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08/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19264

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 juin 2005, 19264


Tribunal administratif N° 19264 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 février 2005 Audience publique du 8 juin 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision de la ministre de la Famille et de l’Intégration en matière d’aide sociale

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19264 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 4 février 2005 par Maître Pascale PETOUD, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Sapele (Nigeria), de nationalité nigÃ

©riane, ayant demeuré à L-…, tendant à l’annulation d’une décision de la ministre de la Famill...

Tribunal administratif N° 19264 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 février 2005 Audience publique du 8 juin 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision de la ministre de la Famille et de l’Intégration en matière d’aide sociale

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19264 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 4 février 2005 par Maître Pascale PETOUD, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Sapele (Nigeria), de nationalité nigériane, ayant demeuré à L-…, tendant à l’annulation d’une décision de la ministre de la Famille et de l’Intégration du 1er février 2005 par laquelle il s’est vu priver de toute aide sociale en tant que demandeur d’asile sauf la prise en charge par le Commissariat du gouvernement aux étrangers des cotisations d’assurances sociales ;

Vu l’ordonnance du 10 février 2005 déclarant non justifiée une demande en sursis à exécution et subsidiairement en institution d’une mesure de sauvegarde présentée par le demandeur à l’encontre de la décision pré-indiquée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 8 avril 2004 ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Pascale PETOUD et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

Monsieur … introduisit en date du 21 avril 2004 une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971.

Après s’être vu attribuer d’abord un logement à Wecker et avoir été logé ensuite au camping Dillingen, Monsieur … se vit attribuer un logement au « Foyer Majerus » sis à Luxembourg 344, route de Longwy à partir du 24 septembre 2004.

Par courrier du 20 janvier 2005, le commissaire du gouvernement aux étrangers, agissant pour compte de la ministre de la Famille et de l’Intégration, ci-après dénommée la « ministre », s’adressa à Monsieur … dans les termes suivants :

« Suite aux renseignements de l’hôtelier, le Commissariat du Gouvernement aux étrangers (CGE) a pris connaissance du fait que : (…) - vous avez abandonné le centre d’hébergement sans en avoir informé le CGE - vous avez commis un manquement grave aux règlements des logements, notamment par rapport [à l’article 8].

Le CGE interprète votre comportement comme un refus de collaboration manifeste de votre part et considère ceci comme une omission flagrante de vous acquitter des obligations imposées par le Règlement des Logements que vous avez lu et approuvé.

En vertu de l’art. 4 du Règlement Grand-Ducal fixant les conditions et modalités d’octroi d’une aide sociale au demandeur d’asile, le CGE a l’intention de limiter, voire de vous retirer le bénéfice de l’aide sociale.

Le CGE vous accorde néanmoins un délai de 8 jours ouvrables à dater d’aujourd’hui pour présenter vos observations. (…) » Monsieur … prit position par rapport à cette information par courrier de son mandataire datant du 27 janvier 2005.

En date du 1er février 2005, la ministre, sous la signature du commissaire du gouvernement aux étrangers, prit la décision suivante :

« En date du 20 janvier dernier, devant trois témoins, vous avez refusé de signer la lettre recommandée qui vous a été adressée à la suite de vos disparitions, lettre dont Me Petoud fait état dans sa lettre recommandée en réponse, datée au 27 janvier 2005.

Je regrette cependant de ne pas pouvoir faire droit à votre demande nous adressée par l’intermédiaire de votre avocat pour les raisons suivantes :

En effet, après avoir été logé à Wecker le 22 avril 2004, vous avez disparu une première fois le 24 août 2004, avant de réapparaître au Commissariat du Gouvernement aux Etrangers (CGE) le 6 septembre. Vous avez alors été logé au Camping Dillingen.

Le 24 septembre, vous avez été placé par nos soins dans une structure fixe au 344, rte de Longwy, mais j’ai appris que vous ne mangiez que très rarement au Snack Capoeira. Le 19 octobre enfin, vous disparaissez une deuxième fois, sans avertir le Commissariat du Gouvernement aux Etrangers de votre départ.

Alors que je vous pensais disparu, vous réapparaissez le 20 janvier 2005 aux guichets du Commissariat du Gouvernement aux Etrangers pour y revendiquer un logement, ceci après une absence de plus de 60 jours. Vous ne fournissez aucune explication plausible quant au motif de votre disparition et l’endroit où vous avez séjourné.

Vous connaissez parfaitement les dispositions régissant le bon fonctionnement de nos centres d’hébergement contenues dans le Règlement des Logements pour l’avoir reçu en mains propres. Partant, vous avez sciemment enfreint l’article 8 qui sanctionne comme manquement grave toute disparition de plus de trois jours consécutifs. Vous tombez ainsi sous l’article 4 (4 d) du Règlement Grand-Ducal du 4 juillet 2002 fixant les conditions et modalités d’octroi d’une aide sociale aux demandeurs d’asile. Par conséquent, je me vois dans l’obligation de vous retirer une partie de l’aide sociale.

Vous bénéficierez dorénavant uniquement à titre de prestations de la prise en charge par le CGE des cotisations d’assurances sociales. (…) » Le 4 février 2005, Monsieur … a introduit un recours en annulation à l’encontre de la décision de la ministre du 1er février 2005.

Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la présente matière, le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui du recours dirigé contre la décision ministérielle prérelatée du 1er février 2005, Monsieur … expose d’abord que sa demande d’asile présentée en date du 21 avril 2004 est actuellement encore en cours d’instruction par le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, qu’au titre de l’aide sociale prévue à l’article 4 (5) de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire et conformément à l’article 1er du règlement grand-ducal du 4 juillet 2002 fixant les conditions et les modalités d’octroi d’une aide sociale aux demandeurs d’asile, ci-après dénommé le « règlement du 4 juillet 2002 », il s’était vu attribuer un logement au Foyer Majerus à Luxembourg, 344, route de Longwy, mais que fin octobre 2004, sans préjudice quant à la date exacte, il aurait reçu la visite d’une amie et qu’en raison de cette visite, il n’aurait pas dormi trois jours de suite dans le foyer. Il relève ensuite que lors de son retour, le responsable du centre, invoquant erronément quatre jours d’absence au lieu de trois, lui aurait signifié qu’il « n’aurait plus rien à faire au centre et qu’il devrait se présenter au Ministère de la Famille ». Il se serait alors immédiatement rendu au ministère de la Famille pour voir son assistante sociale, mais sur les lieux, un agent dudit ministère lui aurait refusé la possibilité de fournir une explication relativement à son comportement et lui aurait dit « de retourner dormir là où il avait dormi pendant son absence », de sorte que depuis ce jour, il n’aurait plus ni hébergement, ni nourriture, ni allocation mensuelle, ni accès aux moyens de transport public, ni encore de suivi social. Il signale qu’après s’être vu refuser à maintes reprises un rendez-vous au ministère de la Famille, il aurait enfin pu rencontrer en date du 20 janvier 2005 un agent dudit ministère qui, pour toute explication, lui aurait remis le courrier prérelaté du 10 janvier 2005.

A l’appui de son recours, M. … soutient que :

-

la procédure entamée par le courrier prérelaté du 20 janvier 2005 serait viciée en ce qu’elle n’aurait tendu qu’à entériner une décision antérieure qui aurait déjà produit ses effets depuis novembre 2004, sans préjudice quant à la date exacte ;

-

la décision du 1er février 2005 aurait été prise au mépris du respect des droits de la défense puisque de fait elle était en vigueur depuis novembre 2004 déjà ;

-

les faits ayant motivé la décision attaquée sont formellement contestés en ce qu’il nie avoir été absent de son logement pendant plus de 60 jours de son plein gré, tout en admettant avoir passé trois nuits en dehors de son logement fin octobre 2004, sans préjudice quant à la date exacte, et que cette fausse motivation équivaudrait à un défaut de motivation ;

-

la décision attaquée serait encore totalement disproportionnée.

Le délégué du gouvernement rétorque que Monsieur … aurait été logé par les services du ministère de la Famille et de l’Intégration dans une pension de famille où il a disparu pendant une dizaine de jour, ensuite sur un terrain de camping à Dillingen et finalement à partir du 24 septembre 2004 au Foyer Majeurs à Luxembourg-Ville, foyer duquel il aurait disparu le 12 octobre 2004.

Il expose plus particulièrement que Monsieur … se serait présenté au Commissariat du gouvernement aux étrangers en date du 20 janvier 2005 sans donner la moindre explication sur le motif de sa disparition du foyer dans lequel il avait été précédemment logé, ni sur l’endroit de son séjour pendant cette période de plus de trois mois et qu’il se serait vu remettre à la prédite date du 20 janvier 2005 une lettre du Commissariat du gouvernement aux étrangers lui annonçant l’intention des autorités de réduire une partie de l’aide sociale. A ladite date du 20 janvier 2005, un employé du Commissariat du gouvernement aux étrangers lui aurait encore proposé un logement au Foyer Ulysse, foyer où il ne se serait jamais présenté et le demandeur aurait également refusé le bon pour les repas couvrant la période du 20 janvier au 20 février 2005.

Finalement, le demandeur n’aurait plus eu le moindre contact avec le ministère de la Famille et de l’Intégration suite à la décision du 1er février 2005.

Au vu de ces faits, le délégué du gouvernement estime que le demandeur est particulièrement mal-placé de reprocher à la ministre de ne pas lui avoir fourni l’aide sociale nécessaire, alors que ladite ministre ignorait son lieu de séjour.

Concernant le reproche tiré du prétendu défaut de motivation de la décision attaquée, le représentant étatique estime que la motivation peut être complétée en cours de procédure contentieuse et qu’un défaut de motivation respectivement une motivation insuffisante ne serait pas sanctionnée par la nullité de la décision concernée, mais aurait pour effet que le délai de recours ne commence à courir.

Concernant la violation allégué du principe de proportionnalité, le délégué du gouvernement estime que le demandeur n’a pas respecté les règles élémentaires auxquelles tout demandeur d’asile doit se soumettre et que l’article 4 du règlement du 4 juillet 2002 permettrait expressément à la ministre de limiter ou de retirer le bénéfice de l’aide sociale lorsque le demandeur d’asile abandonne le lieu de résidence fixé par l’autorité compétente sans en avoir informé l’autorité qui lui a attribué le logement en question.

Pour le surplus, l’article 4, paragraphe sub. c) du règlement du 4 juillet 2002 prévoirait que l’aide sociale peut être retirée ou limitée lorsque le demandeur d’asile ne respecte pas l’obligation de se présenter aux autorités et ne répond pas aux demandes d’information ou encore ne se rend pas aux entretiens personnels concernant la procédure de demande d’asile dans un délai raisonnable.

Concernant en premier lieu le reproche du défaut de motivation de la décision attaquée, le tribunal constate que la décision du 1er février 2005 est motivée à la fois en fait et en droit, la ministre se référant avec précision aux disparitions de Monsieur … des différents logements lui mis à disposition et invoquant comme base légale l’article 4 du règlement de 2002.

Concernant plus précisément ces absences, il échet de constater qu’il ressort du relevé des entrées et sorties du Foyer Majerus versé en cause que, mis à part un séjour de cinq heures en date du 8 octobre 2004 et un séjour d’à peine une heure en date du 11 octobre 2004, le demandeur a été absent dudit foyer à partir du 9 octobre jusqu’au 20 octobre 2004, qu’il n’y a pas pris les repas pendant cette période et que sa sortie fut confirmée à partir du 21 octobre 2004.

Pour le surplus, il ressort d’un relevé manuscrit que Monsieur … a enlevé ses affaires de son armoire audit foyer en date du 23 novembre 2004. A cela s’ajoute qu’il ressort d’une attestation de Monsieur A.A., assistant social auprès du ministère de la Famille, que le demandeur s’est vu remettre en date du 20 janvier 2005 le plan du Foyer Ulysse ainsi qu’un bon de repas pour la « Vollekskichen » pour une durée d’un mois, mais qu’il n’a pas pris les documents en question et n’a pas voulu signer un accusé de réception de la lettre recommandée du 20 janvier 2005 à son adresse, ledit assistant social attestant également que le demandeur, après sa disparition en date du 12 octobre 2004, ne s’est plus représenté au bureau de la section logement du Commissariat du gouvernement aux étrangers en vue de son relogement avant le 20 janvier 2005.

Aux termes de l’article 4 (4) du règlement du 4 juillet 2002, le ministre peut limiter ou retirer le bénéfice de l’aide sociale dans les cas suivants :

« c) lorsqu’un demandeur d’asile -

abandonne le lieu de résidence fixé par l’autorité compétente sans en avoir informé ladite autorité ou -

ne respecte pas l’obligation de se présenter aux autorités, ne répond pas aux demandes d’information ou ne se rend pas aux entretiens personnels concernant la procédure de demande d’asile dans un délai raisonnable (…) ».

En l’espèce, au vu des pièces versées au dossier, force est de constater que le demandeur a effectivement abandonné son lieu de résidence fixé par l’autorité compétente à partir du 9 octobre 2004, sans en avoir informé ladite autorité, et qu’il ne s’est représenté devant lesdites autorités qu’en date du 20 janvier 2005, soit près de 100 jours plus tard, de sorte que c’est à juste titre que la ministre a pu lui retirer une partie du bénéfice de l’aide sociale sans violer le principe de proportionnalité mis en avant par le demandeur.

Dans ce contexte, il convient de relever que la version des faits telle que présentée par le demandeur reste à l’état de simple allégation et la seule production d’une carte de rendez-vous pour le 9 novembre 2004 auprès du Commissariat du gouvernement aux étrangers ne démontre pas que le demandeur s’est effectivement rendu audit rendez-vous.

Finalement, le reproche tiré du fait que la procédure entamée par courrier du 20 janvier 2005 serait viciée dans la mesure où elle n’entérinerait qu’une décision antérieure ayant déjà produit ses effets depuis novembre 2004 et que la décision du 1er février 2005 aurait été prise au mépris des droits de la défense est à abjuger, étant donné que ladite procédure trouve son origine dans le non-respect par le demandeur des dispositions inscrites au règlement du 4 juillet 2002, le Commissariat du gouvernement aux étrangers, ignorant le lieu de séjour de Monsieur …, n’ayant par ailleurs pas pu entamer ladite procédure à son encontre avant sa venue en date du 20 janvier 2005 audit commissariat.

Au vu de ce qui précède, le recours en annulation est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Campill, vice-président, M. Schroeder, juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 8 juin 2005 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Campill 7


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19264
Date de la décision : 08/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-06-08;19264 ?

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