La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19236

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 juin 2005, 19236


Tribunal administratif N° 19236 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 janvier 2005 Audience publique du 6 juin 2005 Recours formé par Monsieur … et consorts, … contre une décision du bourgmestre de la commune de Wellenstein en matière d’urbanisme

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19236 du rôle et déposée le 31 janvier 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de :

1) Monsieur …, …, et de son épouse, Madame … , 2)

Monsieur … , et de son épouse, Madame … 3) Monsieur … , et de Madame …, 4) Monsieur … , et de ...

Tribunal administratif N° 19236 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 janvier 2005 Audience publique du 6 juin 2005 Recours formé par Monsieur … et consorts, … contre une décision du bourgmestre de la commune de Wellenstein en matière d’urbanisme

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19236 du rôle et déposée le 31 janvier 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de :

1) Monsieur …, …, et de son épouse, Madame … , 2) Monsieur … , et de son épouse, Madame … 3) Monsieur … , et de Madame …, 4) Monsieur … , et de son épouse, Madame …, tendant à l’annulation d’une décision du bourgmestre de la commune de Wellenstein datée du 28 octobre 2004 autorisant Monsieur …, …, demeurant à L-…, à transformer un immeuble existant sis à Wellenstein, section B de Bech, inscrit au cadastre sous le numéro 116/3790, lieu-dit « … » en maison d’habitation à deux unités de logement ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 11 février 2005 portant signification de ce recours à l’administration communale de Wellenstein ainsi qu’à Monsieur …, préqualifié ;

Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif en date du 15 février 2005 par Maître Patrick KINSCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Wellenstein ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 10 mars 2005 par Maître Patrick KINSCH pour compte de l’administration communale de Wellenstein et notifié le 8 mars 2005 au mandataire des demandeurs ainsi que signifié le 12 mars 2005 par exploit de l’huissier de justice Georges NICKTS, demeurant à Luxembourg, à Monsieur … ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 15 mars 2005 par Maître Edmond DAUPHIN au nom des demandeurs, notifié le 18 mars 2005 au mandataire de l’administration communale de Wellenstein ainsi que signifié le 4 avril 2005 par exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL à Monsieur … ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 15 avril 2005 par Maître Patrick KINSCH pour compte de l’administration communale de Wellenstein et notifié le même jour au mandataire des demandeurs ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Edmond DAUPHIN et Patrick KINSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 23 mai 2005.

_______________________________________________________________________

Le bourgmestre de la commune de Wellenstein, ci-après « le bourgmestre », délivra en date du 28 octobre 2004 à Monsieur … l’autorisation de transformer un immeuble existant sis à Wellenstein, section B de Bech, inscrit au cadastre sous le numéro … , lieu-dit « … » en maison d’habitation à deux unités de logement.

Par courrier daté du 29 novembre 2004 adressé au bourgmestre, Monsieur … réclama contre l’autorisation délivrée à Monsieur ….

Monsieur … n’obtenant pas satisfaction, il fit déposer au greffe du tribunal administratif en date du 31 janvier 2005, ensemble son épouse ainsi que les consorts …, un recours tendant à l’annulation de l’autorisation de construire délivrée en date du 28 octobre 2004.

Aucune disposition légale ne prévoit de recours au fond en matière de permis de construire, de sorte que seul un recours en annulation a pu être introduit contre l’autorisation de construire déférée.

Le recours en annulation est dès lors recevable pour avoir été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs, habitant des fonds contigus à l’immeuble autorisé, font plaider que le projet de construction autorisé par la décision déférée violerait l’article 2.4. a) du règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites de la commune de Wellenstein, ci-après « Rb », qui impose à toute construction le respect d’un recul latéral de 4 mètres lorsque la construction implantée sur le terrain contigu respecte un même recul.

Ils entendent encore, à titre subsidiaire, relever « certaines violations du Code civil concernant les vues, violations à préciser au vu des pièces à soumettre au tribunal ».

L’administration communale de Wellenstein, ci-après « l’administration communale », entend résister à ce moyen en relevant que l’article 2.4. a) Rb invoqué par les demandeurs ne serait en l’espèce pas d’application, cet article étant uniquement applicable en zone de moyenne densité, tandis que le projet litigieux serait sis en « zone de protection du noyau historique » régi par l’article 2.6. Rb, qui n’imposerait aucun recul obligatoire.

L’administration communale fait plaider à ce sujet que cet article imposerait l’élaboration d’un plan d’aménagement particulier, ci-après « PAP », couvrant cette zone, et qu’à défaut d’un tel PAP, un avis favorable de la Commission des Sites et Monuments nationaux préalable à toute autorisation de construire serait requis.

Un tel avis ayant été émis en l’espèce, il appartiendrait au bourgmestre uniquement de vérifier la conformité du projet aux considérations tirées de la sécurité, de la salubrité et de la tranquillité publiques avant de délivrer l’autorisation sollicitée.

L’administration communale souligne à ce sujet, afin de contrer l’argumentation des demandeurs, qu’il n’appartiendrait en tout état de cause pas au bourgmestre de vérifier la conformité du projet litigieux aux dispositions du Code civil, de telles considérations échappant à sa compétence.

Dans leur mémoire en réplique les demandeurs soulèvent, en tant que moyen d’ordre public, les dispositions de la loi du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, et en particulier ses articles 26, 27 et 37, aux termes desquelles il aurait appartenu aux autorités communales de dresser un PAP avant de délivrer l’autorisation sollicitée.

Ils relèvent encore que si le projet litigieux est situé dans la zone de protection historique, ce classement ne saurait avoir de quelconques conséquences juridiques tant que le PAP prévu par l’article 2.6. Rb n’est pas en voie d’élaboration ; ils ajoutent en substance que l’avis de la Commission des Sites et Monuments nationaux ne serait requis que pendant la phase d’élaboration d’un tel PAP et que tant que celle-ci n’aurait pas débuté un tel avis serait prématuré et une autorisation de bâtir ne saurait être délivrée.

Finalement, en ce qui concerne la question de la violation de droits civils, les demandeurs renoncent à en faire état devant le tribunal.

L’administration communale se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité du mémoire en réplique en soulevant le fait que la communication du mémoire en réplique a été postérieure à son dépôt au greffe ; elle estime encore que l’argument tiré par les demandeurs de l’application de la loi du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, dont elle conteste le caractère d’ordre public, serait constitutif d’un moyen nouveau présenté en dehors du délai légal et dès lors irrecevable.

Elle estime encore que l’argumentation des demandeurs basée sur la loi du 19 juillet 2004 précitée ne serait pas fondée, en ce sens que le terrain de Monsieur … ne nécessiterait pas de PAP.

Enfin, elle conteste avoir violé les dispositions de son règlement sur les bâtisses.

Avant de pouvoir procéder à l’examen du bien-fondé du recours, le tribunal est appelé à examiner le moyen soulevé par l’administration communale tendant à voir écarter le mémoire en réplique déposé par les demandeurs en date 15 mars 2005 et notifié le 18 mars 2005 au mandataire de l’administration communale.

L’article 5 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après dénommée le « règlement de procédure », prévoit en ses paragraphes (5) et (6) que :

« (5) Le demandeur peut fournir une réplique dans le mois de la communication de la réponse ; la partie défenderesse et le tiers intéressé sont admis à leur tour à dupliquer dans le mois.

(6) Les délais prévus aux paragraphes 1 et 5 sont prévus à peine de forclusion. Ils ne sont pas susceptibles d’augmentation en raison de la distance. Ils sont suspendus entre le 16 juillet et le 15 septembre ».

Dans la mesure où le mémoire en réponse a été déposé au greffe du tribunal administratif en date du 10 mars 2005 pour compte de l’administration communale et notifié le 8 mars 2005 au mandataire des demandeurs, il appartenait à ce dernier de fournir sa réplique dans le mois de la communication de la réponse. Le mémoire en réplique ayant été déposé au greffe du tribunal administratif le 15 mars 2005 et notifié le 18 mars 2005 au mandataire de l’administration communale, tant son dépôt que sa notification ont été effectuées dans le délai imparti par la loi.

La loi ne prescrivant au-delà du respect de cette condition aucune obligation en ce qui concerne l’ordre à respecter entre le dépôt et la notification d’un mémoire, et l’administration communale restant en défaut de se prévaloir d’un quelconque grief résultant de l’antériorité du dépôt par rapport à la notification du mémoire en réplique, le moyen afférent de la défenderesse est à rejeter.

Quant au fond, il ressort de la requête introductive d’instance que les demandeurs critiquent dans un premier temps le projet litigieux ainsi que la décision afférente au motif qu’ils violeraient l’article 2.4. a) Rb qui impose le respect sous certaines conditions d’un recul latéral de 3 mètres.

Force est toutefois au tribunal de constater que si cet article se rapporte aux « zones de moyenne densité », il ressort cependant de la partie graphique du plan d’aménagement général de la commune de Wellenstein, et plus particulièrement de la partie graphique couvrant la localité de Wellenstein, que le terrain devant accueillir le projet litigieux est sis en « zone de protection du noyau historique », zone à laquelle le prédit article 2.4. a) Rb n’est pas applicable, la « zone de protection du noyau historique » ne connaissant par ailleurs aucune disposition spécifique régissant la question des reculs.

Il s’ensuit que ce moyen est à écarter.

En ce qui concerne les moyens avancés par les demandeurs dans leur mémoire en réplique, il y a lieu de rappeler que la partie demanderesse doit faire valoir ses moyens et formuler ses conclusions dans la requête introductive et ne peut, sous peine de forclusion, faire valoir d’autres moyens après l’expiration du délai de recours, sous réserve des moyens d’ordre public qui peuvent être soulevés en tout état de cause et même le cas échéant suppléés d’office. Il est ainsi constant que la requête introductive d’instance délimite définitivement le débat et qualifie l’objet du recours, de sorte que les moyens avancés en cours d’instance doivent se limiter à développer et à préciser l’argumentation dans le cadre de l’action déjà engagée (trib. adm. 28 mai 1997, n° 9448, Pas. adm. 2004, n° 375, p.630).

En l’espèce, les demandeurs se prévalent dans leur mémoire en réplique d’un moyen qualifié d’ordre public, à savoir une violation des article 26, 27 et 37 de la loi du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain.

Les moyens d’ordre public sont ceux qui ont trait au respect de règles qui touchent aux intérêts essentiels de l’Etat ou de la collectivité, au bon fonctionnement des pouvoirs publics, à la sauvegarde des droits fondamentaux des administrés, à des questions politiquement explosives, des points vulnérables de l’organisation de la puissance publique ou qui fixent, dans le droit privé, les bases juridiques sur lesquelles repose l’ordre économique ou moral de la société (Leroy Michel, Contentieux administratif, 3e éd., Bruylant, 2004, p.359), un critère permettant de reconnaître le caractère d’ordre public attaché à une règle pouvant notamment consister dans le fait que sa méconnaissance est sanctionnée pénalement (voir Conseil d’Etat belge, 18 juillet 1977, n° 18.398).

Or, en l’espèce, si la loi du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain sanctionne pénalement en son article 107 tous ceux qui enfreignent de quelque manière que ce soit les prescriptions des projets ou plans d'aménagement, du règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites ou des autorisations de construire, elle ne prévoit cependant aucune sanction pénale en cas de méconnaissance de ses propres dispositions en général, et des articles 26, 27 et 37, invoqués par les demandeurs, en particulier.

Force est encore de constater que la législation sur l’urbanisme et l’aménagement du territoire ne poursuit pas l’un des objectifs cités ci-dessus, de sorte qu’elle ne saurait être considérée comme étant d’ordre public (voir Conseil d’Etat belge, 21 septembre 1994, n° 49.142).

Il s’ensuit que le moyen relatif à la violation de la loi du 19 juillet 2004, présenté en dehors du délai contentieux, à savoir en date du 15 mars 2005, est à écarter pour avoir été soulevé tardivement.

Il en est de même du moyen tiré d’une violation de l’article 3.2. j Rb, soulevé par les demandeurs pour la première fois dans leur mémoire en réplique.

Les demandeurs exposent enfin encore dans leur mémoire en réplique que le régime spécial mis en place par l’article 2.6. Rb, à défaut de PAP adopté définitivement ou en voie d’élaboration, ne saurait sortir d’effets juridiques, de sorte qu’il aurait appartenu au bourgmestre, à défaut de dispositions spécifiques régissant cette zone, d’appliquer les marges de reculement « telles qu’elles sont arrêtées tant en zone de moyenne densité que de faible densité ».

Ce moyen, dans la mesure où il peut être considéré comme ampliatif du – seul – moyen maintenu contenu dans la requête introductive d’instance et tendant à voir appliquer au projet litigieux les dispositions relatives aux reculs latéraux propres à la zone de moyenne densité, est recevable.

Il est cependant à rejeter pour être non fondé, étant donné que le bourgmestre ne saurait, à défaut de dispositions expresses en ce sens, appliquer à un terrain sis en « zone de protection du noyau historique », des dispositions spécifiques à d’autres zones, en l’occurrence des zones de moyenne densité et de faible densité, et étrangères au régime de la « zone de protection du noyau historique ».

Il se dégage partant de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours formé par les demandeurs est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Les demandeurs réclament encore l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.000.- €., demande qui, au vu de l’issue du litige, est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 6 juin 2005 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 7


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19236
Date de la décision : 06/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-06-06;19236 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award