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18/05/2005 | LUXEMBOURG | N°19085

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 mai 2005, 19085


Tribunal administratif N° 19085 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 décembre 2004 Audience publique du 18 mai 2005 Recours formé par Monsieur … et Madame …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de regroupement familial

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19085 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 décembre 2004 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … et de son épouse

Madame …, tous les deux de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemble à L-…, ...

Tribunal administratif N° 19085 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 décembre 2004 Audience publique du 18 mai 2005 Recours formé par Monsieur … et Madame …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de regroupement familial

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19085 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 décembre 2004 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … et de son épouse Madame …, tous les deux de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice (sic) du 19 octobre 2004, refusant de faire droit à leur demande en obtention d’une autorisation de séjour au titre du regroupement familial, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre rendue sur recours gracieux en date du 25 novembre 2004 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 25 mars 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif déposé le 26 avril 2005 par Maître Nicky STOFFEL au nom des demandeurs ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 9 mai 2005, en présence de Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES qui s’est rapportée au mémoire écrit de la partie publique.

Suivant courrier de son mandataire datant du 9 mars 2004, Monsieur … s’adressa au ministre de la Justice pour solliciter une autorisation de séjour au titre du regroupement familial par rapport à son fils … séjournant régulièrement au Grand-Duché de Luxembourg.

Après avoir réitéré cette demande suivant courrier du 20 septembre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, entre-temps en charge du dossier, prit position comme suit par courrier du 19 octobre 2004 :

« Comme suite à votre courrier du 20 septembre 2004 relatif à l’obtention d’une autorisation de séjour dans le chef de Monsieur …, né le 30 mars 1957, de son épouse, Madame …, née le 19 novembre 1963 et de ses enfants… , né le… , … , née le… , Amela, née le 9 mars 1990 et… , née le…, tous de nationalité serbo-monténégrine, je regrette de devoir vous informer que je ne suis pas en mesure de faire droit à votre requête.

En effet, le regroupement familial se limite aux ascendants et descendants mineurs ou à charge.

En outre, les intéressés ne sauraient bénéficier d’une autorisation de séjour alors qu’il n’existe pas de vie familiale entre eux et le fils respectivement frère, Monsieur … …, conformément à l’article 8 § 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

Par ailleurs, l’autorisation de séjour ne saurait être délivrée aux intéressés alors que Monsieur et Madame … ainsi que leur fils … ne sont pas en possession de moyens d’existence suffisants permettant à l’étranger d’assurer son séjour au Grand-Duché indépendamment de l’aide matérielle ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient s’engager à lui faire parvenir, conformément à l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers. (…) ».

Les époux …-… ont fait introduire, par courrier de leur mandataire datant du 18 novembre 2004, un recours gracieux à l’encontre de ladite décision ministérielle.

Par décision du 25 novembre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration confirma le contenu de son courrier prérelaté du 19 octobre 2004 à défaut d’éléments pertinents nouveaux.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 27 décembre 2004, les époux …-… ont fait introduire un recours contentieux tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des deux décisions ministérielles prévisées des 19 octobre 2004 et 25 novembre 2004.

Encore que les demandeurs se soient référés auxdites décisions comme émanant du ministre de la Justice, cette erreur, certes non utilement rectifiée par le mandataire des demandeurs en cours de procédure contentieuse, n’est pas pour autant de nature à rendre le recours irrecevable, étant donné que tant le délégué du Gouvernement que le tribunal ont pu retracer à partir des pièces versées au dossier l’identité effective de l’auteur des décisions litigieuses.

A l’appui de leur recours, les demandeurs font valoir que c’est à tort que le ministre compétent n’aurait pas fait application de « la directive 2003/86/CE du Conseil de l’Europe du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial », étant donné que cette directive prévoirait que les Etats membres doivent prévoir des conditions plus favorables pour les réfugiés politiques concernant l’exercice du droit au regroupement familial.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du Gouvernement conclut à titre principal à l’irrecevabilité du recours pour libellé obscur au motif qu’il n’existerait aucun texte du Conseil de l’Europe sous la référence indiquée dans la requête introductive d’instance. Il conclut pour le surplus à l’irrecevabilité du recours en réformation introduit à titre principal au motif que la loi ne prévoit pas de recours au fond en la matière. A titre subsidiaire et quant au fond, le représentant étatique fait valoir que si les demandeurs devaient se référer à la directive 2003/86 du Conseil de l’Union Européenne, il y aurait lieu de noter que celle-ci n’a pas encore été transposée en droit luxembourgeois et que l’Etat luxembourgeois ne serait dès lors pas encore tenu par les dispositions de cette directive.

Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs ont tiré au clair que l’instrument juridique auquel ils se sont référés est bien la directive 2003/86/CE du Conseil de l’Union Européenne datant du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial. Ils soutiennent pour le surplus que même si cette directive prévoit dans son chapitre 8 que les Etats membres ont un délai jusqu’au 3 octobre 2005 pour s’y conformer, elle devrait néanmoins trouver dès maintenant application directe pour être claire et ne pas nécessiter d’autres interprétations. Ils font plus particulièrement état de l’article 4 point 2 a) de ladite directive pour soutenir qu’elle prévoirait le regroupement familial des ascendants en ligne directe et que partant leur demande devrait être admise sur base de cette directive. Les demandeurs concluent pour le surplus à une violation en l’espèce des dispositions de l’article 8 de la Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales en faisant valoir que leur fils réside régulièrement au Luxembourg et y disposerait de moyens d’existence suffisants.

Aucun recours au fond n’étant prévu en la présente matière, le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours principal en réformation.

Quant au recours en annulation introduit à titre subsidiaire, force est de relever qu’au vu des pièces versées au dossier, le moyen d’irrecevabilité pour cause de libellé obscur laisse d’être vérifié en fait, de sorte que ledit recours est recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi.

Concernant le premier moyen des demandeurs basé sur la directive 2003/86/CE du Conseil de l’Union Européenne du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial, force est de relever que conformément aux dispositions de son article 20, « les Etats membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 3 octobre 2005 ».

Dans la mesure où le délai de transposition de cette directive en droit national n’est pas encore révolu, c’est partant à juste titre que le délégué du Gouvernement se prévaut de la non-applicabilité en l’espèce de ses dispositions.

En effet, s’il est certes patent en droit communautaire qu’en cas de non-

transposition ou d’exécution incorrecte, une directive peut produire un effet direct vertical sous certaines conditions, il n’en reste pas moins que ce n’est qu’après l’écoulement du délai de transposition, que les particuliers pourront invoquer directement, à l’encontre d’un Etat membre défaillant, les dispositions d’une directive 1.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le premier moyen des demandeurs basé sur une violation alléguée de ladite directive laisse d’être fondé.

Les demandeurs reprochent en outre au ministre d’avoir violé l’article 8 de la Convention européenne des doits de l’homme qui dispose comme suit : « 1) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2) Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

S’il est de principe, en droit international, que les Etats ont le pouvoir souverain de contrôler l’entrée, le séjour et l’éloignement des étrangers, il n’en reste pas moins que les Etats qui ont ratifié la Convention européenne des droits de l’homme ont accepté de limiter le libre exercice de cette prérogative dans la mesure des dispositions de la Convention.

La garantie du respect de la vie privée et familiale comporte des limites en ce qu’elle ne s’applique notamment qu’à une vie familiale effective, c’est-à-dire caractérisée par des relations réelles et suffisamment étroites parmi ses membres, et existante, voire préexistante à l’entrée sur le territoire national.

En l’espèce, force est de constater que les demandeurs restent en défaut de se soumettre le moindre élément concret permettant de conclure à l’existence d’une vie familiale effective préexistante au moment de la prise de la décision litigieuse à laquelle la décision déférée porterait une atteinte disproportionnée, de sorte que le tribunal n’a pas été utilement mis en mesure d’examiner plus en avant le bien-fondé dudit moyen.

Il se dégage dès lors de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

1 Voire affaire 148/78, Publico Ministero v. Ratti, Recueil 1979, p. 1629 et Droit institutionnel de l’Union Européenne, Sean Van Raepenbusch, p. 477, Larcier reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais .

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 18 mai 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Lamesch, juge M. Sünnen, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19085
Date de la décision : 18/05/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-05-18;19085 ?

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