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06/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19286

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 juin 2005, 19286


Tribunal administratif N° 19286 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 février 2005 Audience publique du 6 juin 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19286 du rôle et déposée le 9 février 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Pascale HANSEN, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, né le … (Libéria), de nationalité l

ibériane, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de...

Tribunal administratif N° 19286 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 février 2005 Audience publique du 6 juin 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19286 du rôle et déposée le 9 février 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Pascale HANSEN, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, né le … (Libéria), de nationalité libériane, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 23 novembre 2004 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 avril 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 30 mai 2005 en présence de Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES qui s’est référée au mémoire écrit de la partie publique.

Le 22 septembre 2003, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut entendu en date du 5 novembre 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 23 novembre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, entre-temps en charge du dossier, informa Monsieur … de ce que sa demande avait été rejetée comme n’étant pas fondée au motif qu’il ne résulterait pas de ses allégations, qui ne seraient d’ailleurs corroborées par aucun élément de preuve tangible, qu’il aurait risqué ou risquerait d’être persécuté dans son pays d’origine pour l’un des motifs énumérés par la Convention de Genève. Le ministre a constaté dans ce contexte que l’emprisonnement relaté ne justifierait pas à lui seul l’existence d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, ceci d’autant plus que le récit concernant la fuite alléguée de prison de Monsieur … serait peu crédible, notamment en ce qu’il a précisé qu’aucun rebelle n’aurait surveillé ni au niveau de la cellule, ni au niveau de la clôture du camp et qu’un des détenus aurait grimpé dans la cellule et détruit le plafond pour rendre leur fuite possible. Le ministre a relevé ensuite le défaut d’indications précises relativement à l’endroit où Monsieur … serait arrivé en Europe, voire sur la durée du trajet en camion, le genre de bateau emprunté ou encore le nom de la personne l’ayant aidé. Il a relevé finalement que la situation au Libéria a largement évolué depuis l’époque du départ de Monsieur … en ce sens que non seulement la guerre serait terminée, mais aussi que le déploiement de la mission des Nations Unies pour le maintien de la paix serait efficace.

Le recours gracieux formé par courrier du mandataire de Monsieur … du 16 décembre 2004 ayant été rencontré par une décision confirmative du même ministre du 10 janvier 2005, Monsieur … a fait introduire en date du 9 février 2005 un recours en réformation à l’encontre de la décision ministérielle initiale du 23 novembre 2004 telle que confirmée sur recours gracieux.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation, lequel est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, Monsieur … fait réexposer les faits par lui relatés dans le cadre de son audition par un agent du ministère de la Justice pour conclure que les craintes par lui émises ne seraient pas dénouées de tout fondement et constitueraient une crainte justifiée de persécution pour des raisons politiques et religieuses au sens de la Convention de Genève, étant donné que les autorités libériennes ne sembleraient pas être capables de protéger correctement leurs ressortissants des forces rebelles.

Le représentant étatique soutient que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2004, v° Recours en réformation, n° 12).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition du 5 novembre 2003, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments développés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, depuis que le demandeur a quitté son pays, la situation a fondamentalement changé au Libéria par la signature en août 2003 d’un accord entre le gouvernement libérien, les forces rebelles, les partis politiques et des représentants de la société civile ainsi que par l’instauration en date du 14 octobre 2003 d’un gouvernement de transition. Il s’y ajoute qu’une force internationale (UNMIL) a été instaurée par la résolution n° 1509 du Conseil de Sécurité des Nations Unies du 19 septembre 2003 avec la mission notamment d’assurer la sécurité intérieure du pays et de soutenir la démobilisation et le désarmement des forces rebelles.

Face à cette évolution positive de la situation générale au Libéria et en l’absence d’éléments quelconques de nature à étayer un risque concret de recrudescence des violences, les faits mis en avant par le demandeur, tenant essentiellement à des actions des forces rebelles, ne sont plus de nature à fonder à l’heure actuelle une crainte justifiée de persécution.

Il résulte des développements qui précèdent que le demandeur reste en défaut d’établir la subsistance à l’heure actuelle d’un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, de manière que le recours sous analyse doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais .

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 6 juin 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Lamesch, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19286
Date de la décision : 06/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-06-06;19286 ?

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