La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/06/2005 | LUXEMBOURG | N°17211

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 juin 2005, 17211


Tribunal administratif N° 17211 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 novembre 2003 Audience publique du 8 juin 2005

===========================

Recours formé par Monsieur et Madame …, … contre une décision du ministre de l'Intérieur en matière d'urbanisme

-----------------------------------------


JUGEMENT

Vu la requête déposée le 28 novembre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Fernand ENTRINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, retraité, et s

on épouse, Madame …, femme au foyer, les deux demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation, su...

Tribunal administratif N° 17211 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 novembre 2003 Audience publique du 8 juin 2005

===========================

Recours formé par Monsieur et Madame …, … contre une décision du ministre de l'Intérieur en matière d'urbanisme

-----------------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête déposée le 28 novembre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Fernand ENTRINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, retraité, et son épouse, Madame …, femme au foyer, les deux demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation, subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de l'Intérieur du 2 septembre 2003 portant rejet de leur réclamation dirigée contre l'adoption définitive du plan d'aménagement général de la commune de … du 4 février 2002;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Jean-Claude STEFFEN, demeurant à Esch-sur-

Alzette, du 2 décembre 2003, portant signification dudit recours à l'administration communale de …, représentée par son collège des bourgmestre et échevins, établie à la maison communale à L-…;

Vu le mémoire en réponse déposé le 9 janvier 2004 au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement;

Vu le mémoire en réponse déposé le 11 février 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, pour le compte de l'administration communale de …, préqualifiée;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal le 18 février 2004 par Maître Fernand ENTRINGER au nom des demandeurs, les époux …, préqualifiés;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Marc GRASER, demeurant à Luxembourg, du 20 février 2004, portant signification dudit mémoire en réplique à l'administration communale de …;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal le 11 mars 2004 par le délégué du gouvernement;

2 Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal le 17 mars 2004 par Maître Albert RODESCH au nom de l'administration communale de …;

Vu les pièces versées et notamment la décision critiquée;

Vu le résultat de la visite des lieux à laquelle le tribunal a procédé le 13 mai 2004;

Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Fernand ENTRINGER, Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH et Maître Albert RODESCH en leurs plaidoiries respectives.

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

En 1991, les époux … et … firent l'acquisition d'un immeuble à …, …, situé en dehors du périmètre d'agglomération.

Au courant de l'année 1998, l'administration communale de … initia une révision de son plan d'aménagement général.

La commission d'aménagement près le ministère de l'Intérieur émit son avis le 22 novembre 1999, et par délibération du 6 juillet 2000, le conseil communal approuva provisoirement le projet. Du 13 juillet au 11 août 2000, les plans provisoirement approuvés furent déposés à la maison communale et le public fut informé de ce dépôt pour lui permettre de prendre inspection des plans et de formuler, le cas échéant, ses réclamations à l'encontre du projet.

Le 10 juillet 2000 déjà, les époux … avaient formulé une réclamation tirée de ce que, contrairement à leurs expectatives, leur terrain n'avait pas été intégré dans le périmètre d'agglomération, et le 19 octobre 2000, ils furent entendus à ce sujet par le collège des bourgmestre et échevins.

Par vote du 4 février 2002, le conseil communal approuva définitivement le projet dans une teneur qui ne tint pas compte des revendications des époux …. Le 28 février 2002, ceux-ci réclamèrent auprès du ministre de l'Intérieur contre l'approbation définitive du plan d'aménagement général communal. Par avis du 6 mai 2003, la commission d'aménagement recommanda au ministre de ne pas faire droit à la réclamation et par arrêté du 2 septembre 2003, notifié aux époux … par courrier daté du 8 septembre suivant, le ministre de l'Intérieur approuva le projet dans la teneur ne tenant pas compte de leur réclamation.

Par requête déposée le 28 novembre 2003, les époux … ont introduit un recours en réformation, sinon en annulation contre ledit arrêté ministériel.

Ils font exposer que la maison dont ils sont propriétaires à … depuis 1991 a été construite avant la 2e Guerre mondiale, sans être couverte par une autorisation de bâtir et que dès 1993, ils ont entrepris, sans succès, des démarches en vue de faire incorporer le terrain abritant la construction dans le périmètre d'agglomération. Ayant sollicité l'autorisation d'améliorer leur propriété du point de vue sanitaire, leur demande se solda par un refus du bourgmestre mais par une autorisation délivrée par le ministre de l'Environnement. Par la suite, ils ont été autorisés, par la commune, à se raccorder à la canalisation. Ils expliquent que la commune leur avait encore proposé, en vue de l'intégration de leur terrain dans le périmètre d'agglomération, une cession gratuite d'une surface de 60 centiares à des fins d'aménagement 3 du trottoir. Or, malgré réalisation de cette condition, la commune aurait refusé l'intégration dans le périmètre d'agglomération sous prétexte qu'il ne fallait pas conférer une prime aux illégalités.

Les demandeurs en concluent que si la construction litigieuse existe, ce n'est pas de leur faute et qu'ils n'ont pas à pâtir d'une illégalité qu'ils n'ont pas créée. – Par ailleurs, la commune, en renonçant à empêcher la construction illégale, aurait reconnu cet état de choses.

Ne pas tenir compte de cette situation constituerait un abus de droit, sinon un excès de pouvoir. – Finalement, aucun motif objectif ne militerait en faveur du refus d'incorporation du terrain litigieux dans le périmètre d'agglomération. Les autorités communales et étatiques avanceraient d'ailleurs des motifs contradictoires de refus. En effet, tandis que la commune se prévaudrait de ce que l'acceptation de la demande engendrerait une extension du périmètre d'agglomération et risquerait de porter atteinte à la zone verte sensible dont l'étendue devrait être maintenue et que le terrain serait situé le long d'un chemin rural dépourvu des infrastructures nécessaires, le ministre de l'Intérieur parlerait d'une situation urbanistique malsaine, en raison du fait qu'une petite parcelle de forme triangulaire appartenant à un tiers s'intercalerait entre la propriété des demandeurs et la dernière maison construite et incluse dans la zone constructible.

Les décisions relatives à la création et à la modification des plans d'aménagement communaux étant des actes réglementaires et la loi ne prévoyant pas de recours au fond dans la matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation de la décision ministérielle du 2 septembre 2003.

Le délégué du gouvernement ainsi que l'administration communale de … soulèvent encore l'irrecevabilité de la demande subsidiaire en annulation, au motif que celle-ci aurait été introduite en dehors du délai légalement prévu en la matière. Ils se prévalent de l'article 9, alinéa 3 de la loi du 12 juin 1937 concernant l'aménagement des villes et autres agglomérations importantes, applicable au présent litige, qui prévoit que les objections contre les plans provisoirement approuvés doivent être présentées par écrit au collège des bourgmestre et échevins dans un délai de trente jours, à peine de forclusion, ce délai prenant cours, en vertu de l'alinéa 2 du même article, à partir du dépôt à la maison communale avec information du public de ce dépôt. Or, en l'espèce, la réclamation aurait été introduite de manière prématurée, avant même que le délai en question eût commencé à courir. En effet, celui-ci aurait commencé à courir le 13 juillet 2000, mais la réclamation aurait été introduite le 10 juillet 2000 déjà. Le dépassement du délai étant sanctionné, en vertu d'une jurisprudence bien assise, par la forclusion, il devrait en être de même en cas de réclamation introduite avant le départ du cours du délai ouvert pour introduire une telle réclamation. L'étape intermédiaire constituée par l'introduction d'une réclamation n'ayant pas été respectée, le recours contentieux serait irrecevable omisso medio.

Le moyen en question est à rejeter. Le délai de trente jours dans lequel les personnes intéressées doivent introduire leurs réclamations a été institué en vue de l'accélération de la procédure d'approbation définitive d'un plan ayant été approuvé provisoirement par le conseil communal. Aucune disposition ne sanctionne une réclamation introduite dès le vote provisoire du plan et dès avant le dépôt du projet à la maison communale, si l'auteur de la réclamation a obtenu connaissance du vote en question par d'autres moyens que le dépôt du projet et les mesures de publicité l'accompagnant. Une telle manière de procéder ne porte pas préjudice à la célérité de la procédure et est même de nature à l'accélérer.

4 Il y a lieu de relever, dans ce contexte, que dans le cadre de la phase pré-contentieuse, l'administration communale a considéré comme valable la réclamation des époux …, étant donné que le collège échevinal les entendit oralement en leurs explications le 19 octobre 2000.

Les parties défenderesses soulèvent encore l'irrecevabilité du recours pour défaut d'intérêt dans le chef des demandeurs. Le terrain de ceux-ci se trouvant depuis toujours en dehors de la zone constructible, leur situation individuelle ne serait pas affectée par la modification du plan d'aménagement général qui n'apporterait aucun changement à cette situation. Elles insistent sur ce que les époux … ne réclament pas contre une situation nouvellement créée qui leur porterait préjudice, mais sollicitent une modification du plan d'aménagement général à leur seul profit.

Ce moyen est encore à rejeter en ce qu'il confond la justification du recours au fond avec l'intérêt à agir en vue de l'obtention d'un avantage dont les demandeurs s'estiment injustement privés. Ceux-ci s'estiment lésés par la modification du plan d'aménagement général telle qu'elle a été définitivement approuvée. En effet, les différentes autorités compétentes n'ont pas fait droit à leurs revendications. Indépendamment de la question de savoir si celles-ci sont justifiées ou non, les demandeurs ont intérêt à faire vérifier par le juge administratif la légalité de la décision qui n'a pas fait droit à leurs prétentions.

Le recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Au fond, le délégué du gouvernement et l'administration communale de … font valoir que l'extension du périmètre d'agglomération telle que sollicitée par les époux … ne servirait que leur intérêt particulier mais ne répondrait pas à une préoccupation d'intérêt général. La commune conteste encore que l'autorisation de raccordement à la canalisation publique impliquerait la reconnaissance, par elle, du droit des demandeurs à voir classer leur terrain en zone constructible.

Les moyens avancés par les demandeurs, tirés de l'effet créateur de droit de la construction de leur immeuble en dehors du périmètre d'agglomération, ainsi que de l'autorisation de raccorder l'immeuble à la canalisation publique, ne sont pas fondés. En effet, la passivité des autorités communales – surtout à une époque où les préoccupations urbanistiques n'avaient pas atteint leur développement actuel – ne saurait conférer à celui qui commet l'illégalité, non seulement de laisser en place l'immeuble illégalement construit – cette question n'étant même pas litigieuse à l'heure actuelle – mais de prétendre à l'inclusion du terrain qui abrite la construction illégale dans le périmètre d'agglomération. En dehors d'un texte légal reconnaissant un tel droit, le constructeur ne dispose d'aucun droit de faire légaliser ex post un tel état de choses.

Au contraire, une décision communale ayant pour objet de régulariser une situation illicite existant à l’heure actuelle, en créant, post festum, la base légale nécessaire à la construction illicite, une construction se trouvant d’ores et déjà sur un terrain, n’est pas conforme à l’intérêt général. En effet, il ne saurait être dans l’intérêt général d’encourager certains constructeurs peu délicats à mettre les autorités publiques devant le fait accompli de constructions illégalement érigées, afin d’invoquer par après l’existence de ces constructions pour obtenir la base légale ou réglementaire afférente reclassant la zone non destinée à la construction d’habitations privées justement pour permettre celles-ci (v. trib. adm. 15 mai 5 2003, confirmé par arrêt du 22 janvier 2004, Pas. adm. 2004, V° Urbanisme, n° 55 et autre référence y citée).

Il est indifférent, à ce sujet, que les époux … ne soient pas les auteurs de l'illégalité en question, étant donné qu'ils ont acquis l'immeuble illégalement construit. En effet, le caractère illégal de la construction affecte celle-ci quel qu'en soit le propriétaire. En décider autrement permettrait de légaliser une situation illégale par un simple transfert de propriété du fonds concerné.

Il en découle encore que loin de constituer un abus de droit ou un excès de pouvoir de la part de la commune, la contestation de la légalité de la construction était pour la commune une obligation. Seule une modification de l'affectation de la parcelle litigieuse, selon les procédures prévues par les lois urbanistiques en vigueur, serait de nature à régulariser la situation.

Au-delà de la question de la régularisation d'une situation illégale, concernant le bien-

fondé de la revendication des époux … de voir inclure leur terrain dans le périmètre d'agglomération pour des considérations d'intérêt général urbanistique, il y a lieu de relever que la mission du juge de la légalité exclut le contrôle des considérations d'opportunité, notamment d'ordre politique, à la base d'un acte administratif attaqué, mais inclut en revanche la vérification, d'après les pièces et éléments du dossier administratif, de ce que les faits et considérations sur lesquels s'est fondée l'administration sont matériellement établis à l'exclusion de tout doute.

En l'espèce, il ne se dégage pas des éléments du dossier que les autorités se soient basées sur des constatations matériellement inexactes pour estimer qu'eu égard à la situation factuelle de l'espèce, il paraissait inopportun d'inclure le terrain des demandeurs dans le périmètre d'agglomération.

Le contrôle du juge administratif ne pouvant aller au-delà de ces constatations, la demande d'annulation de la décision de refus d'inclure leur terrain dans le périmètre d'agglomération est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation, déclare le recours en annulation recevable mais non fondé et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 8 juin 2005 par:

M. Ravarani, président, 6 M. Campill, vice-président, Mme Gillardin, juge en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Ravarani


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17211
Date de la décision : 08/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-06-08;17211 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award