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30/05/2005 | LUXEMBOURG | N°18964

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 30 mai 2005, 18964


Tribunal administratif N° 18964 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 décembre 2004 Audience publique du 30 mai 2005 Recours formé par la société anonyme L. S.A., …, et la société anonyme C. S.A., Wasserbillig, contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en présence de la société à responsabilité limitée S. s.à r.l., …, en matière d’établissements classés

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18964 du rôle et déposée le 9 décembre 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Charles OSSOLA, avocat à la

Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, aux noms de :

1. la société anon...

Tribunal administratif N° 18964 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 décembre 2004 Audience publique du 30 mai 2005 Recours formé par la société anonyme L. S.A., …, et la société anonyme C. S.A., Wasserbillig, contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en présence de la société à responsabilité limitée S. s.à r.l., …, en matière d’établissements classés

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18964 du rôle et déposée le 9 décembre 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Charles OSSOLA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, aux noms de :

1. la société anonyme L. S.A., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, 2. la société anonyme C. S.A., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, tendant à la réformation d’une décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 17 août 2004 (arrêté n° 1/2004/0288/71295/114) faisant droit à une demande du 16 juillet 2004 de la société à responsabilité limitée S. s.à r.l., établie et ayant son siège social à L-…, en vue d’une modification d’un arrêté dudit ministre du 11 décembre 1996 (n° 1/95/1094/71295/114) visant la station-service sise à Mertert, …, sur un terrain inscrit au cadastre, section C de la commune de Mertert sous le numéro … ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Yves TAPELLA, demeurant à Esch/Alzette, du 16 décembre 2004, portant signification du recours à la société à responsabilité limitée S. s.à r.l., préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 9 février 2005 par Maître François KREMER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée S. s.à r.l., lequel mémoire a été notifié par voie de télécopie le même jour au mandataire constitué des parties demanderesses ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 3 mars 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 18 mars 2005 par Maître Charles OSSOLA en nom et pour compte des demanderesses, lequel mémoire a été notifié par voie de télécopie le 17 mars 2005 au mandataire constitué de la société à responsabilité limitée S. s.à r.l.;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 14 avril 2005 par Maître François KREMER en nom et pour compte de la société à responsabilité limitée S. s.à r.l., lequel mémoire a été notifié par voie de télécopie le même jour au mandataire constitué des parties demanderesses ;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté entrepris ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres François CAUTAERTS, en remplacement de Maître Charles OSSOLA, et Gilles DAUPHIN, en remplacement de Maître François KREMER, et Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

En date du 16 juillet 2004, la société IC LUX S.A., établie à L-4122 Esch-sur-

Alzette, 7, rue de la Fontaine, agissant en nom et pour compte de la société à responsabilité limitée S. s.à r.l, ci-après dénommée la « société S. », introduisit auprès de l’Administration de l’Environnement, conformément à l’article 6 de la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, une « demande de modification non substantielle de l’autorisation d’un établissement de classe 1 » visant la station-service sise à Mertert, …, sur un terrain inscrit au cadastre de la commune de Mertert, section C de Mertert sous le numéro …, donnée en location par les sociétés demanderesses à la société S., demande en modification visant la démolition et la reconstruction des îlots de distribution suivant le « design » S., ainsi que le remplacement des distributeurs et une nouvelle répartition du stockage des carburants, modification qualifiée de non-

substantielle et ayant pour effet de diminuer la quantité d’essence stockée de 170.000 litres à 150.000 litres, d’augmenter la quantité de diesel stockée de 40.000 litres à 60.000 litres et de réduire le nombre d’emplacements de ravitaillement de 24 à 16 unités.

Suivant arrêté n° 1/20004/0288/71295/114 du 17 août 2004, le ministre du Travail et de l’Emploi délivra l’autorisation sollicitée.

Par requête, inscrite sous le numéro 18964 du rôle, déposée le 9 décembre 2004, la société anonyme L. S.A. et la société anonyme C. S.A., préqualifiées, ont introduit un recours contentieux tendant à la réformation du susdit arrêté ministériel du 17 août 2004.

L’article 19 de la loi précitée du 10 juin 1999 ouvrant un recours au fond devant le juge administratif pour statuer en la présente matière, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle litigieuse, aucune contestation y relative n’ayant par ailleurs été élevée.

A l’appui de leur recours, les sociétés demanderesses sollicitent l’annulation de la décision entreprise aux motifs que :

- l’autorisation du 17 août 2004 aurait été accordée sans leur autorisation préalable, respectivement leur information préalable et constituerait partant une révocation, sinon une modification d’office pour l’avenir de l’arrêté du 11 décembre 1996, prise en dehors de l’initiative de la société L. et ceci en violation de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, - il y aurait violation de l’article 6 de la loi du 10 juin 1999, précitée, au motif que la société S. aurait omis d’informer le ministre du Travail et de l’Emploi par lettre recommandée de la modification projetée, les travaux litigieux ayant même débuté avant la délivrance des autorisations requises, - il y aurait violation de l’article 7 de la loi du 10 juin 1999, précitée, au motif que le dossier de demande d’autorisation ne contiendrait aucun extrait d’une carte topographique, - il y aurait violation de l’article 10 de la loi du 10 juin 1999, précitée, au motif qu’aucun avis indiquant l’objet de la demande n’aurait été affiché pendant quinze jours dans la commune d’implantation de l’immeuble et ceci au plus tard dix jours après la réception du dossier par la commune.

Tant la société S. que le délégué du gouvernement concluent à l’irrecevabilité du recours pour cause de tardiveté pour ne pas avoir été introduit dans le délai de 40 jours à partir de l’affichage de la décision entreprise à la maison communale de Mertert, tel que prévu à l’article 19 précité, affichage qui a eu lieu à partir du 5 octobre 2004.

Dans leur mémoire en réplique, les sociétés demanderesses contestent en premier lieu que la décision entreprise a été affichée par la commune et soutiennent pour le surplus que le délai de recours contentieux n’aurait pas pu commencer à courir, au motif que l’avis d’autorisation du 5 octobre 2004 aurait contenu une indication erronée sur les voies de recours en faisant état d’un délai de recours de 40 jours courant à partir de la notification de la décision. Comme la décision entreprise n’aurait été communiquée à leur mandataire que le 9 novembre 2004, le recours ne serait pas tardif.

Dans ce contexte, c’est à juste titre que les sociétés demanderesses, en tant que parties tierces-intéressées, invoquent l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, étant donné que conformément aux exigences d’essence supérieure d’un procès équitable, telles que découlant dudit article 6, dans l’hypothèse d’une indication erronée du délai de recours mentionnant un laps de temps plus long que le délai légal applicable non respecté et pouvant induire en erreur un tiers-intéressé, la formulation erronée du délai de recours équivaut à une absence d’indication y relative, de sorte que sous cet aspect aucun délai de recours n’a commencé à courir à leur encontre (cf. trib.

adm. 21 janvier 2002, n° 13031 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 122).

La société S. conclut encore à l’irrecevabilité du recours pour absence d’intérêt à agir dans le chef des sociétés demanderesses. Dans ce contexte, elle relève plus particulièrement qu’elle est liée à la société anonyme L. par un contrat de bail signé en date du 28 décembre 1990, en vertu duquel elle aurait le droit d’ériger une station-service sur le terrain pris en location et de l’exploiter comme bon lui semble, que le loyer fixé ne serait en aucune façon lié au volume de combustible vendu et qu’à la fin du bail, elle serait en droit soit de remettre les installations qu’elle a érigées au bailleur soit de les démolir. Il s’ensuivrait que le propriétaire n’aurait pas de droit acquis au maintien d’une certaine configuration de la station-service, d’autant plus que les transformations projetées, dont notamment la réduction du nombre de colonnes distributrices, n’auraient aucune influence sur le débit en essence ou en gasoil de la station-service, les capacités de stockage n’ayant nullement été modifiées. Pour le surplus, le contrat de bail aurait été prorogé jusqu’en 2010, de sorte que tout préjudice quelconque serait tout au plus futur, et il ne serait pas établi, que les parties demanderesses pourraient encore exploiter ou faire exploiter une station-service à cet endroit après 2010.

Le délégué du gouvernement conclut également à l’irrecevabilité du recours au motif que les sociétés demanderesses ne feraient pas valoir un intérêt suffisant pour agir à l’encontre de l’acte querellé. Dans ce contexte, il relève plus particulièrement que :

- les sociétés demanderesses, en tant que personnes morales ne pourraient pas en tant que telles être incommodées par l’arrêté litigieux, contrairement à une personne physique et elles ne pourraient faire valoir une affectation des intérêts protégés par la législation sur les établissements classés, - les sociétés demanderesses omettraient de prouver en quoi l’autorisation litigieuse compromettrait la réalisation de leurs objets sociaux individuels, - les sociétés demanderesses, à condition de rapporter la preuve qu’ils sont propriétaires du terrain sur lequel les transformations sont projetées, feraient état d’un problème de bail commercial, « contestations qui ont pour objet des droits civils » et qui « sont exclusivement du ressort des tribunaux judiciaires », - l’autorisation litigieuse, délivrée sur base d’une demande de modification non substantielle, ne créerait pas des dangers ou inconvénients nouveaux, respectivement n’augmenterait pas les dangers ou inconvénients existants, étant donné que des colonnes de distribution de gasoil seront supprimées, de sorte qu’il n’y aurait aucune aggravation de la situation antérieure.

Les voisins directs par rapport à un établissement projeté, de même que les propriétaires de terrains situés à proximité, peuvent légitimement craindre des inconvénients résultant pour eux du projet. Ils ont intérêt à voir respecter les règles applicables en matière d'établissements dangereux et de permis de construire, du moins dans la mesure où la non-observation éventuelle de ces règles est susceptible de leur causer un préjudice nettement individualisé (cf. trib. adm. 23 juillet 1997, n° 9474 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Etablissements classés, n° 72 et autre référence y citée).

Le propriétaire du terrain appelé à accueillir un établissement classé, dans la mesure où il n’est pas l’exploitant dudit établissement doit être assimilé à un voisin direct dans la mesure qu’il peut légitimement craindre des inconvénients résultant pour sa propriété du projet.

Or, force est de constater que les parties demanderesses ne se plaignent d’une quelconque nuisance en rapport avec l’exploitation dudit établissement et visée par la réglementation spécifique relative aux établissements classés, étant rappelé que le ministre du Travail et de l’Emploi a uniquement compétence pour examiner l’impact de l’établissement litigieux sur la santé et la sécurité des travailleurs à leur lieu de travail et la sécurité, la salubrité ou la commodité du public respectivement du voisinage en cas de fonctionnement anormal de l’établissement autorisé, de sorte qu’elles n’ont aucun intérêt direct non plus à invoquer les moyens d’annulation tirés de la violation des articles 6, 7.8 et 10 de la loi du 10 juin 1999, précité, ayant tous trait au non-respect de diverses formalités dans le cadre de la procédure en modification d’une autorisation « commodo/incommodo », indépendamment de la question de savoir si la modification projetée en l’espèce constitue une modification substantielle ou non, étant donné que les seules qualités de propriétaires du terrain accueillant l’établissement litigieux respectivement de bénéficiaire d’une autorisation antérieure ne sont pas suffisants à elles-

seules pour générer l’intérêt à invoquer lesdits moyens, à défaut d’avoir mis en avant des inconvénients affectant leur propriété, les contestations soulevés par eux ayant pour objet exclusif des considérations étrangères à la législation sur les établissements dangereux et visent exclusivement une problématique tirée de dispositions inscrites à un bail commercial respectivement les possibilités d’exploitation de la station-service par les demanderesses à l’expiration dudit bail commercial.

C’est cependant à juste titre que les parties demanderesses soutiennent, en tant que propriétaires du terrain litigieux et en tant que destinataire pour la société L. de l’autorisation antérieure modifiée du 11 décembre 1996 visant la même station-service, avoir un intérêt à agir personnel direct suffisant, dans les mesure et limite où ils prétendent avoir dû être associés à la procédure d’élaboration de la décision litigieuse.

Dans ce contexte, les sociétés demanderesses soutiennent, eu égard au fait que l’autorisation du 17 août 2004 a été accordée sans leur autorisation préalable, respectivement sans leur information préalable, que celle-ci serait constitutive d’une révocation, sinon d’une modification d’office pour l’avenir de l’arrêté du 11 décembre 1996, prise en dehors de leur initiative, et ceci en violation de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, précité.

C’est cependant à juste titre que l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, de même que la société S. concluent au rejet dudit moyen, étant donné que la législation sur les établissement classés ne prévoit en aucune de ces dispositions que le propriétaire du terrain, sur lequel est situé l’établissement sujet à modification, doive être impérativement informé de pareille demande, la loi du 10 juin 1999, précitée, précisant expressément en son article 6 que l’interlocuteur de l’administration compétente est le seul exploitant de l’établissement litigieux.

Il s’ensuit dès lors que les sociétés demanderesses, en tant que propriétaires du terrain accueillant l’établissement litigieux, respectivement en tant que destinataire d’une autorisation antérieure dans le chef de la société anonyme L. S.A, ne sont à l’heure actuelle pas à considérer comme bénéficiaires d’une décision administrative leur ayant reconnu des droits et ne sauraient partant invoquer le bénéfice des dispositions inscrites à l’article 9 du règlement grand-ducal du 9 juin 1979, précité.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme dans les mesure et limite où les demanderesses prétendent avoir dû être associés à la procédure d’élaboration de l’arrêté entrepris du 17 août 2004 ;

le déclare irrecevable pour le surplus ;

au fond, le déclare cependant non fondé ;

condamne les demanderesses aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Campill, vice-président, M. Schroeder, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 30 mai 2005 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 18964
Date de la décision : 30/05/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-05-30;18964 ?

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