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18/05/2005 | LUXEMBOURG | N°19783

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 mai 2005, 19783


Tribunal administratif Numéro 19783 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 mai 2005 Audience publique du 18 mai 2005

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Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 19783 du rôle, déposée le 9 mai 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Henri FRANK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre d

es avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Algérie), actuellement placé au Centre de séjo...

Tribunal administratif Numéro 19783 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 mai 2005 Audience publique du 18 mai 2005

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Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 19783 du rôle, déposée le 9 mai 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Henri FRANK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Algérie), actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 21 avril 2005 prorogeant la mesure de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière prise à son égard pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification de la décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 mai 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport et Maître Sonia POLNIASZEK, en remplacement de Maître Henri FRANK, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 18 mai 2005.

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Il ressort d’un procès-verbal n° 2005/018133/000500/KS, dressé en date du 19 mars 2005 par la police grand-ducale, police des étrangers, Circ. régionale Esch/Alzette, Unité Esch/Alzette, Service Centre d’Intervention, que le même jour, un procès-verbal n° 30217 fut établi par le Centre d’Intervention d’Esch/Alzette à l’encontre de Monsieur …, pour vol.

Monsieur … fut placé, par arrêté du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 21 mars 2005, au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification dudit arrêté dans l’attente de son éloignement du territoire luxembourgeois. Par arrêté du même ministre du 21 avril 2005, la mesure de placement fut prorogée pour la durée d'un mois.

Ladite décision repose sur les considérations et motifs suivants :

« Vu l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu mon arrêté pris en date du 21 mars 2005 décidant du placement temporaire de l'intéressé;

Considérant que le Parquet a prononcé une mesure de rétention le 19 mars 2005 ;

Considérant que l’intéressé est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels légalement acquis ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu’un laissez-passer a été demandé aux autorités algériennes;

Considérant que l'éloignement immédiat de l'intéressé n'est pas possible;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Par requête déposée le 9 mai 2005 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 21 avril 2005.

Il fait exposer qu'il a sollicité le statut de réfugié aux Pays-Bas en 1999 et y a bénéficié de papiers provisoires, qu'il y a fait des études et effectué des stages; qu'il s'y est marié avec une femme dont il a entre-temps divorcé et avec laquelle il a un enfant en bas âge. Il en conclut que les démarches effectuées par le ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration depuis l'expiration de la première mesure de placement prise à son encontre, à savoir d'avoir sollicité un laissez-passer aux autorités algériennes, ont été effectuées "en dehors du bon sens" et que "la piste hollandaise a été abandonnée sans fondements légitimes dès le 21 mars 2005." Il fait encore expliquer qu'il a sollicité l'aide de l'ambassade des Pays-

Bas à Luxembourg pour clarifier sa situation.

Il estime que la prorogation de la mesure de placement pour la durée d'un mois n'est pas justifiée, le ministre compétent n'ayant pas rapporté la preuve d'avoir fait toutes les diligences nécessaires rendant sa décision inévitable puisque entre le 21 mars 2005 et le 13 avril 2005 aucune démarche n'aurait été entreprise pour vérifier les informations procurées par Monsieur …. Par ailleurs, le Centre pénitentiaire de Schrassig où il a été placé aurait été conçu exclusivement pour l'hébergement de personnes condamnées à une peine privative de liberté ou mises en détention préventive. La "section spéciale", dénommée centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, créée au sein du Centre pénitentiaire ne saurait constituer un établissement approprié au sens de la loi.

Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en tant qu'il tend à l'annulation de la mesure de prorogation du placement de Monsieur …. Au fond, il expose que le demandeur ne saurait retourner aux Pays-Bas puisqu'il y est signalé comme étranger non admissible. Le ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration se serait par ailleurs adressé, en dates des 13 et 18 avril 2005, au consulat d'Algérie à Bruxelles en vue d'obtenir un laissez-passer pour Monsieur …. Les autorités algériennes n'ayant pas encore donné de suites à cette demande au moment de la fin de l'effet de la première mesure de placement, la prorogation aurait été décidée le 21 avril 2005. Le 29 avril 2005, le consulat d'Algérie aurait répondu que le dossier avait été soumis aux autorités algériennes compétentes aux fins d'identification. A l'heure actuelle, une pièce d'identité permettant le rapatriement de Monsieur … n'aurait pas encore été délivrée par ces autorités.

Concernant les démarches entreprises par les autorités luxembourgeoises, seules celles se rapportant à la mesure de prorogation du placement pourraient être actuellement examinées, le caractère approprié de celles se rapportant à la période antérieure étant couvertes par l'autorité de la chose jugée du jugement du 28 avril 2005 ayant décidé de la légalité de la mesure de placement originaire prise à l'encontre de Monsieur …. – Les autorités luxembourgeoises n'auraient plus entrepris des démarches postérieurement au 29 avril 2005, étant donné qu'ayant informé les autorités algériennes de l'urgence de la situation et du placement de leur ressortissant, elles n'auraient pas la maîtrise d'une accélération de la procédure.

Le moyen tiré du caractère inapproprié du centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, déjà invoqué dans le cadre du recours dirigé contre la décision de placement originaire, ne serait pas justifié, le centre en question étant à considérer comme établissement approprié au sens de l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l'entrée et le séjour des étrangers; 2. le contrôle médical des étrangers; 3. l'emploi de la main d'œuvre étrangère.

Etant donné que l'article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972, précitée, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal administratif est compétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal. Par voie de conséquence, le recours subsidiaire en annulation est irrecevable.

Le recours en réformation répondant aux exigences de forme et de délai, il est recevable.

La réunion des conditions initiales pour ordonner une mesure de placement à l'encontre de Monsieur … ayant été constatée dans le jugement du tribunal administratif du 28 avril 2004, coulé en force de chose jugée, il n'y a plus lieu de se prononcer, dans le cadre du présent litige, sur la légalité du placement initial, mais seulement, conformément à l'article 15, par. 2 de la loi précitée du 28 mars 1972, de vérifier s'il existait, en l'espèce, une nécessité absolue de reconduction de cette mesure pour la durée d'un mois.

Le tribunal vérifie si l’autorité compétente a veillé à ce que toutes les mesures appropriées soient prises afin d’assurer un éloignement dans les meilleurs délais, en vue d’éviter que la décision de placement ne doive être prorogée, étant donné que la prorogation d’une mesure de placement doit rester exceptionnelle et ne peut être décidée que lorsque des circonstances particulièrement graves ou autrement justifiées la rendent nécessaire.

Dans la mesure où les renseignements obtenus par le système d’information Schengen ont révélé que le demandeur était à considérer comme étranger non admissible aux Pays-Bas et auquel l’entrée au pays était à refuser, le demandeur est malvenu de reprocher aux autorités luxembourgeoises de ne plus avoir poursuivi la piste néerlandaise et d’avoir contacté les autorités algériennes en vue de l’émission d’un laissez-passer. S’il est vrai qu’un certain laps de temps s’est écoulé avant que le Consulat général d’Algérie à Bruxelles ne soit contacté le 13 avril 2005, puis le 18 avril 2005, il convient de relever que le demandeur est encore malvenu de se plaindre de la lenteur de la procédure, étant donné qu’il a refusé de collaborer avec les autorités luxembourgeoises. Ainsi, il ressort des éléments du dossier qu’il a injustement déclaré être de nationalité néerlandaise, qu’il a refusé de donner des renseignements sur son statut légal aux Pays-Bas, estimant que cela faisait partie du travail de la police et qu’il a refusé de remplir la fiche de données personnelles. La mesure de reconduction de la mesure de placement s'inscrit dans le cadre de l'attente des autorités luxembourgeoises de la réponse des autorités algériennes à la demande leur adressée les 13 et 18 avril, de sorte qu'en date du 21 avril 2005, la prorogation de la mesure de placement était justifiée. De plus, le 29 avril 2005, le consulat d'Algérie a répondu au ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration que le dossier avait été transmis aux autorités algériennes aux fins d'identification, et l'on ne saurait reprocher aux autorités luxembourgeoises d'attendre depuis cette date relativement rapprochée, sans autre démarche supplémentaire, la réponse des autorités algériennes concernant la demande de reprise de leur ressortissant.

Quant au moyen tiré du placement de Monsieur … dans un établissement non approprié, il est constant que le demandeur est placé, non pas dans un établissement pénitentiaire, mais au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, créé par le règlement grand-ducal précité du 20 septembre 2002. Or, force est de constater que ce centre est à considérer comme un établissement approprié au sens de la loi précitée du 28 mars 1972, étant donné que le demandeur est en séjour irrégulier au pays, qu’il n’existe aucun élément qui permette de garantir au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration sa présence au moment où il pourra être procédé à son éloignement et qu’il n’a fait état à suffisance de droit d’aucun autre élément ou circonstance particuliers justifiant à son égard un caractère inapproprié du Centre de séjour provisoire.

Il suit des considérations qui précèdent que la mesure de prorogation du placement de Monsieur … répond aux exigences de l'article 15, par. 2 de la loi précitée du 28 mars 1972, de sorte que le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en la forme pour autant qu’il tend à la réformation de la décision du 21 avril 2005 ;

au fond le dit non justifié et en déboute ;

déclare ledit recours irrecevable pour autant qu’il tend à l’annulation de la décision du 21 avril 2005 ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 18 mai 2005 par :

M. Ravarani, président, Mme Lenert, premier juge, Mme Lamesch, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Ravarani 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19783
Date de la décision : 18/05/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-05-18;19783 ?

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