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06/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19437

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 juin 2005, 19437


Tribunal administratif N° 19437 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 mars 2005 Audience publique du 6 juin 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19437 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 3 mars 2005 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avoc

ats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …(Kosovo, Etat de Serbie et Monténégro), de nat...

Tribunal administratif N° 19437 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 mars 2005 Audience publique du 6 juin 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19437 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 3 mars 2005 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …(Kosovo, Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration intervenue le 22 novembre 2004, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative de refus du même ministre du 31 janvier 2005, intervenue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 avril 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 30 mai 2005, en présence de Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI, ainsi que de Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES, qui se sont rapportés aux écrits respectifs de leurs parties.

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Le 4 mai 2004, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, il fut entendu par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Le 16 novembre 2004, il fut entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 22 novembre 2004, notifiée par lettre recommandée du 17 décembre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration l’informa de ce que sa demande avait été rejetée au motif qu’il n’alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays d’origine, de sorte qu’aucune crainte justifiée de persécution en raisons d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un certain groupe social ne serait établie dans son chef.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre du 17 janvier 2005 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre prit une décision confirmative le 31 janvier 2005.

Le 3 mars 2005, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation contre les décisions ministérielles de refus précitées.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, une demande en réformation a pu valablement être dirigée contre les décisions ministérielles entreprises. Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond, le demandeur reproche aux décisions déférées d’avoir fait une appréciation erronée des faits de l’espèce, en n’appréciant pas à leur juste valeur les déclarations faites lors de son audition.

A ce titre, il fait exposer qu’il aurait quitté son pays parce qu’il y aurait été violemment agressé par des personnes albanaises masquées, étant donné qu’ils l’auraient considéré comme un « collaborateur de Belgrade » du fait d’avoir rendu visite à un client serbe. Eu égard à cette agression lors de laquelle il fut blessé, le demandeur estime que le ministre ne saurait plus soutenir qu’il ferait état d’un sentiment général d’insécurité, en soutenant que par ailleurs ce type d’agression serait fréquent, de sorte qu’il serait constant que les autorités en place seraient incapables d’assurer une protection efficace.

Le délégué du Gouvernement estime pour sa part que le ministre a fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte que celui-ci serait à débouter de son recours.

Il souligne que les Albanais masqués, non autrement identifiés, qui auraient menacé et agressé le demandeur, à supposer ces menaces et agressions établies, ne sauraient être considérés comme agents de persécution au sens de la Convention de Genève.

Enfin, il reproche au demandeur de ne pas avoir fait usage des possibilités de fuite interne.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Il résulte en effet du rapport d’audition que le demandeur justifie sa fuite par le fait qu’il aurait été agressé par des Albanais masqués lorsqu’il s’apprêtait à poser du parquet dans une maison appartenant à un Serbe. Il aurait été traité de « collaborateur » et il aurait été frappé violemment. A la suite de cet incident, il aurait préféré quitter son pays, surtout qu’il aurait encore eu des menaces par voie téléphonique de la part de ces Albanais qui voulait obtenir 10.000.- EURO de la part de sa famille.

Il affirme ne pas avoir subi des persécutions antérieurement à ces faits et être le seul membre de sa famille à être poursuivi par ces bandes de criminels dont il ignore tout et qu’il n’aurait pas porté plainte contre ses agresseurs.

Il s’avère dès lors, au vu des affirmations du demandeur telles qu’actées au cours de son audition et non autrement précisées ou complétées en cours de procédure contentieuse, que la fuite du demandeur vers le Luxembourg n’a pas été motivée par la crainte de persécutions spécifiques au sens de la Convention de Genève, c’est-à-dire par des persécutions du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, mais plutôt par un sentiment général d’insécurité lié aux agissements de bandes armées au Kosovo, aucun élément du dossier ne permettant par ailleurs d’attribuer à ces agissements, à les supposer établis, une connotation ethnique, religieuse, sociale ou politique.

A cela s’ajoute que le demandeur reste en défaut d’établir à suffisance de droit avoir recherché la protection des autorités de son pays d’origine ainsi qu’un refus ou une impossibilité de pouvoir obtenir une protection d’une efficacité suffisante, étant relevé que la notion de protection des habitants d’un pays contre des agissements de groupes de la population n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission matérielle d’un acte criminel et qu’il y a lieu de prendre en compte une persécution commise par des tiers uniquement en cas de défaut de protection dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, étant relevé que Monsieur … n’a même pas porté de plainte auprès des autorités compétentes.

Pour le surplus, les risques allégués par le demandeur se limitent essentiellement à sa ville d’origine au Kosovo et il reste en défaut d’établir qu’en tant qu’Albanais du Kosovo, il ne peut pas trouver refuge à l’heure actuelle dans une autre partie du Kosovo, étant entendu que la Convention de Genève vise le pays d’origine ou de nationalité des demandeurs d’asile sans restriction territoriale et que le défaut d’établir les raisons suffisantes pour lesquelles un demandeur d’asile ne serait pas en mesure de s’installer dans une autre région de son pays d’origine et de profiter ainsi d’une possibilité de fuite interne doit être pris en compte pour refuser la reconnaissance du statut de réfugié (cf. trib. adm. 10 janvier 2001, n° 12240 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Etrangers, n° 48 et autres références y citées).

Il s’ensuit que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs ;

le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, déclare le recours non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 6 juin 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Lamesch, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19437
Date de la décision : 06/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-06-06;19437 ?

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