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06/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19268

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 juin 2005, 19268


Tribunal administratif N° 19268 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 février 2005 Audience publique du 6 juin 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19268 du rôle et déposée le 7 février 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Or

dre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo, Etat de Serbie et Monténég...

Tribunal administratif N° 19268 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 février 2005 Audience publique du 6 juin 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19268 du rôle et déposée le 7 février 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo, Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 4 novembre 2004, déclarant non fondée sa demande d’admission au statut de réfugié, ainsi que d’une décision confirmative de refus du 3 janvier 2005 intervenue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 avril 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 30 mai 2005 en présence de Maître Ardavan FATHOLAHZAHDEH, ainsi que Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES qui se sont tous les deux référés à leurs écrits respectifs.

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En date du 24 septembre 2004, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, il fut entendu par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Il fut entendu en outre le 18 octobre 2004 par un agent du ministère des Affaires Etrangères et de l’Immigration sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 4 novembre 2004, notifiée par courrier recommandé expédié le 9 novembre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa Monsieur … de ce que sa demande avait été rejetée au motif que les faits par lui invoqués remontant à l’année 1999 ne sauraient utilement être retenus pour être trop éloignés dans le temps.

Concernant les faits invoqués que de jeunes hommes auraient lancé des pierres sur la voiture de Monsieur … et qu’il aurait été menacé à plusieurs reprises sur la route principale menant à Gniljane, ils ne seraient pas de nature et de gravité suffisante pour constituer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève, mais traduiraient plutôt l’expression d’un sentiment général d’insécurité, étant entendu par ailleurs que des Albanais ne sauraient pas être considérés comme des agents de persécution au sens de ladite Convention. Le ministre a souligné en outre concernant les événements invoqués de mars 2004 que l’intéressé n’aurait pas fait état de dommages ou d’agressions personnelles liés à ces événements tout en relevant, en ce qui concerne plus particulièrement la situation à Gniljane, que cette municipalité présenterait la particularité d’être multiethnique en ce sens que Serbes et Albanais s’y côtoieraient sans problèmes, que dans les rues la langue serbo-croate serait utilisée librement et que dans l’administration communale, le personnel des deux communautés travaillerait ensemble.

Il relève finalement qu’il ne ressortirait pas du dossier de Monsieur … qu’il lui aurait été impossible de s’installer au Monténégro ou en Serbie et de profiter d’une possibilité de fuite interne.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre du 13 décembre 2004 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prit une décision confirmative le 3 janvier 2005.

Le 7 février 2005, Monsieur … a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation des deux décisions ministérielles prévisées des 4 novembre 2004 et 3 janvier 2005.

Encore que le demandeur a formellement attribué les décisions litigieuses au ministre de la Justice, il y a lieu d’admettre, à partir des pièces versées en cause que c’est contre les décisions prérelatées du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration qu’il a entendu agir.

Le recours en réformation ayant pour le surplus été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir qu’il lui serait impossible d’imaginer une vie sans crainte au Kosovo où la majorité albanaise ne semblerait pas tolérée, à en juger par les nombreux rapports en ce sens de la part d’organisations non gouvernementales, la présence de Serbes sur le sol du Kosovo. Il se réfère concrètement aux menaces dont lui même aurait été victime et dont le détail se dégagerait du rapport d’audition figurant au dossier datant du 18 octobre 2004. Il insiste pour le surplus sur un défaut de protection avéré de la part des autorités en place qui resteraient en défaut de poursuivre et de réprimer les actes de violences généralement commis.

Le délégué du Gouvernement estime que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte qu’il serait à débouter de son recours.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, force est de constater que les affirmations du ministre relativement à la situation spécifique de la commune de Gniljane, dont le demandeur est originaire, documentées par une prise de position du bureau du Grand-Duché de Luxembourg à Pristina établie en date du 26 juillet 2004, n’ont pas été utilement mises en cause, le demandeur s’étant limité à faire état de la situation générale au Kosovo, sans aborder les faits pourtant concrètement retenus à la base de la motivation des décisions ministérielles litigieuses.

Eu égard au constat relaté dans ledit rapport que « la municipalité de Gniljane au Kosovo présente la particularité d’être multiethnique où Serbes et Albanais se côtoient quotidiennement sans problème. A titre d’exemple, on peut mentionner que dans les rues de Gniljane, la langue serbo-croate est utilisée librement, dans l’administration communale, le personnel des deux communautés travaille ensemble, au sein du Kosovo Police Service, des policiers des deux communautés patrouillent ensemble et le contact avec la population semble cordial. Le personnel local (Albanais) du bureau a pu m’accompagner sans problème dans le village de Pasjane (Serbes), chose impossible à Mitrovica Nord ou dans d’autres enclaves serbes du Kosovo. Il faut, néanmoins, mentionner que des incidents interethniques surviennent de temps à autre, mais selon le chef de la Regional Investigation Unit (UNMIK police), ceux-ci sont sporadiques et sont à considérer comme l’œuvre d’extrémistes Albanais visant à intimider la population Serbes », le récit du demandeur tendant à établir que de graves difficultés de cohabitation entre Albanais et Serbes l’auraient poussé à quitter son pays d’origine et à chercher refuge au Luxembourg, laisse de convaincre.

Il se dégage des développements qui précèdent que le demandeur reste en défaut d’établir, par rapport à sa situation d’origine, l’existence d’une crainte justifiée d’une persécution au sens de la Convention de Genève.

Les évènements par lui décrits s’inscrivent au contraire d’une manière générale dans le cadre des relations interethniques encore partiellement malaisées au Kosovo sans pour autant avoir trait à la situation individuelle de Monsieur … entrevue notamment sur la toile de fond de la situation concrète dans la commune de Gniljane.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 6 juin 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Lamesch, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19268
Date de la décision : 06/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-06-06;19268 ?

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