La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19290

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 juin 2005, 19290


Tribunal administratif N° 19290 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 février 2005 Audience publique du 6 juin 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19290 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 février 2005 par Maître Valérie DEMEURE, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordr

e des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, né le…, (Serbie / Etat de Serbie et Monténé...

Tribunal administratif N° 19290 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 février 2005 Audience publique du 6 juin 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19290 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 février 2005 par Maître Valérie DEMEURE, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, né le…, (Serbie / Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L- …, tendant à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du 25 novembre 2004 du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration déclarant sa demande en obtention du statut de réfugié non fondée, ainsi que d’une décision confirmative de refus du même ministre datée du 10 janvier 2005 prise suite à un recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 avril 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 30 mai 2005, en présence de Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES, Maître Valérie DEMEURE n’ayant été ni présente, ni représentée.

________________________________________________________________________

Le 7 octobre 2004, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-

ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Monsieur… fut entendu en date du 10 novembre 2004 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur les motifs à la base de sa demande.

Par décision datant du 25 novembre 2004, lui notifiée par courrier recommandé expédié le 30 novembre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration l’informa de ce que sa demande avait été rejetée au motif qu’elle peut être considérée comme non fondée sur base de l’article 11 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre du 30 décembre 2004 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prit une décision confirmative de refus datée du 10 janvier 2005, notifiée par courrier recommandé expédié le 11 janvier 2005.

Par requête déposée le 10 février 2005, Monsieur… a fait introduire un recours en réformation et subsidiairement en annulation contre les décisions ministérielles précitées.

A l’appui de son recours il expose appartenir à la minorité albanaise de Serbie et avoir subi quotidiennement des discriminations et persécutions du fait de cette appartenance ethnique.

Il fait encore plaider que sa région d’origine, objet de litige entre Serbie et Kosovo, serait instable et en proie à une situation d’insécurité généralisée, impliquant pour les membres de sa minorité des persécutions physiques, administratives et judiciaires.

En substance, il reproche au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration d’avoir fait une mauvaise application de la Convention de Genève et d’avoir méconnu la réalité et la gravité des motifs de persécution qu’il a mis en avant pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié.

Le délégué du Gouvernement soulève l’irrecevabilité du recours subsidiaire en annulation ; quant au fond, il conclut au bien-fondé des décisions litigieuses.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1.

d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre les décisions ministérielles entreprises, de sorte que le recours en annulation, formulé à titre subsidiaire, est irrecevable.

Le recours principal en réformation, introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, est pour sa part recevable.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. En effet, une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur risque de subir des persécutions.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève En effet, le tribunal est de prime abord amené à constater que le demandeur, qui actuellement entend prétendre au régime de protection prévu par la Convention de Genève, avait déjà présentée une demande tendant au même but en Suède en 1993-1994, mais que, s’ennuyant en Suède, (« je suis parti volontairement parce que la vie était monotone là-bas ») il avait préféré retourner en Serbie, ce qui paraît a priori difficilement conciliable avec sa condition actuellement alléguée de personne persécutée en Serbie.

Force est encore de constater que l’arrivée du demandeur au Luxembourg n’est pas le résultat de sa fuite de Serbie, mais l’issue d’une visite effectuée par le demandeur à son frère résidant en Suisse. Le demandeur a en effet expliqué au cours de son audition avoir quitté la Serbie non pas pour fuir des persécutions, mais uniquement pour rendre visite à son frère résidant en Suisse (« je suis juste allé visiter mon frère »).

Il s’avère encore à la lecture des déclarations du demandeur telles qu’actées au procès-verbal d’audition que celui-ci, au cours de son séjour de plusieurs mois auprès de son frère en Suisse, a décidé sans motifs particuliers de ne pas retourner en Serbie (« Oui, je suis parti pour visiter mon frère, mais maintenant j’ai décidé de rester ici »).

Enfin, il résulte encore de ses déclarations qu’il n’a personnellement pas subi de persécutions, même s’il fait référence à l’insécurité généralisé ayant existé au cours du conflit ayant opposé les forces de l’OTAN aux forces armées serbes, ainsi qu’à certains incidents ayant eu lieu en 2001 ou 2002 à l’occasion du conflit opposant les forces de l’UCMP aux forces serbes.

Le tribunal tient par ailleurs à souligner l’attitude guère coopérative du demandeur, qui interrogé précisément sur les persécutions éventuellement subies (« Avez-

vous été menacé, agressé ou bien insulté par quelqu’un ? »), n’a pas été à même de fournir de quelconques précisions, mais s’est contenté d’une vague affirmation suivie d’un refus catégorique de fournir davantage de précisions (« Oui, cela arrivait souvent et maintenant je ne veux plus rien ajouter »).

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef.

Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours principal en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 6 juin 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Lamesch, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19290
Date de la décision : 06/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-06-06;19290 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award