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07/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19115C

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 juin 2005, 19115C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19115 C Inscrit le 7 janvier 2005

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AUDIENCE PUBLIQUE DU 7 JUIN 2005 Recours formé par … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié - Appel du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration -

(jugement entrepris du 13 décembre 2004, no 18406 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19115 C Inscrit le 7 janvier 2005

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AUDIENCE PUBLIQUE DU 7 JUIN 2005 Recours formé par … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié - Appel du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration -

(jugement entrepris du 13 décembre 2004, no 18406 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 19115C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 7 janvier 2005 par Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter, agissant en nom et pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, sur base d’un mandat lui conféré par le ministre délégué des Affaires étrangères et de l’Immigration en date du 31 décembre 2004, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 13 décembre 2004, par lequel il a déclaré justifié le recours en annulation contre une décision du ministre de la Justice du 26 avril 2004 ayant déclaré manifestement infondée sa demande en obtention du statut de réfugié, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 11 juin 2004 intervenue sur recours gracieux et ayant annulé les décisions litigieuses et renvoyé le dossier en prosécution de cause devant le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration.

Vu la notification de ladite requête d’appel par voie postale à Maître Ardavan Fatholahzadeh en date du 10 janvier 2005, l’intimé … n’ayant pu être joint par voie postale.

Vu l’estimée de Maître Ardavan Fatholahzadeh datée du 31 janvier 2005 par laquelle il déclare ne plus avoir mandat dans l’affaire sous rubrique.

Vu la publication de l’avis contenant convocation à l’audience publique dans les quotidiens Luxemburger Wort, Tageblatt et Journal, à l’attention de ….

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris.

Ouï le conseiller en son rapport à l’audience publique de la Cour administrative du 10 mai 2005 ainsi que le délégué du Gouvernement Guy Schleder en ses observations orales.

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Par requête inscrite sous le numéro 18406 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 15 juillet 2004 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, …, né le … à … (Gambie), de nationalité gambienne, demeurant actuellement à L-…, a demandé l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 26 avril 2004, par laquelle il a déclaré manifestement infondée sa demande en obtention du statut de réfugié, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 11 juin 2004 intervenue sur recours gracieux.

Le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties en date du 13 décembre 2004, a reçu le recours en annulation en la forme, au fond l’a dit justifié, partant a annulé les décisions litigieuses du 26 avril et 11 juin 2004 et renvoyé le dossier en prosécution de cause devant le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration.

Fort d’un mandat du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration portant la date du 31 décembre 2004, le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter a déposé un acte d’appel au greffe de la Cour administrative en date du 7 janvier 2005.

La partie appelante fait valoir que ce serait notamment à tort le tribunal administratif a retenu que « Vu la gravité des conséquences se dégageant d'une décision de refus basée sur l'article 6, paragraphe 2, f) - un point final étant posé à la démarche de la personne concernée qui dans cette hypothèse et par l'effet des textes légaux et réglementaires applicables se trouve dépourvue de son droit de voir examiner plus en avant le caractère fondé ou non de ses prétentions -, force est au tribunal de constater que le seul fait d'avoir oublié une première fois un rendez-vous, s'il témoigne d'un esprit distrait, ne revêt néanmoins pas une gravité suffisante, en l'absence d'autres éléments ou d'attitudes permettant de dégager une volonté délibérée de faire obstacle au bon déroulement de la procédure d'asile, pour caractériser à lui seul le caractère flagrant de l'omission de s'acquitter d'une obligation importante imposée par les dispositions régissant les procédures d'asile. Cette conclusion se trouve encore renforcée du fait que l'intéressé s'est rendu le lendemain, 14 avril 2004, au bureau d'accueil pour présenter ses excuses ».

En premier lieu, ce serait à tort que le tribunal administratif a estimé que la décision de refus aurait mis un point final à l'instruction de la demande d'asile de l'intimé. Cette façon de voir les choses ignorerait tout simplement l'institution du recours gracieux, destinée justement à amener le cas échéant l'autorité à revoir sa décision. Ainsi, il aurait appartenu à l'intimé respectivement à son avocat de présenter, dans le cadre du recours gracieux, des motifs à la base de la demande d'asile, sur base desquels le ministre aurait pu évaluer la demande et par la suite procéder à une audition. Or, dans son recours gracieux, aucun motif de persécution n'aurait été présenté de sorte que le ministre pouvait valablement maintenir sa décision initiale.

En deuxième lieu, l'argument du tribunal selon lequel le fait d'avoir oublié une première fois un rendez-vous témoignerait simplement d'un esprit distrait, serait particulièrement troublant et dé-responsabiliserait totalement les demandeurs d'asile. Il y aurait lieu d'insister sur le fait que l'intimé aurait été convoqué à trois reprises à l'audition du 13 avril, à savoir le 28 janvier, le 2 mars et enfin le 5 avril 2004.

Le Gouvernement aurait pris l'initiative de remettre plusieurs convocations aux demandeurs d'asile justement afin qu'ils prennent connaissance de la date qui est censée être importante pour eux et que personne ne puisse lui reprocher de prendre une décision sans avoir donné la 2 possibilité au demandeur d'asile de présenter les motifs de sa demande. Il appartiendrait au demandeur d'asile qui a le droit d'être entendu de saisir cette occasion. Admettre que le demandeur ait le droit de ne pas se présenter, mis à part bien évidemment les cas de maladie grave, permettrait au demandeur seul de décider du déroulement de la procédure d'asile et de faire traîner cette dernière à sa guise, ce qui serait tout simplement inadmissible.

A tout cela s'ajouterait un élément nouveau qui témoignerait de la fraude intentionnelle de l'intimé dès le dépôt de sa demande d'asile. En effet, lors du dépôt de sa demande d'asile, il aurait indiqué dans la fiche des données personnelles comme dernière adresse la ville de Serekunda en Gambie. Or il ressortirait d'un rapport du Service de Police Judiciaire du 10 novembre 2004 que l'intimé serait connu en Suisse sous une autre identité, à savoir …, né le …, et qu'il y aurait été arrêté en août 2002 pour infraction à la loi sur les stupéfiants. Tel aurait d'ailleurs également été le cas au Grand-Duché.

Enfin, ce serait encore à tort que le tribunal aurait ignoré le seul motif invoqué par l'intimé lors du dépôt de sa demande. En effet, ce dernier aurait indiqué sur sa fiche de données personnelles comme raison d'avoir quitté son pays : « I don't have family in my country and no money for me to school ». De tels motifs seraient visiblement étrangers à une crainte de persécution conformément à la Convention de Genève.

Pour le surplus et pour autant que de besoin, le Gouvernement s’est référé également à ses conclusions du 13 octobre 2004.

La Cour constate au vu du dossier soumis par le délégué du Gouvernement que … a été convoqué à trois reprises à l'audition du 13 avril 2004, à savoir le 28 janvier, le 2 mars et enfin le 5 avril 2004.

Comme le souligne également à juste titre le délégué du Gouvernement, il aurait été possible à l’intimé de faire valoir dans son recours gracieux transmis en date du 27 mai 2004 au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration des éléments susceptibles de provoquer une audition supplémentaire.

La Cour constate encore que le seul motif invoqué par l'intimé lors du dépôt de sa demande consiste à affirmer comme raison d'avoir quitté son pays : « I don't have family in my country and no money for me to school ».

S’y ajoute finalement qu’il est apparu en cours d’instance que l’intimé avait caché aux autorités luxembourgeoises que, sous le couvert d’une autre identité, il s’est adonné à la vente de stupéfiants en Suisse au courant de l’année 2002.

C’est partant à juste titre que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a considéré la demande de … comme manifestement infondée comme constituant un recours abusif aux procédures en matière d’asile au sens de l’article 6 du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile de sorte qu’il y a lieu de réformer le jugement du 13 décembre 2004.

Aux termes de l’article 47 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, la Cour statue à l’égard de la partie intimée qui ne comparaît pas.

3 Par ces motifs la Cour, statuant contradictoirement, sur le rapport de son conseiller, reçoit l’acte d’appel du 7 janvier 2005, le déclare également fondé par réformation du jugement du 13 décembre 2004, dit non-fondé le recours en annulation dirigé contre la décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 22 avril 2004 et contre la décision rendue sur recours gracieux le 11 juin 2004 et en déboute ;

condamne la partie intimée aux dépens des deux instances.

Ainsi délibéré et jugé par Jean Mathias Goerens, vice-président Marc Feyereisen, conseiller, rapporteur Carlo Schockweiler, conseiller et lu par le vice-président Jean Mathias Goerens en l’audience publique au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.

le greffier le vice-président 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19115C
Date de la décision : 07/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-06-07;19115c ?

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