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25/05/2005 | LUXEMBOURG | N°19827

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 mai 2005, 19827


Tribunal administratif Numéro 19827 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 mai 2005 Audience publique du 25 mai 2005 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 19827 du rôle, déposée le 19 mai 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au n

om de Monsieur …, né le … à St.

Crucifixo (Cap Vert), de nationalité capverdienne, actuell...

Tribunal administratif Numéro 19827 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 mai 2005 Audience publique du 25 mai 2005 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 19827 du rôle, déposée le 19 mai 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à St.

Crucifixo (Cap Vert), de nationalité capverdienne, actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 25 avril 2005 ordonnant son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 mai 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 24 mai 2005 pour le compte du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 mai 2005.

__________________________________________________________________________

Par arrêté du 25 avril 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration refusa l’entrée et le séjour à Monsieur ….

Suivant arrêté du même jour, notifié à l’intéressé le 12 mai 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration ordonna à l’encontre de Monsieur … une mesure de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, ci-après dénommé « Centre de séjour provisoire », pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision en question dans l’attente de son éloignement du territoire luxembourgeois.

1 Ladite décision repose sur les considérations et motifs suivants :

« Vu l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu les antécédents judiciaires de l’intéressé ;

Vu le rapport no 2005/1243/000647/CR du 23 mars 2005 établi par la Police grand-

ducale ;

Considérant que l’intéressé a fait usage d’un passeport portugais falsifié ;

Considérant que l’intéressé ne dispose pas de moyens d’existence personnels légalement acquis ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

- que l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible :

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Par requête déposée le 19 mai 2005 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 25 avril 2005, notifiée le 12 mai 2005.

Etant donné que l'article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal administratif est compétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal. Le recours répondant par ailleurs aux exigences de forme et de délai, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur fait exposer qu’il serait arrivé au Portugal en 1992 où un « faux fonctionnaire » lui aurait procuré des papiers d’identité portugais, qu’en 1999, il serait venu rejoindre son frère, de nationalité portugaise, qui résiderait régulièrement au Luxembourg, qu’il se serait déclaré à la commune de Schieren au mois d’août 1999 et qu’il aurait travaillé depuis cette date. Il précise qu’en 2002, une enquête de la police aurait révélé que ses papiers étaient des faux et qu’en 2003, il aurait été condamné à une peine d’emprisonnement de six mois avec sursis et à une amende de huit cents euros du chef d’usage de faux papiers. Il ajoute que la police grand-ducale de Mersch l’aurait convoqué le 25 mars 2005 à qui il aurait remis son passeport et que le 12 mai 2005, il aurait été appréhendé par la police grand-ducale et conduit au Centre de séjour provisoire.

Le demandeur estime que les conditions légales pour prononcer une mesure de placement ne sont pas remplies. Il conclut à l’absence d’un quelconque danger dans son chef de se soustraire à un rapatriement en faisant valoir qu’un tel danger ne saurait être présumé et que l’autorité administrative n’aurait invoqué à la base de la décision entreprise aucun élément de fait de nature à établir de façon suffisante l’existence de pareil danger de fuite, étant relevé qu’il se serait toujours rendu à toutes les convocations des autorités luxembourgeoises.

2Il estime par ailleurs que sa détention serait non conforme aux articles 5, 1 f) et 18 de la Convention européenne des droits de l’homme, au motif que la mesure de rétention serait disproportionnée par rapport au but poursuivi et qu’elle ne serait pas nécessaire en l’espèce.

Il reproche ensuite aux autorités luxembourgeoises de ne pas avoir entrepris des démarches suffisantes en vue de procéder à son éloignement du territoire dans les plus brefs délais, dans la mesure où aucune circonstance de fait n'empêcherait l'autorité compétente de l'éloigner vers son pays d’origine, étant relevé que les autorités connaîtraient depuis 2002 sa situation et qu’elles seraient en possession de son passeport.

Il est finalement d'avis que le Centre de séjour provisoire ne constitue pas un établissement approprié au sens de la loi et que son placement audit centre constituerait une mesure disproportionnée.

Sur ce, il sollicite la réformation de la décision déférée et sa mise en liberté immédiate, sinon subsidiairement que le tribunal ordonne son placement dans un établissement plus approprié à sa situation personnelle.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement soutient que le danger de fuite dans le chef de Monsieur … serait établi par le fait d’avoir fait usage d’une carte d’identité et d’un passeport portugais falsifiés et d’avoir été condamné le 8 décembre 2003 de ce chef à une peine d’emprisonnement de six mois avec sursis et à une amende de huit cents euros et d’avoir continué à résider au pays malgré cette condamnation.

Il fait valoir que la mesure de placement serait proportionnée et nécessaire, au motif que le demandeur, malgré sa situation irrégulière, aurait continué à résider au pays et qu’il n’aurait pas, contrairement à ses affirmations, fait une demande en obtention d’une autorisation de séjour.

Il soutient ensuite que, contrairement à ce qui est affirmé par le demandeur, le ministre compétent aurait pris toutes les mesures appropriées afin d’assurer l’éloignement du demandeur dans les meilleurs délais, en faisant valoir que le demandeur n’aurait été placé au Centre de séjour provisoire que le 12 mai 2005, alors que dès le 25 avril 2005, le service de police judiciaire aurait été chargé d’organiser son rapatriement lequel serait prévu pour le 27 mai 2005.

Par ailleurs, le représentant étatique est d’avis que, contrairement au demandeur qui estime qu’il n’y aurait pas impossibilité de refoulement immédiat, le service de police judiciaire aurait besoin d’un minimum de temps pour organiser matériellement le rapatriement, tout en relevant qu’il ne serait pas possible de prévoir le rapatriement le jour même de la notification de la mesure de placement, étant donné qu’il ne serait pas toujours certain de trouver les intéressés à leur domicile.

Quant au caractère inapproprié du placement, il relève que le demandeur n’a pas été placé au Centre pénitentiaire de Schrassig, mais au Centre de séjour provisoire et souligne que ledit centre serait, aux termes de la jurisprudence des juridictions administratives, à considérer comme établissement approprié.

3Dans son mémoire en réplique, le demandeur insiste sur ce que la mesure de placement n’aurait pas été nécessaire en faisant valoir que les autorités luxembourgeoises auraient été parfaitement au courant de sa situation depuis 2003 et qu’elles n’auraient agi que deux ans plus tard sans lui laisser le temps d’organiser son départ. Enfin, il est formel pour soutenir qu’il aurait introduit une demande d’autorisation de séjour et sollicite dans ce contexte la production du rapport de la police grand-ducale de Mersch du mois de mars 2005.

Il se dégage de l’article 15 (1) de la loi précitée du 28 mars 1972 que, lorsque l’exécution d’une mesure d’expulsion ou de refoulement en application des articles 9 et 12 de la même loi est impossible en raison de circonstances de fait, l’étranger peut, sur décision du ministre compétent, être placé dans un établissement approprié à cet effet pour une durée d’un mois.

Il en découle qu’une décision de placement au sens de la disposition précitée présuppose une mesure d’expulsion ou de refoulement exécutoire, ainsi que l’impossibilité matérielle d’y procéder dans l’immédiat.

En l’espèce, il se dégage des éléments du dossier que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a pris le 25 avril 2005 un arrêté de refus d’entrée et de séjour contre le demandeur, décision non critiquée et par ailleurs légalement justifiée en présence d’un étranger dépourvu du visa requis. Dans la mesure où ces faits ne sont pas contestés en cause, Monsieur … ayant lui-même admis être en séjour irrégulier au pays, il remplissait dès lors en date du 25 avril 2005 les conditions légales telles que fixées par la loi sur base desquelles une mesure de refoulement a valablement pu être prise à son encontre.

Il se dégage par ailleurs des éléments de la cause que la mesure d’éloignement ne pouvait pas être immédiatement exécutée, étant donné que le rapatriement – au Cap Vert -

nécessite l’accomplissement de diverses formalités, de sorte que la condition afférente est également vérifiée.

Il convient ensuite d’analyser le moyen du demandeur basé sur ce que son placement dans un centre spécial impliquant une restriction sensible de ses libertés serait injustifié, dès lors qu’il présenterait des garanties suffisantes d’être à la disposition du gouvernement au moment de l’exécution de son rapatriement.

En d’autres termes, il convient d’examiner le caractère proportionné de la mesure de placement au Centre de séjour provisoire par rapport au but visé.

Or, s’il est incontestable que le demandeur rentre directement dans les prévisions de la définition des « retenus », telle que consacrée à l’article 2 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire et modifiant le règlement grand-ducal du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne de l’établissement pénitentiaire, et que la mise en place d’un Centre de séjour provisoire repose précisément sur la prémisse qu’au-delà de toute considération tenant à une dangerosité éventuelle des personnes concernées, celles-ci, eu égard au seul fait de l’irrégularité de leur séjour et de l’imminence de l’exécution d’une mesure d’éloignement dans leur chef, présentent en principe et par essence un risque de se soustraire à la mesure d’éloignement, fût-il minime, il n’en reste pas moins qu’en l’espèce, au regard des spécificités de la situation de Monsieur …, lequel a des liens familiaux au Luxembourg, qui dispose d’un travail fixe et d’un domicile fixe, où d’ailleurs il a pu être appréhendé par les autorités policières en vue de son placement, 4et qui a dans le passé toujours promptement obtempéré aux convocations des autorités publiques, auxquelles il convient d’ajouter que lors des plaidoiries, le mandataire de Monsieur … a encore confirmé que son client ne s’opposerait pas à un rapatriement dans son pays d’origine, et après avoir conféré téléphoniquement avec son client, il a confirmé que Monsieur … s’engageait à être à la disposition des autorités luxembourgeoises le vendredi 27 mai 2005 en vue de son rapatriement, de sorte que le tribunal, statuant en tant que juge du fond et au regard de la situation telle qu’elle se présente au jour où il est appelé à statuer, arrive à la conclusion que le maintien en rétention de l’intéressé ne se justifie plus, mais se révèle disproportionné par rapport au but poursuivi.

La demande en réformation avec mise en liberté immédiate est partant fondée, sans qu’il y ait lieu d’analyser les autres moyens invoqués par le demandeur à l’appui de son recours.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare justifié ;

partant ordonne la mise en liberté de Monsieur … ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 25 mai 2005 par :

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19827
Date de la décision : 25/05/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-05-25;19827 ?

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