La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/05/2005 | LUXEMBOURG | N°19765

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 mai 2005, 19765


Tribunal administratif Numéro 19765 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 mai 2005 Audience publique du 11 mai 2005 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

--------------------------------


JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 19765 du rôle, déposée le 4 mai 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Valérie DEMEURE, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de

Monsieur …, né le … à Berane (Etat de Serbie-et-Monténégro), de nationalité serbo-monténégri...

Tribunal administratif Numéro 19765 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 mai 2005 Audience publique du 11 mai 2005 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

--------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 19765 du rôle, déposée le 4 mai 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Valérie DEMEURE, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Berane (Etat de Serbie-et-Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 4 avril 2005 ordonnant son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 mai 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 10 mai 2005 pour le compte du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Valérie DEMEURE, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 11 mai 2005.

__________________________________________________________________________

Par arrêté du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 4 avril 2005, lui notifié le même jour, Monsieur … fut placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification dudit arrêté dans l’attente de son éloignement du territoire luxembourgeois.

Ladite décision repose sur les considérations et motifs suivants :

« Vu l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers ;

1Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu le rapport no 15/682/05/HA du 4 avril 2005 établi par la Police grand-ducale, Service de Police Judiciaire, section des étrangers et des jeux ;

Considérant que l’intéressé est démuni d’un document de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels légalement acquis ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant que l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible :

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Par requête déposée le 4 mai 2005 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 4 avril 2005.

Etant donné que l'article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l'entrée et le séjour des étrangers; 2. le contrôle médical des étrangers; 3.

l'emploi de la main-d'œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit contre la décision litigieuse. Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est à déclarer irrecevable.

Le délégué du gouvernement fait cependant valoir que dans la mesure où le demandeur est placé actuellement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière sur base de la seule décision de prorogation, le recours en réformation dirigé contre la mesure de placement initiale du 4 avril 2005 serait à déclarer irrecevable.

Le demandeur résiste à cette argumentation en faisant valoir que seule la décision initiale de placement lui aurait été notifiée.

S’il est vrai que le demandeur ne se trouve plus à l’heure actuelle placé par application de l’arrêté de placement litigieux qui a cessé de produire ses effets et que le tribunal ne peut dès lors plus utilement faire droit à la demande en réformation dudit arrêté et ordonner la libération immédiate du demandeur, ce dernier conserve un intérêt administratif à faire examiner la légalité de ce même arrêté de placement dans la mesure où il est encore actuellement retenu sur base d’un arrêté ministériel de prorogation, pris en date du 2 mai 2005 et notifié au demandeur le 4 mai 2005, ainsi que cela a été confirmé par le représentant étatique lors des plaidoiries à l’audience publique.

Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable dans la mesure des moyens de légalité invoqués.

A l’appui de son recours, le demandeur reproche au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration de ne pas avoir enregistré sa demande d’asile lorsqu’il se serait présenté le 4 avril 2005 au ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration et de l’avoir ainsi privé du bénéfice des mesures protectrices de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire et de l’avoir à tort considéré comme étranger en séjour irrégulier et ordonné son placement en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois, alors qu’en tant que demandeur d’asile, il ne serait pas visé par l’article 15 de la loi précitée du 28 mars 1972. Il précise que le 212 avril 2005, il aurait encore introduit, par le biais de son mandataire, une demande d’asile et que le 29 avril 2005, il aurait été auditionné par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration. Il conclut qu’au vu de sa qualité de demandeur d’asile, une mesure de rétention ne saurait être prise à son égard. Enfin, il ajoute que sa sœur, laquelle résiderait à Diekirch, aurait accepté de l’héberger durant le temps de l’instruction de sa demande d’asile.

Le délégué du gouvernement rétorque que le demandeur, après avoir déposé une première demande d’asile en 1995, demande rejetée suivant décision du ministre de la Justice du 23 juillet 1996 et confirmée par le tribunal administratif en date du 4 juin 1997, serait retourné dans son pays d’origine pour ensuite se présenter à nouveau le 4 avril 2005 au Service des réfugiés du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration. Il soutient que ce serait à bon droit que le ministre aurait ordonné une mesure de rétention à son encontre, étant donné que le demandeur se trouvait en séjour irrégulier au pays et qu’il avait déclaré ne pas vouloir déposer une demande d’asile. Il précise que la demande d’asile introduite par le biais de l’avocat de Monsieur … aurait été déclarée irrecevable aux termes de l’article 15 de la loi précitée du 3 avril 1996, que le 4 mai 2005, un laissez-passer aurait été demandé aux autorités monténégrines et que le 6 mai 2005, la police grand-ducale aurait été saisie en vue du rapatriement du demandeur.

En droit, le délégué du gouvernement met en doute la volonté du demandeur de déposer une demande d’asile au vu du rapport explicite du Service de Police Judiciaire du 4 avril 2005. Il estime que le demandeur n’est pas à considérer comme demandeur d’asile, alors que sa deuxième demande d’asile aurait été déclarée irrecevable sur base de l’article 15 de la loi précitée du 3 avril 1996, tout en relevant que ladite loi prévoirait que le recours contre les décisions d’irrecevabilité ne serait pas suspensif. Enfin, il insiste sur ce que les autorités luxembourgeoises auraient agi avec la diligence nécessaire et que le retard du rapatriement serait uniquement imputable au demandeur.

En vertu de l’article 15, paragraphe (1) de la loi précitée du 28 mars 1972, lorsque l’exécution d’une mesure d’expulsion ou de refoulement en application des articles 9 et 12 de la même loi est impossible en raison de circonstances de fait, l’étranger peut, sur décision du ministre compétent, être placé dans un établissement approprié à cet effet pour une durée d’un mois.

Il en découle qu’une décision de placement au sens de la disposition précitée présuppose une mesure d’expulsion ou de refoulement légalement prise, ainsi que l’impossibilité d’exécuter cette mesure.

Il est constant qu’en l’espèce, la mesure de placement n’est pas basée sur une décision d’expulsion. Or, en vertu de l’article 12 de la loi précitée du 28 mars 1972, une mesure de refoulement peut être prise « sans autre forme de procédure que la simple constatation du fait par un procès-verbal » à l’égard d’étrangers non autorisés à résidence (…) 2. qui ne disposent pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ; (…) et 4. qui ne sont pas en possession des papiers de légitimation prescrits et de visa si celui-ci est requis (…)».

Dans la mesure où l’absence de papiers de légitimation prescrits et de moyens d’existence personnels dans le chef du demandeur n’est pas contestée, Monsieur … remplissait dès lors en date du 4 avril 2005 les conditions légales telles que fixées par la loi sur base desquelles une mesure de refoulement a valablement pu être prise à son encontre.

3 Cette conclusion n’est pas ébranlée par l’argumentation du demandeur consistant à affirmer qu’il serait à considérer comme demandeur d’asile, étant donné qu’il ressort du rapport no 15/682/05/HA du Service de Police Judiciaire, Police des étrangers et des jeux, du 4 avril 2005 que Monsieur … a expressément déclaré ne pas vouloir introduire une demande d’asile au motif qu’il n’aurait pas de problèmes au Monténégro et qu’il serait venu au Luxembourg pour trouver du travail, ce qui est encore confirmé par une déclaration signée par le demandeur et jointe en annexe audit rapport, de sorte qu’on ne saurait le suivre en ce qu’il fait soutenir devoir être considéré comme ayant eu, au moment de la prise de la décision de placement, la qualité de demandeur d’asile.

Par ailleurs, on ne saurait pas non plus faire de reproche au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration pour, suite à l’introduction formelle d’une demande d’asile par le biais du mandataire de l’intéressé en date du 12 avril 2005, ne pas l’avoir immédiatement libéré, étant donné que dans les circonstances de l’espèce, le ministre a pu attendre des informations supplémentaires quant aux nécessité ou possibilité d’un éloignement moyennant transfert de l’intéressé dans un autre pays sûr, voire la possibilité de son rapatriement.

S’y ajoute que la deuxième demande d’asile a été, suivant décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 2 mai 2005, déclarée irrecevable sur base de l’article 15 de la loi précitée du 3 avril 1996, étant relevé que ledit article, même s’il renvoie pour le surplus à l’article 10 de ladite loi, prévoit expressément qu’un recours contentieux dirigé contre une décision d’irrecevabilité d’une nouvelle demande d’asile présentée par une personne à laquelle une demande d’admission au statut de réfugié a été précédemment et définitivement refusée, comme c’est le cas en l’espèce, n’a pas d’effet suspensif, de sorte qu’à l’heure actuelle le demandeur n’est pas à considérer comme demandeur d’asile.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé et que le demandeur est à en débouter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, reçoit le recours principal en réformation en la forme, au fond, le déclare sans objet, dans la mesure où il tend à la mise en liberté du demandeur, pour le surplus, le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable, condamne le demandeur aux frais.

4Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge et lu à l’audience publique du 11 mai 2005 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19765
Date de la décision : 11/05/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-05-11;19765 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award