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12/05/2005 | LUXEMBOURG | N°19707

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 mai 2005, 19707


Tribunal administratif N° 19707 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 avril 2005 Audience publique du 12 mai 2005

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19707 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 avril 2005 par Maître Yvette NGONO YAH, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à L

uxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Mikushnice-Skenderaj (Kosovo / Etat de Serbie-et Monténégro), d...

Tribunal administratif N° 19707 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 avril 2005 Audience publique du 12 mai 2005

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19707 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 avril 2005 par Maître Yvette NGONO YAH, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Mikushnice-Skenderaj (Kosovo / Etat de Serbie-et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 17 février 2005, par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 avril 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en sa plaidoirie.

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Monsieur … introduisit le 21 décembre 2004 une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur … fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut entendu le 28 janvier 2005 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration l’informa, par lettre du 17 février 2005, que sa demande avait été déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire. Cette décision est libellée comme suit :

« Il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire du 21 décembre 2004 que vous auriez quitté Mitrovica le 15 décembre 2004 et que vous seriez arrivé au Luxembourg le 19 décembre 2004. Votre demande en obtention du statut de réfugié date du 21 décembre 2004. Par la suite, vous admettez être illégalement entré en Allemagne en 2004, sans pouvoir donner de date exacte et que vous auriez été arrêté par la police allemande, sans de nouveau pouvoir préciser où exactement. Vous auriez quitté l’Allemagne le 21 décembre 2004 et vous seriez venu en camionnette au Luxembourg. En audition du 28 janvier 2005, vous dites avoir quitté Mitrovica il y a six mois, donc vers juillet 2004 et avoir été arrêté par la police allemande à Heidelberg.

Il résulte de vos déclarations que depuis la fin du conflit du Kosovo vous auriez vécu à Mitrovica chez des neveux étant donné que votre maison à Skenderaj aurait été brûlée. Vous ne pouvez pas préciser si vous auriez vécu du côté nord ou sud de Mitrovica, vous dites seulement avoir vécu du côté serbe. Vous auriez quitté le Kosovo parce que deux de vos neveux auraient été tués par des albanais en 1999 et ceci parce qu’ils auraient collaboré avec les serbes. Vous pensez que les albanais voudraient également vous tuer parce que vous auriez vécu avec ces deux neveux à Mitrovica. Vous dites aussi ne pas pouvoir retourner au Kosovo, vous n’auriez pas d’endroit où rester.

Vous ne faites pas état de persécutions personnelles, de menaces ou d’autres problèmes au Kosovo. Vous seriez membre du PDK, mais vous ne faites pas état de problèmes liés à cette adhésion.

Selon l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

Force est de constater que votre demande ne correspond à aucun critère de fond défini par la Convention de Genève et que vous ne faites pas état de persécutions personnelles ou de problèmes au Kosovo du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos opinions politiques.

Votre crainte purement hypothétique et basée sur aucun fait réel de vous faire tuer par des albanais, sans préciser lesquels, parce que vos neveux auraient été tués en 1999, ne saurait fonder une demande en obtention du statut de réfugié politique. Il en va de même du fait que vous n’auriez plus d’endroit pour vivre. Par ailleurs, en tant que Albanais du Kosovo vos craintes sont manifestement dénuées de fondement en ce qui concerne votre situation au Kosovo.

A cela s’ajoute que des doutes très sérieux doivent être exprimés quant au fait que vous auriez effectivement vécu à Mitrovica depuis 1999. Ainsi, vous ne pouvez pas préciser si vous auriez vécu du côté nord ou sud de Mitrovica, ni où s’y trouve la station de train. Vous ignorez ce qui est le « Dudin Krsh », où se trouve l’église orthodoxe ou l’hôpital et quelle est la distance entre Mitrovica et Zvenace. Vous ne pouvez également pas énumérer les villages qui se trouvent autour du Mitrovica.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Suite à un recours gracieux formulé par lettre du 17 mars 2005 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre des Affaires étrangères et de l’immigration prit une décision confirmative le 21 mars 2005.

Par requête déposée le 22 avril 2005, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle initiale du 17 février 2005.

L’article 10 de la loi précitée du 3 avril 1996 prévoit expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives.

Le recours en annulation à l’encontre de la décision ministérielle litigieuse ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur, déclarant être originaire du Kosovo, reproche au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration une mauvaise appréciation de sa situation personnelle au motif « qu’à l’heure actuelle, elle exprime le souhait de ne plus rentrer dans son pays d’origine, alors qu’elle est menacée par la population albanaise du Kosovo » (sic).

Le délégué du gouvernement soulève en premier lieu l’irrecevabilité du recours en réformation pour cause d’« obscuri libelli ».

D’après l’article 29 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridiction administratives « l’inobservation des règles de procédure n’entraîne l’irrecevabilité de la demande que si elle a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense ».

S’il est vrai que l’exposé des faits et moyens dans la requête introductive d’instance est sommaire, force est au tribunal de constater que la partie étatique a pu valablement organiser sa défense, au-delà des imprécisions et formulations contenues dans le libellé de la requête introductive d’instance, de même que le tribunal a par ailleurs pu percevoir la portée du recours, le demandeur s’estimant menacé par la population albanaise du Kosovo.

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 29 de la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée le moyen d’irrecevabilité pour libellé obscur est à écarter pour absence de grief effectif porté aux droits de la défense de l’Etat.

Le délégué du gouvernement soutient ensuite que la demande d’asile du demandeur ne répondrait à aucun des critères de fond tels que prévus par la Convention de Genève, « d’autant plus que le Kosovo doit être considéré comme territoire où il n’existe pas, en règle générale, de sérieux risques de persécution pour les Albanais du Kosovo ».

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

Une demande d’asile basée exclusivement sur des motifs d’ordre personnel et familial ou sur un sentiment général d’insécurité sans faire état d’un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée (cf.

trib. adm. 19 juin 1997, n° 10008 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Etrangers, n° 107 et autres références y citées ; trib. adm. 22 septembre 1999, n° 11508 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Etrangers, n° 105 et autres références y citées).

En l’espèce, au regard des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile, tels qu’ils se dégagent du rapport d’audition susvisé du 28 janvier 2005 et de la requête introductive d’instance, force est de constater qu’il n’a manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays d’origine.

En effet, il appert du compte-rendu de son audition, que le demandeur a essentiellement déclaré avoir peur des Albanais du Kosovo qui auraient tué au courant de l’année 1999 deux de ses neveux pour avoir coopéré avec les Serbes et en raison du fait qu’il n’avait plus d’endroit où rester.

C’est dès lors à juste titre que le ministre compétent a pu retenir qu’il ne se dégage pas du récit des faits présenté par le demandeur qu’il aurait été ou risquerait d’être persécuté dans son pays de provenance du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques et qu’il ne ferait valoir qu’une crainte purement hypothétique, de sorte que ledit ministre a valablement pu retenir que sa demande d’asile ne repose sur aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève.

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a rejetée sa demande d’asile comme étant manifestement infondée et que le recours sous analyse est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant le rejette ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge et lu à l’audience publique du 12 mai 2005, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19707
Date de la décision : 12/05/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-05-12;19707 ?

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