2005.

Aucun recours au fond n’étant prévu en la matière, le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours en réformation.

En ce qui concerne le recours en annulation introduit, le délégué du Gouvernement se rapporte à prudence de justice quant à sa recevabilité dans la mesure où les moyens invoqués seraient identiques à ceux invoqués dans le cadre de la procédure contentieuse en matière de statut de réfugié.

Etant donné qu’il y a lieu d’analyser la pertinence des moyens invoqués dans le cadre de l’examen au fond du recours, le recours en annulation introduit est recevable dans la mesure où il a été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur soulève d’abord l’incompétence du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, encore que c’est bien à celui-ci que la demande a été adressée, pour prendre la décision litigieuse, au motif que seul le ministre de la Justice serait investi de cette compétence au titre de l’article 13, paragraphe 3 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoyant un statut de tolérance.

Le délégué du Gouvernement répond que le ministre n’aurait pas statué en matière de statut de tolérance, mais en matière d’autorisation de séjour et qu’au vu de l’arrêté grand-ducal du 7 août 2004 portant constitution des Ministères, la compétence en matière d’autorisation de séjour relèverait du seul ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration.

En l’espèce, il est constant que la demande a été traitée, conformément aux souhaits clairement exprimés dans la demande, comme une demande tendant à obtenir une autorisation de séjour pour raisons humanitaires. En effet il y est précisé : « Nous demandons de bien vouloir octroyer une autorisation de séjour pour raisons humanitaires à Monsieur …. Une autorisation de séjour d’une année pourrait laisser la possibilité à Monsieur … de prouver son intégration. Monsieur … est conscient du fait qu’il va falloir prouver sa capacité d’intégration en recevant une autorisation de séjour et qu’il va falloir trouver un emploi pour garantir ses ressources financières. Il est également conscient du fait que s’il ne réussit pas à trouver un travail en cas d’autorisation de séjour, son autorisation ne pourrait ainsi plus être prolongée ».

Même si actuellement dans le cadre la procédure contentieuse, l’avocat de Monsieur … tente de faire valoir que la demande serait à analyser comme une demande tendant à l’obtention du statut de tolérance et que le ministre aurait statué en application de la loi modifiée du 3 avril 1996, il ressort clairement des pièces du dossier que le ministre des Affaires étrangères ne s’est pas mépris sur la portée de la demande introduite et a traité la demande dans le cadre d’une autorisation de séjour. En effet, le ministre souligne d’un côté que le demandeur ne dispose pas de moyens d’existence personnels suffisants, lui permettant de refuser la demande introduite en application de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers et d’un autre côté que Monsieur … n’a pas fait état de raisons humanitaires justifiant dans son chef l’octroi d’une autorisation de séjour au Luxembourg.

Etant donné dès lors que la décision litigieuse se situe dans le cadre d’une autorisation de séjour, c’est à juste titre que le représentant étatique se prévaut de l’arrêté grand-ducal du 7 août 2004 portant constitution des Ministères attribuant compétence au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière d’entrée et de séjour des étrangers pour rencontrer le moyen soulevé par le demandeur ayant trait à l’incompétence de l’autorité ayant pris la décision litigieuse.

En effet, l’article 76 de la Constitution autorise le Grand-Duc à régler l’organisation de son Gouvernement. Il résulte de ce texte que le Grand-Duc peut librement créer les ministères et faire la répartition des départements ou des affaires ministérielles entre les ministres (voir Pierre MAJERUS, L’Etat luxembourgeois, éd.

1983, page 162). En matière d’organisation du gouvernement cette disposition constitutionnelle confère au Grand-Duc un pouvoir réglementaire direct et autonome en disposant que le Grand-Duc règle l’organisation de son gouvernement. Ce pouvoir est donc indépendant de la cause d’ouverture fondamentale des règlements qui est l’exécution des lois. L’octroi de ce pouvoir autonome par la Constitution procède de l’idée de la séparation des pouvoirs : l’organe gouvernemental doit être indépendant à l’égard du Parlement ; pour cette raison, il doit pouvoir déterminer en pleine indépendance son organisation intérieure. Dans le domaine circonscrit par la notion de l’ « organisation du Gouvernement », le Grand-Duc exerce un pouvoir discrétionnaire et originaire; les règlements fondés sur l’article 76 de la Constitution sont donc, dans leurs domaines, des actes équipollents aux lois (voir Pierre PESCATORE, Introduction à la science du droit, éd. 1978, n° 95, page 152).

Il s’ensuit que le prédit arrêté du 7 août 2004, ayant force de loi, a modifié la législation en matière d’« entrée et de séjour des étrangers » en ce sens que la compétence ministérielle revient dorénavant au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, de sorte que le moyen tiré de l’incompétence de l’autorité ayant pris la décision litigieuse est non fondé1.

Le défaut de moyens d’existence personnels n’étant pas contesté, il y a lieu d’analyser le seul moyen soulevé par le demandeur en ce qu’il estime que même si la situation avait évolué en Tanzanie, il demeurerait que sa situation individuelle serait telle qu’elle laisserait supposer une crainte justifiée de persécution du fait de ses opinions 1 TA 17 novembre 2004, n° 18823 du rôle, disponible sur www.ja.etat.lu politiques, et notamment du fait de son appartenance à un parti politique d’opposition, de sorte à justifier dans son chef l’octroi du statut de tolérance.

Etant donné que la demande introduite ne s’analyse pas en une demande tendant à l’octroi du statut de tolérance tel que prévu par l’article 13, paragraphes 3 à 5 de la loi modifiée du 3 avril 1996 précitée, mais clairement en une demande en obtention d’une autorisation de séjour, le moyen tel que présenté par le demandeur est à écarter pour manquer de pertinence.

A défaut d’autre base légale invoquée pour justifier l’octroi d’une autorisation de séjour, il se dégage dès lors des considérations qui précèdent que le recours n’est fondé en aucun de ses moyens, de sorte qu’il est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour analyser le recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais, Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 8 juin 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19365
Date de la décision : 08/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-06-08;19365 ?

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