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01/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19766

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 01 juin 2005, 19766


Tribunal administratif N° 19766 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 mai 2005 Audience publique du 1er juin 2005

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Recours formé par Monsieur … et consort, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19766 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 4 mai 2005 par Maître Valérie DEMEURE, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordr

e des avocats à Luxembourg, au nom de M. …, né le … à Owo (Nigeria), agissant en son nom personnel et pour...

Tribunal administratif N° 19766 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 mai 2005 Audience publique du 1er juin 2005

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Recours formé par Monsieur … et consort, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19766 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 4 mai 2005 par Maître Valérie DEMEURE, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M. …, né le … à Owo (Nigeria), agissant en son nom personnel et pour compte de son fils mineur … …, né le … à Owo, les deux de nationalité nigériane, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 22 février 2005 par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié, telle que cette décision a été confirmée par le même ministre le 30 mars 2005, suite à un recours gracieux du demandeur ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 mai 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en sa plaidoirie.

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En date du 27 décembre 2004, M. …, agissant en son nom personnel et pour compte de son fils mineur …, introduisit oralement auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

M. … fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut encore entendu le 5 janvier 2005 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 22 février 2005, notifiée le même jour, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration l’informa que sa demande avait été déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, aux motifs énoncés comme suit :

« En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 27 décembre 2004 et le rapport d’audition de l’agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration du 5 janvier 2005.

Il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire du 27 décembre 2004 que vous auriez quitté le Nigeria à bord d’un bateau le 14 décembre 2004, accompagné de votre fils.

La traversée aurait duré deux semaines et vous auriez accosté à Anvers, en Belgique. Avec l’aide d’un homme, vous seriez montés à bord d’un train pour finalement arriver au Luxembourg le 26 décembre 2004. Vous ne présentez aucune pièce d’identité.

Vous avez déposé votre demande en obtention du statut de réfugié le 27 décembre 2004.

Il résulte de vos déclarations qu’en 2000 vous auriez commencé à avoir des problèmes de santé nécessitant une hospitalisation régulière et que vous auriez eu des difficultés à financer vos soins médicaux, raison pour laquelle vous auriez décidé de venir en Europe. Au sein de l’hôpital, vous auriez entendu que certains patients recevaient une injection mortelle mais vous dites ne pas avoir été concerné. Vous dites qu’une aide financière de la part d’une quelconque organisation humanitaire basée au Nigeria serait impossible, vu le nombre des demandes.

Vous ne faites pas état d’autres problèmes.

Enfin, vous admettez ne pas être membre d’un parti politique. Vous ne faites pas état de persécutions.

Selon l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile. » Monsieur, vous basez votre demande d’asile sur des motifs d’ordre purement médical, sans citer un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève. Votre demande ne répond dès lors à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et se trouve manifestement dénuée de fondement.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Suite à un recours gracieux formulé par lettre du mandataire de M. … du 22 mars 2005 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration confirma sa décision initiale le 30 mars 2005.

Par requête déposée le 4 mai 2005, M. …, agissant en son nom personnel et pour compte de son fils mineur …, a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des décisions précitées du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration des 22 février et 30 mars 2005.

Le délégué du gouvernement conclut en premier lieu à l’irrecevabilité du recours en réformation au motif que la loi prévoirait expressément et exclusivement un recours en annulation en matière de demandes d’asile refusées comme étant manifestement infondées.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 2004, V° Recours en réformation, n° 5, et autres références y citées).

L’article 10 de la loi précitée du 3 avril 1996 prévoit expressément qu’en matière de demande d’asile déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de ladite loi, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives.

Il s’ensuit donc que le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre les décisions critiquées.

Le recours en annulation est cependant recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours, M. … reproche au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration d’avoir commis une « appréciation erronée des faits d’espèce » en ne lui reconnaissant pas le statut de réfugié. Dans ce contexte, le demandeur expose être atteint depuis l’année 2000 du SIDA, qu’il aurait dû suivre dans son pays d’origine un traitement nécessitant une hospitalisation d’un mois sur deux, que cependant au Nigeria des injections mortelles seraient faites à certains malades afin de libérer des lits d’hôpital et « le renvoyer chez lui est le condamner à mort », au motif qu’il pourrait « craindre d’être tué par les autorités sanitaires ».

Le délégué du gouvernement estime que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

Une demande d’asile basée exclusivement sur des motifs d’ordre personnel et familial ou sur un sentiment général d’insécurité sans faire état d’un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée (trib. adm. 19 juin 1997, n° 10008 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Etrangers, n° 107 et autres références y citées ;

trib. adm. 22 septembre 1999, n° 11508 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Etrangers, n° 105 et autres références y citées).

En l’espèce, au regard des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile, tels qu’ils se dégagent du rapport d’audition susvisé du 5 janvier 2005, du recours gracieux, voire de la requête introductive d’instance, force est de constater qu’il n’a manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance.

En effet, force est de constater que le départ du demandeur du Nigeria est exclusivement motivé par des considérations ayant trait au fait qu’il est atteint du SIDA et ses problèmes de santé ne sont pas de nature à fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, d’autant plus qu’il n’est pas établi qu’un traitement médical lui soit refusé dans son pays d’origine pour une des raisons prévues par ladite Convention de Genève, M. … étant même en aveu d’avoir pu séjourner un mois sur deux à l’hôpital. Pour le surplus, l’affirmation que des personnes atteintes du SIDA seraient tuées par des injections pour que des lits d’hôpital se « libèrent » reste non seulement à l’état de pure allégation, mais même à la supposer vraie, décrit des pratiques relevant d’une criminalité de droit commun.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le demandeur est resté en défaut de faire état d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, de sorte que c’est à bon droit que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a déclaré sa demande d’asile manifestement infondée, le recours en annulation étant partant à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître de la demande en réformation ;

reçoit le recours en annulation dans la forme ;

au fond, le déclare cependant non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Schroeder, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 1er juin 2005 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19766
Date de la décision : 01/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-06-01;19766 ?

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