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12/05/2005 | LUXEMBOURG | N°19769

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 mai 2005, 19769


Tribunal administratif Numéro 19769 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 mai 2005 Audience publique du 12 mai 2005 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19769 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 mai 2005 par Maître Yvette NGONO YAH, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Sopniq (Kosovo/Etat de Serb

ie-et-Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, actuellement placé au Centre de sé...

Tribunal administratif Numéro 19769 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 mai 2005 Audience publique du 12 mai 2005 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19769 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 mai 2005 par Maître Yvette NGONO YAH, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Sopniq (Kosovo/Etat de Serbie-et-Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, tendant à la réformation d’un arrêté du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 18 avril 2005 instituant à son égard une mesure de placement pour la durée maximale d’un mois audit Centre de séjour provisoire à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 mai 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 10 mai 2005 en nom et pour compte du demandeur ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Yvette NGONO YAH et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 11 mai 2005.

Par décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 18 avril 2005, Monsieur … fut placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d'un mois à partir de la notification de ladite décision dans l'attente de son éloignement du territoire luxembourgeois.

Ladite décision repose sur les considérations suivantes :

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu le rapport N° 15/811/05/ARGU du 18 avril 2005 établi par le Service de Police Judiciaire, section Police des Etrangers et de Jeux ;

Considérant que l’intéressé n’est pas en possession d’un document de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels suffisants ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant que l’intéressé a déposé une demande d’asile au Luxembourg en date du 18 avril 2005 ;

- qu’il est signalé au système EURODAC comme ayant déposé une demande d’asile en Autriche en date du 14 juin 2003, ainsi qu’aux Pays-Bas en date du 26 juin 2003 ;

- qu’une demande de reprise en charge en vertu du règlement (CE) n°343/2003 du Conseil du 18 février 2003 sera adressée aux autorités compétentes dans les meilleurs délais ;

Considérant qu’un éloignement immédiat n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Par requête déposée le 6 mai 2005, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de l’arrêté ministériel de placement prévisé du 18 avril 2005.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre l’arrêté ministériel du 18 avril 2005. Ledit recours est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur soutient que les conditions légales pour prononcer une mesure de placement ne seraient pas remplies. Dans ce contexte, il signale avoir déposé une demande d’asile au Luxembourg le 18 avril 2005. Pour le surplus, il relève qu’un « risque de fuite est totalement inexistant » et estime que les démarches entreprises par les autorités luxembourgeoises en vue de son éloignement sont inexistantes, d’autant plus que son éloignement immédiat vers le Kosovo « était parfaitement possible ».

Le délégué du gouvernement souligne que suite au dépôt de la demande d’asile par Monsieur … en date du 18 avril 2005, le système EURODAC aurait révélé que ce dernier avait déjà antérieurement déposé deux demandes d’asile en Autriche respectivement aux Pays-Bas, que des effets personnels trouvés sur lui laisseraient encore présupposer des séjours antérieurs au Danemark, en Allemagne et en France, qu’une demande de reprise en charge aurait été adressée aux autorités autrichiennes en date du 19 avril 2005, que lesdites autorités, après un premier refus en date du 28 avril 2005, auraient finalement accepté la reprise en charge du demandeur en date du 6 mai 2005 et que le transfert de ce dernier vers l’Autriche se trouve fixé au 19 mai 2005. Sur ce, le représentant étatique estime, au vu des nombreuses demandes d’asile déposées par Monsieur …, que le risque de fuite serait de toute évidence établi et que les autorités luxembourgeoises auraient entrepris des démarches suffisantes en vue de son éloignement.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur reproche encore aux autorités luxembourgeoises que la demande de reprise en charge à l’adresse des autorités autrichiennes n’a été faite que le lendemain de son placement, attitude qui serait contraire à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et constitutive d’un abus de pouvoir.

En ce qui concerne le moyen tiré de ce que les conditions légales pour ordonner une mesure de placement ne seraient pas remplies en l’espèce, il y a lieu de relever qu’il ressort de l’article 15, paragraphe (1) de la loi précitée du 28 mars 1972, que lorsque l’exécution d’une mesure d’expulsion ou de refoulement en application des articles 9 et 12 de la même loi est impossible en raison de circonstances de fait, l’étranger peut, sur décision du ministre compétent, être placé dans un établissement approprié à cet effet pour une durée d’un mois.

Il en découle qu’une décision de placement au sens de la disposition précitée présuppose une mesure d’expulsion ou de refoulement légalement prise, ainsi que l’impossibilité d’exécuter cette mesure.

Il est constant qu’en l’espèce, la mesure de placement n’est pas basée sur une décision d’expulsion. Or, en vertu de l’article 12 de la loi précitée du 28 mars 1972, une mesure de refoulement peut être prise « sans autre forme de procédure que la simple constatation du fait par un procès-verbal » à l’égard d’étrangers non autorisés à résidence (…) 2. qui ne disposent pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour (…) 4. qui ne sont pas en possession des papiers de légitimation prescrits et de visa si celui-ci est requis (…)».

Dans la mesure où l’absence de papiers de légitimation prescrits dans le chef du demandeur n’est pas contestée et que ce dernier ne disposait pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, Monsieur … remplissait dès lors en date du 18 avril 2005 les conditions légales telles que fixées par la loi sur base desquelles une mesure de refoulement a valablement pu être prise à son encontre.

Par ailleurs, le demandeur ne saurait invoquer sa qualité de demandeur d’asile au Luxembourg pour éviter une mesure de placement, étant donné que le jour même du dépôt de sa demande d’asile et contrairement à ses affirmations initiales, le système EURODAC a révélé que Monsieur … avait déjà présenté en dates des 14 et 26 juin 2003 deux demandes d’asile, l’une en Autriche et l’autre aux Pays-Bas, et que face à des indices relativement à une compétence d’un autre Etat, le respect de la procédure instaurée par le règlement CE n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers, impliquant plus particulièrement l’envoi d’une demande de reprise aux autorités autrichiennes, s’imposait, de sorte que les démarches faites en conséquence par les autorités luxembourgeoises ne sauraient être constitutives d’un abus de pouvoir respectivement d’une violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. Dans ce contexte, le reproche de Monsieur … que la demande de reprise en charge n’a été faite que le lendemain de son placement est également à écarter, étant donné qu’aucune disposition légale n’impose la formulation d’une demande de reprise en charge antérieurement à une mesure de placement.

En ce qui concerne le moyen tiré de l’insuffisance des démarches entreprises par les autorités luxembourgeoises pour s’assurer que la mesure d’éloignement puisse être exécuté sans retard, force est de constater que le ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration s’est adressé aux autorités autrichiennes dès le 19 avril 2005 en vue de la reprise en charge de Monsieur …, que les autorités autrichiennes ont répondu favorablement à cette demande le 6 mai 2005 et que le service de police judiciaire a informé le ministère compétent en date du 9 mai 2005 que le transfert est organisé pour le jeudi 19 mai 2005.

Partant, le moyen du demandeur laisse d’être fondé, étant donné que les autorités luxembourgeoises ne sauraient en l’espèce se voir reprocher un manque de diligences qui aurait retardé de manière non justifiée l’exécution du rapatriement.

Il convient encore d’examiner le moyen tiré du défaut d’existence d’un danger de soustraction à la mesure d’éloignement dans le chef de Monsieur ….

Dans ce contexte, il convient de relever de prime abord que le demandeur rentre directement dans les prévisions de la définition des « retenus », telle que consacrée à l’article 2 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière et modifiant le règlement grand-ducal du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne de l’établissement pénitentiaire, et que la mise en place d’un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière repose précisément sur la prémisse qu’au-delà de toute considération tenant à une dangerosité éventuelle des personnes concernées, celles-ci, eu égard au seul fait de l’irrégularité de leur séjour et de l’imminence de l’exécution d’une mesure d’éloignement dans leur chef, présentent en principe et par essence un risque de se soustraire à la mesure d’éloignement, fût-il minime, de sorte que la rétention de Monsieur … dans ledit Centre de séjour est en l’espèce justifiée dans son principe, ceci afin d’éviter que l’exécution de la mesure prévue ne soit compromise. Cette conclusion est confirmée par le comportement de Monsieur …, qui a présenté à ce jour des demandes d’asile dans trois pays différents, à savoir l’Autriche, les Pays-Bas et le Luxembourg et qui pour le surplus a encore séjourné au Danemark, en France et en Allemagne.

Il suit des développements qui précèdent que le recours en réformation laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond le dit non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 12 mai 2005 par le vice-président en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Campill 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19769
Date de la décision : 12/05/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-05-12;19769 ?

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